Chapitre 5 Chapitre 5

Caleb s'arrêta brusquement, les poings serrés, les muscles tendus. Le vent glacial soufflait sur son visage, mais ce n'était pas la morsure du froid qui faisait trembler son corps. C'était elle. Mia. Cette oméga fragile qui, contre toute attente, éveillait en lui une sensation qu'il avait juré d'ignorer : un besoin, un désir qu'il ne pouvait comprendre ni accepter. Il se força à détourner le regard, mais il savait que c'était inutile. Son image, ses gestes, ses paroles, tout était gravé dans son esprit. Il était en train de la perdre, sans même l'avoir complètement eue.

Depuis qu'il l'avait rencontrée, quelque chose avait changé en lui, quelque chose qu'il ne pouvait expliquer. Il avait cru que sa douleur, la perte de sa compagne, serait un fardeau qu'il porterait seul jusqu'à la fin de ses jours. Mais Mia était venue bouleverser tout ça. Elle n'avait rien demandé. Elle n'était qu'une oméga blessée, une femme fuyant un passé qu'elle ne pouvait oublier. Et pourtant, elle avait pris une place qu'il n'avait pas prévue. La douceur de ses yeux, l'éclat de ses cheveux sous la lumière, la manière dont elle le regardait parfois comme si elle savait ce qu'il portait en lui, tout cela le dérangeait.

Il était Alpha, un Alpha sans compromis. Il ne pouvait pas se permettre de céder à des sentiments qui ne faisaient que fragiliser son autorité. Il n'avait pas cherché à aimer à nouveau. La mort de sa compagne l'avait laissé vidé, brisé. Elle avait été sa force, son ancre, et depuis son départ, il s'était replié sur lui-même, dans une solitude glacée, sans place pour une autre. Il s'était juré que jamais plus il ne laisserait quelqu'un pénétrer dans son cœur. Mais Mia, avec son regard timide et ses gestes hésitants, avait réveillé en lui une partie de lui qu'il avait cru morte.

Les nuits étaient les pires. La nuit, les souvenirs de son ancienne compagne revenaient, comme des fantômes qu'il ne pouvait chasser. Il se réveillait en sueur, le cœur battant, l'âme dévastée. Il se rappelait ses rires, la chaleur de son corps près du sien, la façon dont elle avait occupé toute son existence, jusqu'à ce qu'elle soit arrachée à lui. Et puis, il y avait Mia. Son visage hantait ses pensées à chaque instant de la journée. Pourquoi elle ? Pourquoi avait-elle pris ce rôle si facilement ? Pourquoi, alors qu'il se jurait de ne plus jamais aimer, son corps réagissait-il à sa simple présence ?

Les questions tournaient dans sa tête comme des griffes acérées, fouillant ses pensées, creusant des cavernes de doutes. S'il cédait à ses désirs, à ce besoin de proximité, à cette envie irrationnelle d'être près d'elle, il se trahirait. Il trahirait la mémoire de sa compagne. Et pourtant, chaque fois qu'il la voyait, chaque fois qu'elle le regardait avec cette vulnérabilité palpable, il sentait son contrôle vaciller. Il savait qu'il ne pouvait pas l'ignorer plus longtemps.

Leurs échanges étaient devenus plus fréquents ces derniers jours. Elle n'était pas encore prête à tout lui révéler, mais il voyait bien qu'elle portait un fardeau lourd, un secret qu'elle ne pouvait partager. Il était l'Alpha. Il avait le devoir de protéger sa meute, de maintenir l'ordre, de ne jamais faillir. Il n'avait pas de place pour des faiblesses. Et pourtant, Mia le mettait à l'épreuve. Elle le forçait à regarder au-delà de ses murs, au-delà de ses défenses, dans un endroit qu'il ne voulait pas voir.

Il se souvint de ce moment précis, lorsqu'elle s'était approchée de lui après une dispute avec un autre membre de la meute. Elle s'était tenue à quelques pas de lui, ses yeux fuyant les siens, comme si elle craignait qu'il la rejette. Mais au lieu de la repousser, il l'avait laissée parler, écoutant ses mots, la voyant se dévoiler un peu plus à chaque minute. Et à cet instant, il avait compris qu'elle n'était pas simplement une oméga. Elle était bien plus que cela. Elle portait en elle une force silencieuse qu'il ne pouvait ignorer.

