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Ethan
l'atmosphère huppée de notre hôtel familial.
Au lieu de Mayfair, je logeais désormais dans le penthouse, où mon père s'installait chaque fois qu'il était à Londres. L'ascenseur privé me déposait directement dans le salon décoré de tapis persans, d'œuvres d'art classiques et modernes et de lampes reliques.
La chambre, aux accents bordeaux, était décorée de toiles
minimalistes et de statuettes d'hommes nus. Une figurine de David avec une très grande érection m'évoqua l'homosexualité de mon père.
Comment a-t-on fait pour ne pas s'en apercevoir ?
Je me notai mentalement d'acheter aux enchères un ou deux nus de femmes lors de ma prochaine visite chez Sotheby's. J'aimais les belles choses, et c'était un excellent endroit où trouver des filles.
Trouver des filles ?
Peut-être que c'était l'état d'esprit dont j'avais besoin pour devenir ce promoteur au insensible qui cherchait à entrer dans le Guinness des records à force de coups d'un soir.
Mais est-ce bien ce que je veux ?
Mon téléphone vibra.
- Andrew, saluai-je en activant le haut-parleur.
- Tu as essayé de me joindre ? demanda mon interlocuteur.
Je m'allongeai sur le canapé Chesterfield vert. À travers les fenêtres, observal les ponts pointus de Westminster et de Lonares, fourmillai activité humaine et d'embouteillage
- Oui, c'est au sujet des plans du spa
- Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu les as validés, et la version finale est prête. Ça a l'air génial. Tu ne les as pas reçus ? s'étonna Andrew.
- Si, et je suis d'accord : ça a l'air génial. Mais on ne pourrait pas
Je grattai ma joue barbue - il était temps de rendre visite à mon barbier préféré. Puis me revint le souvenir des cris gutturaux de Mirabel alors que je frottais doucement ma tête entre ses cuisses voluptueuses.
Concentre-toi !
- Je suis indécis au sujet de la ferme des Newman. Reprenons les
plans originaux.
- Impossible, mon vieux. Mon investissement dépend de cet agrandissement.
Je poussai un long soupir.
- Oui. C'est bien ce qui me semblait. Tu voudrais combien pour racheter tes parts ?
- Hors de question ! J'ai fait une promesse à ma femme. Tu sais à quel point elle souhaite s'impliquer dans le design. Et tu sais comme moi qu'on gagne à contenter sa femme...
Il émit un léger rire.
- Est-ce qu'on peut construire ailleurs que sur cette ferme ?
- C'est trop tard. Les locataires ont reçu l'ordre d'évacuer les lieux d'ici la fin du mois. Ils n'ont même pas protesté et ont accepté notre généreuse contrepartie financière.
Mouais... pas sûr que Mirabel ne proteste pas, elle.
- On en reparle en fin de semaine.
Puis je mis fin à l'appel.
Je m'ajoutai un pense-bête supplémentaire pour trouver une autre solution pour les Newman. Je songeai au camp d'entraînement de Declan et à son projet de ferme bio. Je pourrais recommander les Newman pour gérer cette ferme : il y avait de quoi loger et suffisamment de place pour le bétail.
Parfait. Le voilà, mon plan. Maintenant, je peux passer à autre chose.
Je sortis mon ordinateur portable et cherchai la page Facebook de Mirabel Storm. Comme elle ne répondait pas à mes appels, j'avais décidé d'aller la trouver.
Je passai en revue ses photos, et m'arrêtai soudain sur ses grands yeux verts ensorcelants. En plus d'éveiller mon désir sexuel, la beauté de cette femme me captivait totalement. Ça avait toujours été le cas.
Je lançai une vidéo d'elle en train de chanter. Sa voix chaude et sensuelle donnait l'impression qu'elle était tour à tour en proie au plaisir, ou en train de vider son cœur en déclamant de la poésie particulièrement évocatrice. Même ses lèvres qui s'écartaient me rappelaient ses soupirs de plaisir tandis que je la pénétrais.
Fasciné, mon regard se déplaça de son magnifique et expressif visage vers ses seins et ses hanches qui ondulaient au gré de ses mouvements.
Bandant comme un fou, je baissai ma braguette et empoignai ma queue. Je rejouai la vidéo et commençai à me branler. Il ne me fallut pas longtemps pour éjaculer, pas devant un porno, mais devant une chanteuse folk.
Est-ce que je deviens taré ?
Après m'être nettoyé, j'allai voir sa page Facebook et y découvris qu'elle donnait un concert au Green Room ce soir.
Mon téléphone vibra. Je décrochai :
- Mère.
- Il y a réunion à dix-huit heures tapantes. Pour la lecture du testament.
- Déjà ?
