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Un frisson parcourut l'échine d'Elena alors que les paroles de Darius résonnaient dans son esprit. Il avait raison, d'une certaine manière. Cette quête de vengeance, cette haine qui l'avait nourrie pendant tant d'années, la poussait à une frontière qu'elle n'avait jamais imaginée. Mais comment pouvait-elle arrêter ? Comment pouvait-elle se détourner de ce qui l'avait définie depuis le massacre de sa famille ?
Elle serra les poings, le regard toujours plongé dans celui du vampire, et une rage bouillonnante se leva en elle, plus forte que les doutes qui commençaient à la ronger. Elle n'avait pas demandé à être un monstre. Elle n'avait pas choisi cette vie. Mais elle était là, debout, face à l'ennemi, face à ses choix, et elle allait les affronter, peu importe les avertissements, peu importe la douleur qu'elle devait encore endurer.
- Je n'ai pas le choix, souffla-t-elle, sa voix rauque, remplie de détermination. Je ne peux pas faire demi-tour. Pas maintenant.
Darius la regarda, un silence lourd s'étendant entre eux. Il semblait réfléchir, pesant chaque mot avant de parler, comme s'il savait qu'une simple erreur de parole pourrait les précipiter tous deux dans l'abîme. Puis il prit une profonde inspiration et répondit d'une voix calme, mais ferme :
- Ce n'est pas à toi de décider ce que tu dois ou ne dois pas faire. Tu crois que tout est une question de vengeance, mais il y a des choses qui vont au-delà de ta compréhension. Il y a des forces qui manipulent le cours des événements, des liens qui t'échappent, et ton rôle dans tout cela n'est pas aussi simple que de tuer ou de survivre.
Le vampire, quant à lui, n'avait pas bougé. Il observait la scène avec une intensité glaciale, son regard un mélange de curiosité et de calcul. Il savait que cette confrontation était inévitable, mais il n'agissait pas. Il attendait. Peut-être attendait-il que l'un d'eux fasse un mouvement, une erreur. Ou peut-être voulait-il juste voir où cette confrontation les mènerait.
Elena, malgré la confusion qui se dessinait dans son esprit, sentit une détermination nouvelle s'éveiller en elle. Peut-être que Darius avait raison. Peut-être que cette quête de vengeance n'était pas la solution. Mais comment pourrait-elle abandonner l'unique but qui l'avait définie pendant toutes ces années ? Comment renoncer à ce qui avait fait d'elle ce qu'elle était, une chasseuse de créatures, une traqueuse impitoyable ?
Elle se tourna brusquement vers Darius, ses yeux pleins de feu, ses dents serrées.
- Et qu'est-ce que vous proposez, alors ? Que je m'agenouille devant ce monstre et que je lui pardonne tout ? Que je laisse tout le passé derrière moi comme si rien n'était ?
Darius ne sembla pas déstabilisé par sa colère. Au contraire, il répondit avec calme, mais une dureté qui ne laissait place à aucun doute.
- Ce n'est pas une question de pardon, Elena. C'est une question de comprendre la véritable nature de tes ennemis. Parce que tu te trompes sur tout. Le vampire devant toi n'est pas celui que tu crois. Et plus tu t'enfonces dans la haine, plus tu te perds. À un moment donné, il faut savoir voir au-delà de la vengeance. Si tu veux vraiment comprendre, il faut d'abord comprendre ce que tu es.
Elena se raidit. Ces mots frappèrent plus fort qu'un coup de poing. Il y avait quelque chose dans la manière dont Darius parlait, quelque chose qu'elle n'avait jamais envisagé. Elle se souvenait encore de son premier contact avec lui, quand il lui avait parlé de son propre héritage. Peut-être que tout ce qu'elle pensait savoir sur les lycans, sur ce monde surnaturel qui la terrifiait et la fascinait, n'était qu'un voile. Un voile qui se levait, lentement, au fur et à mesure qu'elle s'avançait sur ce chemin, mais un voile qu'elle n'était pas prête à traverser.
