De l'autre, il y avait Ethan Sinclair, et la perspective de le voir dans un cadre social où les tensions professionnelles se mêleraient à des discussions plus personnelles l'intimidait profondément.
Elle se mordilla la lèvre inférieure en ajustant les dernières touches de son maquillage. Son regard se fixa sur l'invitation posée sur sa commode. Le gala était un événement prestigieux, destiné à célébrer les réussites de l'année écoulée, et c'était l'occasion de rencontrer des clients de haut niveau, des partenaires influents, mais aussi de découvrir des facettes de ses collègues qu'elle ne connaissait pas encore.
Le jour J, la salle de réception du grand hôtel où se tenait l'événement brillait de mille feux. Des lustres scintillants pendaient du plafond, et les tables étaient recouvertes de nappes blanches éclatantes, ornées de bouquets de fleurs fraîches. L'ambiance était à la fois glamour et sophistiquée. Léa se sentit un peu perdue dans ce décor somptueux, une sensation d'incongruité l'envahissant alors qu'elle traversait la pièce, son verre de champagne à la main. Elle n'avait pas l'habitude de ces événements mondains. Tout semblait si éloigné de sa réalité quotidienne.
Elle aperçut des visages familiers, collègues de son département, qui discutaient entre eux, vêtus de leurs plus beaux costumes. Léa se mêla à eux, saluant quelques-uns d'entre eux avec un sourire poli. La tension du travail semblait s'être dissipée pour la soirée, mais elle ressentait une gêne palpable dans l'air. Les conversations étaient superficielles, et les rires artificiels. Mais ce n'était pas ce qui la perturbait. C'était la façon dont tout le monde, sans exception, jetait des regards furtifs vers le coin de la salle où Ethan Sinclair, impeccable comme toujours, se tenait seul, un verre de vin rouge à la main, son regard plongé dans l'horizon, comme si rien ne l'intéressait vraiment.
- **Alors, Léa, qu'est-ce que tu penses de cette soirée ?** demanda Claire, l'une des architectes de l'équipe, en s'approchant d'elle. Elle portait une robe rouge vif et semblait s'amuser, son rire éclatant dans le tumulte de la salle.
- **C'est... impressionnant,** répondit Léa, en jetant un regard circulaire. **Un peu trop peut-être, mais c'est joli.** Elle s'efforça de ne pas laisser paraître sa nervosité.
- **Oh, je comprends ce que tu veux dire,** dit Claire en s'esclaffant. **Je me suis toujours sentie un peu perdue dans ce genre d'événements, mais crois-moi, si tu veux avancer dans cette entreprise, il faut savoir briller ici.**
Léa hocha la tête, prenant une gorgée de son champagne. La conversation dévia rapidement vers d'autres sujets, mais une question persistait dans son esprit : que pensait Ethan de ces soirées ? Ces moments de luxe et de pompe semblaient si loin de l'homme qu'elle avait appris à connaître au bureau.
Alors qu'elle observait à nouveau la salle, Claire poursuivit, comme si elle devinait ses pensées.
- **Tu sais, tout le monde parle d'Ethan ce soir.** Elle marqua une pause, baissant la voix. **Il n'aime pas ces événements, vraiment. Il le fait uniquement parce qu'il doit. Tu as remarqué qu'il reste toujours à l'écart, seul ?** Claire baissa son ton, comme si elle se préparait à révéler un secret. **Personne ne le connaît vraiment. Mais tout le monde sait qu'il déteste être ici.**
Léa tourna son regard vers Ethan, qui était effectivement toujours seul, observant la pièce, indifférent à l'agitation autour de lui. Il ne participait à aucune conversation, n'échangeait de sourires avec personne. Il semblait comme un spectre parmi les autres, une présence solitaire et imposante.
- **Vraiment ? Mais il a l'air si...** Léa chercha ses mots, essayant de comprendre. **Si détaché. C'est étrange. On dirait qu'il n'est jamais vraiment là.**
- **Exactement,** répondit Claire, souriant. **Mais tu sais, Léa, il y a une raison à ça. Ethan n'est pas... comme les autres. C'est un homme complexe. Derrière toute cette froideur, il cache beaucoup de choses. C'est quelqu'un de très privé. Il a une histoire. Enfin... on n'est pas tous sûrs de ce qu'il cache, mais certains disent que ça a un rapport avec sa famille.**
Léa n'eut pas le temps de répondre. Un serveur vint lui proposer un autre verre de champagne qu'elle accepta distraitement, ses pensées maintenant accrochées à la révélation de Claire. Quel genre d'histoire pouvait bien justifier ce comportement de distance, cette apparente indifférence ? Ethan Sinclair semblait être une énigme, et elle se demandait si elle arriverait un jour à en percer le mystère.
Elle se détourna de Claire et se dirigea vers la fenêtre. L'air frais de la nuit la toucha instantanément, apaisant un peu la tension qu'elle ressentait. Elle aperçut Ethan, toujours seul, regardant la ville, les mains croisées derrière son dos. Sans réfléchir, Léa s'avança dans sa direction. Il n'avait pas l'air de l'avoir remarquée, absorbé dans ses pensées.
- **Ethan,** dit-elle doucement, hésitant un instant avant de l'aborder.
Il se tourna enfin vers elle, ses yeux sombres se posant sur elle avec une lueur indéchiffrable. Il était toujours aussi élégant, ses cheveux parfaitement coiffés, son costume impeccablement coupé. Mais quelque chose dans son regard la fit frissonner. Il ne semblait pas surpris de la voir, mais il restait un peu distant, comme s'il préférait être n'importe où ailleurs.
- **Mademoiselle Morel. Vous vous sentez à l'aise dans ce décor, je suppose ?** demanda-t-il, son ton toujours aussi froid.
- **Je m'y fais,** répondit-elle en s'efforçant de sourire. **Mais ce n'est pas votre genre, n'est-ce pas ?**
Il haussa légèrement un sourcil, mais son regard ne se radoucit pas.
- **Non, ce n'est pas mon genre,** admit-il, son regard se détournant à nouveau vers la vue nocturne. **Mais ces événements sont nécessaires. Nous devons les organiser pour maintenir l'image de l'entreprise.** Il marqua une pause. **C'est le prix à payer pour le succès.**
Léa le regarda attentivement. Elle aurait aimé comprendre ce qu'il pensait vraiment. Mais cette nuit-là, il était plus énigmatique que jamais. Elle ne savait pas s'il parlait simplement de l'entreprise ou s'il y avait quelque chose de plus profond derrière ses mots.
- **Mais vous semblez... fatigué de tout ça.** Elle ne put s'empêcher de dire ce qu'elle ressentait. **On dirait que vous ne vous amusez jamais.**
Une lueur passagère de surprise traversa ses yeux. Mais il se ressaisit presque aussitôt.
- **L'amusement n'est pas ce qui importe.** Il secoua légèrement la tête, comme pour rejeter cette idée. **Ce qui importe, c'est le travail. Le reste est secondaire.**
Léa sentit un frisson parcourir son échine. Il y avait une dureté dans sa voix, une sorte de rejet implicite de tout ce qui n'était pas lié à son objectif, à sa réussite. Mais en même temps, elle percevait aussi une douleur cachée, une solitude qu'il ne voulait pas admettre.
Elle se tut, n'osant plus rien ajouter. La tension entre eux, bien que silencieuse, était palpable.
Et juste avant de se tourner pour partir, Ethan lâcha ces quelques mots d'une voix presque inaudible, comme s'il les disait à lui-même :
- **Les gens que l'on rencontre ici... ils ne comprennent jamais.**