Avoir à gérer de complexes affaires familiales me mettait mal à l'aise.
- Ça fait deux semaines, Ethan.
- On a reçu le rapport du médecin légiste ?
- Ton frère est en contact avec l'inspecteur de la criminelle. Appelle-le. Moi, je dois y aller. Mets un costume. Et pas de jean troué !
Je poussai un long soupir, avant d'ajouter :
- Entendu.
DECLAN M'ATTENDAIT DANS UN bar près du cabinet de l'avocat. A peine avais-je levé ma main pour le saluer que je me sentis engoncé dans cette veste censée m'aller comme un gant, d'après les dires du vendeur. Sans doute, je n'étais pas assez habitué à porter des costumes.
Même le pantalon collait à mes jambes. Et dire que le jeune vendeur n'avait cessé de me vanter cette coupe parfaite ! Il en avait des étoiles dans les yeux, surtout en m'invitant à dévoiler mes abdos que cette chemise mettait en valeur. Au moins, toutes ces séances à soulever des poids et à tester la nouvelle salle de sport de Reboot avaient porté leurs fruits.
- Dec ?
Il me salua d'un mouvement de menton et je lui désignai sa chope de bière à moitié pleine.
- T'en veux une autre ?
Il secoua la tête, les yeux rivés sur sa Rolex.
- Faut qu'on y soit dans une demi-heure. On doit faire vite.
La serveuse arriva, et je commandai une bière. Je déboutonnai ma veste puis m'assis.
- T'as l'air chic, commenta-t-il. Je crois que je ne t'ai jamais vu porter de costume en journée.
Je passai un doigt sur le revers de la veste.
- Mère a insisté pour que je sois bien habillé.
La bouche de Declan se tordit dans un semblant de sourire avant de retrouver son sérieux lorsque la serveuse nous apporta nos boissons.
- J'ai discuté avec la police. Le rapport du médecin légiste est tombé.
Je me raidis et bus une grande gorgée de bière.
- Alors ?
Mon frère me regarda un moment sans ciller, et mon sang se glaça.
- Il y a quelque chose de pas net.
Je restai un instant le regard dans le vague, accumulant un million de questions.
- Qu'est-ce qu'il raconte exactement, ce rapport ?
- Qu'on a retrouvé de la drogue dans son organisme.
- D'accord, mais il avait peut-être bu ?
- On a trouvé du Rohypnol et du whisky.
- Bordel, la drogue du viol, déduisis-je.
- Comme tu le sais, on l'a étranglé.
Dans mon estomac noué, la bière produisait d'étranges gargouillis.
- Tu veux dire que c'était prémédité ? Ou alors c'est un rencard qui aurait mal tourné ? Et l'alibi de Luke, dans tout ça ?
Declan poussa un soupir.
- J'ai posé les mêmes questions, sans pour autant avoir de réponse.
- Crisp, affirmai-je. C'est évident : papa était contre ce projet immobilier, et sans lui, il peut enfin voir le jour. As-tu au moins mentionné l'intérêt de Crisp dans cette affaire ?
- Il figurait en tête de liste des suspects. Mais l'inspecteur m'a confirmé que ce connard a un alibi en béton.
- Un tueur à gages, alors ?
Nous restâmes assis sans rien dire. La tête me tournait.
- Est-ce que Savvie est au courant ? m'inquiétai-je.
- Pas encore. On ne dit rien ce soir, d'accord ?
- Bonne idée. Mais Crisp n'est pas assez débile pour employer un tueur a gages.
Mes doigts s'étaient raidis autour de mon verre.
- Ça, j'en sais rien, concéda mon frère. Mais si le boulot est proprement fait, alors la police ne remontera pas jusqu'à lui, non ?
- Sauf que tout le monde va le deviner. Il sera ostracisé.
- Mouais. Tu sais comment ça va se passer : une fois le projet immobilier fini, tout le glamour du complexe hôtelier cinq étoiles mettra les gens à ses pieds. Et personne n'aura rien à foutre de ce qu'il a pu faire.
Mes épaules se voûtèrent sous la frustration.
- On explore toutes les pistes, hein ?
Declan hocha lentement la tête.
- Ouais. Toutes.
Trois heures plus tard, après avoir discuté du considérable portefeuille d'actifs de ma famille, je sautai dans un taxi et me dirigeai vers le Green Room, lesté de deux milliards de livres supplémentaires - de l'argent que je pouvais soit investir, soit flamber. Je savais que mon père aurait aimé que j'utilise cet argent pour améliorer ma situation financière, mais aussi pour aider les autres, à commencer par les Newman.
Le taxi me déposa dans une rue animée, où des types hauts en couleurs gigotaient, embrassant leur individualité. Dans mon costume
Armani, j'avais l'air d'avoir atterri dans le mauvais coin de la ville.