Le vampire fit un léger pas en avant, brisant ainsi la tension qui s'était installée dans l'air. Elena détourna le regard un instant, cherchant un moyen d'échapper à cette conversation qui la menaçait d'un profond déséquilibre. Mais elle savait, au fond, qu'il n'y avait plus de fuite possible.
- Alors explique-moi, murmura-t-elle, sa voix brisée par l'émotion. Si tu sais ce que je suis vraiment, alors dis-le-moi. Dis-moi pourquoi j'ai encore cette soif de tuer, pourquoi je suis ici, dans ce lieu maudit, au milieu de ce chaos.
Le vampire la regarda longuement, comme si ses yeux perçaient jusqu'à l'âme d'Elena, révélant des vérités qu'elle n'avait pas encore confrontées. Finalement, il parla, sa voix douce mais mordante.
- Ce que tu es... n'est pas simplement une victime, Elena. Tu portes une malédiction, une malédiction qui coule dans ton sang, une malédiction qui lie ton destin à celui des lycans et des vampires depuis des siècles. Et plus tu la combattras, plus elle te détruira.
Elena se figea. Les paroles du vampire frappèrent comme un coup de tonnerre, éclatant dans l'espace entre eux. Une malédiction ? Un destin lié aux créatures qu'elle avait chassées toute sa vie ? Cela n'avait aucun sens. Mais quelque part, tout cela semblait trop réel pour qu'elle puisse le rejeter.
Darius s'approcha d'elle alors, ses yeux toujours fixés sur elle avec une intensité déconcertante.
- Il est temps de découvrir la vérité, Elena. Et de choisir si tu veux continuer à fuir ce que tu es, ou l'accepter et en faire ton allié.
La brume s'épaissit à nouveau, comme si elle répondait aux paroles du lycan, mais cette fois, il n'y avait pas de retour en arrière. Elena savait que le chemin qu'elle allait emprunter allait changer sa vie à jamais. Que ce soit dans la douleur ou dans la rédemption, elle devait avancer.
Elena resta figée, ses pensées tourbillonnant dans sa tête à une vitesse effrayante. Tout ce qu'elle avait connu jusqu'ici semblait se dérober sous ses pieds, comme un sol qui se fissurait lentement, menaçant de l'engloutir dans l'inconnu. Les mots de Darius, lourds de significations multiples, résonnaient dans son esprit avec une persistance qui ne lui laissait aucune échappatoire. Une malédiction... un destin... Il parlait d'une vérité qu'elle n'était pas prête à affronter.
Elle tourna son regard vers l'obscurité qui les entourait, vers ce lieu maudit, ce village oublié au milieu des Balkans. Les arbres se dressaient comme des spectres dans la nuit, leurs silhouettes tordues par le vent. Le silence qui pesait sur eux était lourd, presque palpable, comme une promesse de révélations à venir. Et pourtant, Elena savait qu'elle ne pourrait pas fuir cette fois. Elle avait été capturée, oui, mais plus que cela, elle avait été attirée dans un piège invisible, tissé depuis longtemps. Un piège dont elle ignorait l'existence jusqu'à ce qu'elle soit bien trop proche de la vérité pour faire demi-tour.
- Qu'est-ce que tu attends de moi ? demanda-t-elle enfin, la voix serrée par l'émotion qu'elle peinait à contenir. Pourquoi me dire tout ça maintenant ?
Darius ne répondit pas tout de suite. Au lieu de cela, il se contenta de l'observer, une lueur indéchiffrable dans son regard. Il semblait peser ses mots, comme si chaque syllabe qu'il prononçait devait être choisie avec une précision absolue. Puis, dans un souffle à peine audible, il répondit.
- Parce que la chasse que tu poursuis n'est pas celle que tu crois. Il y a plus grand que ta vengeance, plus grand que ton désir de destruction. Le temps est venu pour toi de comprendre pourquoi tu es ici, et pourquoi tu as été choisie. Mais pour cela, tu dois d'abord accepter ce que tu es.