Mais ce qui l'effrayait le plus, c'était cette partie de lui qui s'était éveillée, celle qui voulait la protéger, la prendre dans ses bras, lui dire que tout allait bien, qu'il veillerait sur elle. Il n'avait jamais ressenti ce besoin chez une autre, même pas pour sa compagne décédée. Il s'était toujours vu comme un chef, un leader, une personne détachée, capable de guider sa meute sans s'impliquer émotionnellement. Et maintenant ? Maintenant, Mia le tiraillait, l'obligeant à revoir tout ce qu'il avait toujours cru être vrai. Il n'était plus un Alpha inflexible. Il était un homme qui se battait contre ses propres désirs.

Il se leva brusquement, chassant ces pensées, mais elles revenaient toujours, implacables. Il n'avait pas de réponses. Et pourtant, il savait qu'il devait se battre. Il ne pouvait pas se permettre de succomber. Pas encore. Pas maintenant.

Le lendemain, ils se retrouvèrent à nouveau, comme si le destin les attirait inexorablement. Caleb pouvait sentir la tension entre eux. Mia, habituellement si distante, se tenait un peu plus près de lui aujourd'hui. Il voyait la lutte intérieure dans ses yeux, le mélange de peur et de désir. Elle essayait de lutter contre ce qu'elle ressentait, comme lui. Mais leurs âmes étaient liées, d'une manière ou d'une autre. Le destin n'avait pas d'importance pour eux. Ils étaient trop humains, trop marqués par la vie pour ignorer ce qui se passait.

Mia s'approcha lentement, ses pas hésitants. Caleb la fixa, ne sachant pas quoi dire. Chaque mot qu'il prononçait semblait être une tentative de se protéger, une barrière qu'il élevait pour ne pas se laisser emporter. Mais il n'arrivait pas à la repousser. Il la regardait, les yeux remplis d'un désir qu'il ne pouvait pas réprimer. C'était comme si chaque fibre de son être criait pour la toucher, pour la protéger. Mais la voix de la raison, celle du chef de meute, lui criait de s'éloigner, de ne pas tomber dans ce piège.

« Caleb... » dit-elle doucement, brisant le silence entre eux. Il la regarda, son cœur battant plus vite que jamais.

« Mia, tu sais que je ne peux pas... » Sa voix se brisa, mais il n'eût pas le temps de continuer. Elle s'approcha encore un peu plus, son regard plongé dans le sien, ses yeux emplis de la même lutte, de la même douleur.

« Je sais. » Elle répondit doucement. « Mais... »

Mais que ? Caleb n'eut pas le temps de répondre. Il n'avait pas de réponse à lui donner. Son cœur était tiraillé entre l'envie de la protéger et celle de l'éloigner pour toujours. Il savait qu'il était sur le point de franchir une ligne qu'il ne pourrait plus effacer. Mais en même temps, quelque chose en lui lui disait que c'était la seule issue possible.

Mia se tenait devant Caleb, son corps tendu, ses yeux fuyants. Elle pouvait sentir son regard peser sur elle, une présence imposante, comme un poids qui l'alourdissait davantage. Il était si proche, trop proche, et chaque fibre de son être lui criait de reculer. Elle avait beau être attirée par lui, ressentir cette connexion étrange, il y avait quelque chose en elle, une peur viscérale, qui la poussait à le repousser. Ce n'était pas de la méfiance, pas exactement. C'était une cicatrice invisible, profonde et douloureuse, qui l'empêchait de se laisser aller. Elle ne pouvait pas. Pas encore.

Son passé, ce qu'elle avait vécu sous la main cruelle de son ancien Alpha, la marquait plus profondément qu'elle ne le montrait. Caleb, aussi Alpha qu'il fût, ne pouvait pas comprendre. Aucun homme ne pouvait. Les omégas n'étaient que des pions dans les jeux de pouvoir, et elle n'était qu'un souvenir douloureux pour ceux qui l'avaient abandonnée, utilisée puis jetée. Son passé la hurlait encore, chaque fois que ses yeux croisaient ceux de Caleb. Elle sentait qu'elle risquait de se perdre si elle s'ouvrait à lui, si elle laissait cette proximité devenir plus qu'un simple contact.