Je franchis une porte laquée de vert, qui n'était pas surveillée par des videurs. De ce que je distinguais dans l'éclairage d'ambiance du bar, les gens ici avaient l'air amical et peu enclins aux bagarres de tavernes.
Dans un coin, un piano à queue se dressait comme une sculpture.
L'endroit sentait la bière éventée, la sueur et le parfum bon marché.
Je m'installai au bar et retirai ma veste, déboutonnant quelques boutons de chemise. Un son de basse provenant d'une musique
enregistrée résonna dans ma cage thoracique pendant que je passai commande.
Je jetai un œil vers la scène, où j'aperçus Mirabel en pleine conversation avec deux types. Le plus jeune devait être le technicien sono. Le plus âgé, en costume violet, était pratiquement sur elle, à flirter avec elle. Je le voyais à sa façon de sourire, et à la façon dont Mirabel penchait la tête et lui souriait en retour. Mis à part son costume criard, il était grand et beau, avec des traits scandinaves.
Il se pencha pour lui murmurer quelque chose, et elle le gratifia d'un de ses regards qui voulaient dire « tu déconnes, là ? » Je supposai que le mec lui proposait de se fiancer. J'avais eu le même regard de la part de Mirabel quand je lui avais demandé, après une soirée bien arrosée, si elle avait oublié de mettre un soutif.
Le sosie d'Alexander Skarsgärd quitta enfin la scène, et les projecteurs
s'allumèrent.
Mirabel était superbe, dans sa robe bleue chatoyante qui mettait en valeur ses courbes. Sa chevelure volumineuse qui lui arrivait à la taille tombait en cascade dans son dos et sur sa poitrine généreuse, encadrant à la perfection son teint laiteux, comme s'ils avaient été arrangés ainsi pour prendre la pose. Elle était toujours belle, peu importe où je la voyais. Que ce soit dans la rue, sans maquillage, sur scène ou en haut d'une falaise avec le vent qui ébouriffait ses cheveux flamboyants, Mirabel me coupait toujours le souffle.
Ses doigts couraient avec aisance sur les cordes de sa guitare.
J'enviais son talent. Enfant, j'avais appris à jouer du piano, mais je préférais m'amuser plutôt que de répéter.
Sa voix rauque portait en elle les flux et reflux nocturnes de la mer : tour à tour remplie de rage, de tristesse et de désespoir, puis aussi chaude et sensuelle qu'une douce nuit d'été sous les tropiques. Tout comme au Mariner, sa performance envoûtante m'emporta ailleurs.
Captivé par son chant, je perdis la notion du temps et je dus me rappeler que j'étais dans un bar et non dans une forêt magique à batifoler avec une nymphe sexy.
Je fus rapidement tiré de ma rêverie par les applaudissements enthousiastes. Mirabel jouait depuis quarante minutes, mais j'aurais juré que ça ne faisait que quelques instants. Après avoir salué le public, elle descendit de la scène et, avec une gracieuse foulée et un léger balancement des hanches, elle fendit la foule avec l'assurance naturelle d'une sirène, inconsciente de l'attention qu'elle générait, principalement de la part des hommes, qui paraissaient, comme moi, fascinés.
Son regard croisa le mien et ses sourcils se froncèrent, comme si j'étais la dernière personne qu'elle s'attendait à voir. Je quittai mon tabouret de bar pour aller l'embrasser sur la joue et humer son essence de miel et de fleurs sauvages.
Ses yeux parcoururent mon corps, pas tant pour flirter que pour exprimer : « bordel, c'est quoi ces fringues ? » De toute façon, Mirabel ne flirtait jamais.
- Qu'est-ce qui t'amène ici ? finit-elle par demander.
- Je voulais t'entendre jouer. Et je suis bien content d'être venu :
c'était génial!
Son air méfiant, qu'elle arborait souvent avec moi, s'estompa en un sourire reconnaissant.
- Merci, je suis contente que tu aies apprécié. Sans pleurer, en plus.
Je laissai échapper un grognement, avant de lancer :
- Non, j'ai décidé de me comporter en homme : pas de larmes en public.
Elle m'offrit un sourire amical :
- Tu es bien habillé, dis-moi !
- Mouais, moi je n'ai pas eu le temps de me trouver un costume vintage des années soixante-dix, comme ce type qui était sur scène avec toi tout à l'heure.
- Lui ? C'est Orson. C'est le gérant du lieu.
- Il avait l'air d'être proche de toi.
Comme un mec qui voudrait te bouffer les seins.
Elle m'étudia comme pour décrypter mes pensées.
- Je t'offre un verre ?