Un frisson secoua Elena. Elle lutta contre l'envie de lui crier qu'il se trompait, qu'il n'avait aucune idée de ce qu'il disait. Mais une part d'elle savait que Darius n'était pas le genre d'homme qui parlait à la légère. Il avait une profondeur, un savoir caché sous une froideur presque palpable. Et il semblait voir quelque chose en elle qu'elle-même ignorait encore.
- Et si je refuse ? murmura-t-elle, son regard brûlant de défi. Et si je choisis de continuer à détruire tout ce qui me ressemble, tout ce qui a pris la vie de ma famille ?
Les yeux de Darius se durcirent, mais il ne la quitta pas des yeux. Il semblait l'analyser, chaque muscle de son corps, chaque mouvement qu'elle faisait, comme s'il cherchait à déceler la moindre faiblesse. Mais il n'y avait rien dans son attitude qui trahissait une quelconque peur. La guerre qu'il lui proposait était une guerre intérieure, une bataille qu'elle devait livrer seule, sans pouvoir se cacher derrière son arme ou ses certitudes.
- Tu crois que la haine te protège, Elena, dit-il enfin. Mais elle te consume de l'intérieur. Tu vois des monstres partout, mais tu ignores que le plus grand des monstres est déjà en toi. Si tu continues sur cette voie, tu te perdras. Et tout ce que tu détestes deviendra ton miroir.
Le silence se fit à nouveau lourd, presque suffocant. Elena ferma les yeux un instant, tentant de repousser les pensées sombres qui envahissaient son esprit. Il avait raison sur un point, elle le savait. Chaque nuit, chaque chasse, chaque créature abattue ne la rendait pas plus forte, mais plus vide. Et si tout cela n'avait servi à rien ? Si elle était simplement en train de tourner en rond, prisonnière d'une vengeance qui n'en finirait jamais ?
Elle ouvrit les yeux, son regard se perdant dans les ombres des arbres autour d'elle. Il y avait quelque chose dans ces mots qui la dérangeait profondément, quelque chose qu'elle n'était pas prête à admettre. Mais elle sentait la vérité se frayer un chemin à travers son esprit, lentement, inexorablement.
- Si je suis cette chose... cette "créature", qu'est-ce que je dois faire ? Comment je trouve la paix ? demanda-t-elle d'une voix presque brisée, les mots trébuchant sur ses lèvres. Comment je trouve la vérité ?
Darius la regarda avec une intensité qui, cette fois, semblait presque humanisée. Il fit un geste lent, presque imperceptible, vers la forêt environnante.
- La vérité ne se trouve pas dans la violence, Elena. Elle se trouve dans l'acceptation. Tu dois t'affronter toi-même, et cela commencera ici, dans ce lieu. Viens. Tu dois comprendre la véritable nature de ce que tu chasses avant de pouvoir tuer quoi que ce soit.
Il fit un pas en arrière, et elle suivit son mouvement, bien qu'un sentiment étrange de réticence emplissait son corps. Ce n'était pas de la peur, pas exactement. Mais il y avait quelque chose de profondément dérangeant dans le fait de suivre un lycan, celui-là même qu'elle avait juré de détruire, dans une forêt aussi ancienne et menaçante.
- D'où ça commence, Darius ? demanda-t-elle en retrouvant sa voix, plus ferme cette fois. D'où commence cette "vérité" que tu veux m'imposer ?
Darius s'arrêta net. Il se tourna vers elle, son expression indéchiffrable, avant de répondre d'un ton qui semblait se répercuter dans l'air lui-même :
- Le début de la vérité, Elena, commence là où tout a commencé pour toi. Là où la haine t'a forgée. Le passé. Et ce qui se cache sous la surface de ta mémoire.
Ses mots frappèrent Elena comme un éclair. Le passé. Elle savait ce qu'il voulait dire. Mais pouvait-elle vraiment affronter tout ce qu'elle avait enfoui depuis tant d'années ? Et si ce qu'elle découvrirait la détruisait encore plus ?
Le vent se leva, sifflant à travers les arbres comme une litanie ancienne, et Elena comprit qu'elle n'avait plus le choix. Elle devait suivre Darius dans l'obscurité de la forêt. Mais chaque pas la rapprochait d'une vérité qu'elle redoutait plus que tout.