Léa se leva, sa posture rigide, mais ses mains légèrement tremblantes. Elle se força à ne pas regarder Ethan, se concentrant sur le grand écran derrière elle. La projection du projet *Marquis* se déploya en grande taille, et les premières images du bâtiment apparurent. Une structure moderne, avec de larges fenêtres laissant pénétrer la lumière, entourée de verdure. Un design raffiné, mais chaleureux, pensé pour favoriser le bien-être des habitants tout en intégrant des éléments écologiques innovants.
Elle commença sa présentation, sa voix ferme malgré l'appréhension qui la rongeait.
- **Le projet *Marquis* est conçu pour être un modèle d'intégration dans son environnement tout en étant à la pointe de l'architecture durable. L'immeuble propose des appartements modulables, permettant à chaque résident d'aménager son espace à sa manière, mais avec des matériaux 100 % écologiques, réduisant l'empreinte carbone de la construction de 40 %.**
Elle poursuivit, enchaînant les arguments techniques avec des détails impressionnants. Elle expliqua comment elle avait intégré les éléments naturels dans le design, comment elle avait pris en compte les besoins des futurs habitants. Chaque aspect avait été pensé pour le confort et l'esthétique, mais aussi pour l'environnement.
Les regards des membres du jury se fixaient sur l'écran, absorbés par la clarté et la fluidité de ses propos. Léa sentait que la tension se relâchait peu à peu. Même Ethan semblait plus calme que d'habitude, observant sans intervenir. Elle continua sur la fin de sa présentation, mentionnant les aspects techniques du projet, les matériaux de construction, l'impact écologique minimal, et l'importance des espaces verts dans un environnement urbain de plus en plus pollué.
Finalement, elle se tut. La salle était silencieuse, seulement perturbée par le bruit de quelques stylos posés sur la table et de l'air conditionné qui soufflait doucement. Léa croisa les bras et attendit. Elle n'osait pas regarder Ethan directement, mais elle sentait qu'il était le premier à être sceptique. Elle connaissait son regard, ce regard qui ne disait rien mais qui semblait tout dire. C'était celui qu'il avait quand il avait des doutes.
Puis, comme elle l'avait anticipé, Ethan prit la parole. Son ton était toujours aussi glacé, son visage impassible.
- **Je dois avouer que vous avez su livrer un projet solide, Mademoiselle Morel.** Il marqua une courte pause, ses yeux passant en revue les détails du dossier. **Cependant, je reste sceptique sur l'aspect écologique. Vous prétendez que le bâtiment sera totalement durable, mais avez-vous pris en compte la gestion des ressources sur le long terme ? L'entretien d'un tel projet pourrait s'avérer plus coûteux que prévu.**
Léa resta calme, même si son estomac se serrait. Elle savait que ce commentaire était une tentative de déstabilisation. Elle répondit d'une voix assurée, sans hésitation.
- **Oui, j'ai prévu une gestion de l'énergie et des ressources via des systèmes de collecte des eaux pluviales et de panneaux solaires intégrés dans la façade. Concernant l'entretien, une équipe spécialisée sera en charge de la maintenance, et les coûts ont été minutieusement évalués pour ne pas dépasser les budgets habituels.**
Elle enchaîna sur d'autres aspects du projet, mais malgré sa préparation, elle sentait que la salle était toujours partagée. Une partie de l'équipe semblait convaincue, mais Ethan restait sur la défensive, ne la laissant pas respirer. À chaque proposition, il en soulevait une nouvelle, mettant en doute chaque détail, chaque solution.
Au bout de quelques minutes, un silence pesant s'installa, et c'était maintenant au client de prendre la parole. Léa se redressa, se préparant mentalement à entendre des objections, des remarques. Mais contre toute attente, le client, un homme d'une cinquantaine d'années, appuyé contre le dossier de sa chaise, sourit légèrement.
- **Mademoiselle Morel, vous m'avez convaincu. Le projet *Marquis* correspond parfaitement à nos attentes. Nous allons avancer avec votre proposition.**
Les mots résonnèrent dans l'air comme un écho. Léa cligna des yeux, incrédule. Elle se tourna vers Ethan, qui n'avait pas encore réagi. Le client, de son côté, continua.
- **L'aspect écologique est primordial pour nous, et vous avez su nous montrer que ce projet est non seulement viable, mais aussi parfaitement en phase avec nos ambitions de développement durable. Nous allons signer dès que possible.**
Les membres de l'équipe échangèrent des regards, certains souriant, d'autres semblant encore un peu sous le choc de l'approbation immédiate. Léa sentit une vague de satisfaction l'envahir, mais elle ne se laissa pas emporter. Le plus difficile restait à venir.
- **Félicitations, Mademoiselle Morel.** La voix d'Ethan perça à nouveau le silence. Il s'était levé, les mains jointes derrière le dos. Ses yeux étaient maintenant posés sur elle, mais son expression était moins dure que d'habitude. **Je n'étais pas sûr que vous seriez capable de convaincre ce client. Vous avez fait vos preuves.**
Ce n'était pas un compliment, mais dans son ton, Léa perçut une forme de reconnaissance implicite. Il n'allait pas lui dire directement qu'il avait eu tort de douter d'elle, mais il n'avait pas besoin de le faire. Elle savait ce qu'il sous-entendait.
- **Merci,** répondit-elle simplement, son regard croisant celui d'Ethan, cherchant à lire dans ses yeux ce qu'il pensait vraiment.
Elle n'eut pas le temps de se laisser emporter par cette victoire. Le client s'était levé, et la réunion semblait sur le point de se conclure. Mais avant de quitter la pièce, Ethan s'arrêta, s'adressant à l'ensemble de l'équipe.
- **Vous avez fait du bon travail. Mais n'oubliez pas, chaque projet validé doit être plus ambitieux que le précédent. Mademoiselle Morel, vous avez une première victoire, mais maintenant, il faudra vous surpasser.**
Il tourna les talons sans un mot de plus et quitta la salle, laissant derrière lui une atmosphère partagée entre soulagement et tension.
Léa resta là, figée un instant, les sourires de ses collègues autour d'elle presque ironiques. Elle venait de gagner une première bataille, mais elle savait que la guerre était loin d'être terminée.