Juste au moment où je posai la question, Orson se pointa et passa son bras autour de Mirabel.
Ses yeux avaient cette lueur de « je veux sucer tes tétons ». J'en savais quelque chose : j'aurais été pareil en tous points si je ne m'efforçais pas de jouer les types cools.
Il avait aussi l'air un peu bourré. Mirabel s'éloigna de lui. Il n'avait pas l'air de l'intéresser.
- Laisse-moi plutôt t'offrir un verre, insista-t-il.
- Non merci, déclina-t-elle.
- Oh allez ! Je voulais tant passer du temps avec toi !
Le bras d'Orson avait encerclé la taille de Mirabel, et attirait son corps mince et élancé contre le sien. Les sourcils d'Orson, eux, s'étaient arqués.
Mmm... Ne serait-ce pas là un euphémisme pour baiser, plutôt ?
- Je n'ai pas envie de me coucher tard, s'excusa Mirabel.
- Oh allez !
Cette fois, il lui attrapa le bras.
- Non, Orson, refusa Mirabel en se dégageant.
Je m'interposai et repoussai la main du gérant.
- Tu l'as bien entendue : elle ne veut pas prendre un verre.
Il riposta avec un rictus dédaigneux et, m'ignorant complètement, porta de nouveau son attention vers Mirabel.
- Il y a un super club de jazz un peu plus loin. Un de mes amis est le gérant, il pense organiser une soirée blues un de ces quatre. On pourrait peut-être y aller plus tard ?
- Peut-être pas ce soir, rétorqua Mirabel en s'efforçant de garder un air affable avant de se tourner vers moi.
- Elle est avec moi.
J'avais préféré m'interposer. C'était soit ça, soit je foutais mon poing dans la gueule d'Orson.
Les yeux de Mirabel s'arrondirent. Orson persistait dans sa drague, alors je me plaçai devant lui :
- Tu es sourd, mec ?
Sa bouche esquissa un sourire penaud et il regarda Mirabel, qui confirma d'un léger hochement de tête.
Une fois Orson parti, je redemandai :
- Je peux t'offrir un verre, Mirabel ?
Elle fronça les sourcils et réfléchit à mon offre. Elle prit une grande inspiration, qu'elle relâcha lentement.
- Je te traite comme une merde, tu as oublié ?
J'écartai les mains en signe d'apaisement :
- C'est difficile. Mais je suis là pour te présenter toutes les excuses possibles. Accepte donc ce verre, ça ne peut pas te faire de mal, non ?
- Je suppose... concéda-t-elle, le front plissé.
Je désignai Orson d'un signe de tête :
- En tous cas, Orson sait rebondir... Le voilà déjà en train de draguer une autre.
Elle secoua la tête, amusée.
- C'est lui tout craché : un dragueur de première.
Je lui offris ce verre. Quand je lui tendis, nos doigts se frôlèrent, m'envoyant une décharge. Entre nous, c'était électrique.
Lentement, elle leva les yeux et croisa mon regard. Je ne cillai pas.
Elle détourna les yeux et but une gorgée.
- Orson est plutôt insistant. C'est ce qui m'a valu de décrocher ce concert, je crois.
Je grimaçai :
- Vraiment ?
- Oh, ne sois pas si surpris. Ce coup de « je te rendrai service si tu t'occupes de mon pénis » existe depuis les hommes des cavernes.
Sa vision brute de décoffrage, mais réaliste, de l'attitude des hommes envers les femmes me fit rire.
- Je le sais, mais tu n'as pas besoin de lui. Ton talent parle pour toi : tu es sensationnelle. Il te faut juste un manager qui ne veut pas coucher avec toi.
Elle hocha la tête.
- Oui, c'est sur ma liste de choses à faire.
En parlant d'hommes qui veulent coucher avec toi...
- Tu as décliné mes appels.
- J'étais occupée. Tu sais, Ethan...
Elle s'interrompit pour siroter son verre.
La musique devint plus forte, et je dus m'approcher.
- On peut se parler dans un endroit plus tranquille ?
Un instant s'écoula avant sa réponse. Son visage m'interrogeait, je voyais bien que ma présence ici l'avait perturbée.
Voilà, c'était ça : elle me détestait. Ou du moins, apparemment
- Il y a bien les coulisses, je suppose. De toute façon, il faut que je range mon matériel.
Mirabel avait à peine ouvert la porte des coulisses qu'un nuage de fumée me prit à la gorge.
- Salut mec, lâcha l'un des membres du groupe en partageant son joint avec son camarade.
Je les saluai d'un signe de main.
Puis il passa le joint à Mirabel, et je ne pus qu'observer ces délicieuses lèvres en tirer une bouffée, à défaut de me tailler une pipe.