Caleb ne disait rien, il ne faisait rien. Il observait, comme s'il attendait une invitation qu'elle n'était pas prête à lui donner. Mais au fond d'elle, Mia savait qu'il y avait plus que de l'attirance entre eux. Elle ressentait la même chaleur, la même tension. Pourtant, l'idée de lui ouvrir son cœur, de lui montrer sa vulnérabilité, la terrifiait. Elle ne pouvait pas se permettre de devenir dépendante. Elle ne voulait plus jamais être une proie, une faiblesse, un jouet dans les mains d'un Alpha.

Le silence entre eux était lourd, presque suffocant. Mais tout explosa au moment où l'un des membres de la meute, un loup à l'attitude arrogante, s'approcha d'eux en riant, comme pour briser ce moment de tension palpable.

« Alors, Caleb, c'est ta nouvelle petite protégée ? » dit-il d'un ton moqueur, ses yeux fixés sur Mia.

Mia se tendit immédiatement. Elle n'aimait pas ces types. Elle n'aimait pas la manière dont certains membres de la meute se comportaient avec les omégas, comme s'ils étaient des objets. Elle pouvait voir dans les yeux de cet homme une condescendance déguisée en amusement, et cela suffisait à raviver ses peurs.

Caleb, visiblement irrité, se redressa, sa silhouette imposante se dressant entre Mia et l'homme. « C'est ma meute, et je ne tolérerai pas de tels comportements, » gronda-t-il, la menace dans la voix.

Mais Mia ne pouvait s'empêcher de réagir. Elle n'avait jamais été protégée, jamais défendue, et encore moins vue comme quelqu'un de valable. Tout ce qu'elle avait vécu lui avait appris à se défendre seule. À ne jamais dépendre de qui que ce soit. Elle s'éloigna de Caleb d'un pas rapide, une tension nouvelle dans ses gestes.

« Ne le fais pas, » murmura-t-elle, la voix faible mais déterminée. « Je n'ai pas besoin de ta protection. »

Ses mots étaient comme une piqûre de froid, et Caleb, surpris, la regarda s'éloigner. Il voulait la retenir, mais il sentit qu'il y avait plus derrière cette réaction qu'un simple rejet. Elle ne voulait pas qu'il soit son sauveur. Elle ne voulait pas qu'il soit l'homme qui la protège comme une faiblesse. Il comprenait, à sa manière, mais cela lui faisait mal.

« Mia, ce n'est pas ce que je veux dire, » tenta-t-il, sa voix plus douce, mais elle ne le laissa pas finir.

« Tu ne sais rien de moi, » répondit-elle brusquement, sa voix tremblante. « Tu ne sais rien de ce que j'ai vécu, de ce que je porte. Alors ne viens pas me dire ce que je dois faire. Je n'ai besoin de personne. »

Ces mots résonnèrent en Caleb comme un coup de poignard. Il avait cru qu'il l'avait comprise. Il avait cru qu'il pourrait l'approcher sans la forcer, sans la pousser. Mais elle était loin de la femme qu'il avait espéré trouver. Elle n'était pas brisée de la manière qu'il avait imaginée. Elle était plus complexe, plus forte, plus solitaire que tout ce qu'il avait connu. Et ça, ça le perturbait.

Il s'avança vers elle, mais cette fois, il était plus prudent. Il la regarda dans les yeux, cherchant la réponse à ses propres questions. Pourquoi se battait-elle autant contre lui ? Pourquoi rejetait-elle cette connexion qu'il sentait entre eux, aussi profondément ancrée en lui qu'elle devait l'être en elle ?

« Je ne vais pas te forcer à quoi que ce soit, » dit-il enfin, la voix pleine de compréhension mais aussi d'une forme de frustration. « Mais je ne peux pas te laisser faire ça seule. Pas encore. »

Elle détourna le regard, les yeux remplis d'un tourbillon de pensées et d'émotions contradictoires. « Et moi, je ne veux pas être un fardeau, » murmura-t-elle presque pour elle-même, mais assez fort pour qu'il l'entende.

« Tu n'es pas un fardeau, » répondit-il, la voix plus calme, mais pleine de conviction. « Tu n'as jamais été un fardeau, Mia. »

Les mots s'échappèrent de sa bouche sans qu'elle ne puisse les retenir. « Je ne sais même pas ce que ça veut dire, 'pas un fardeau'. Je n'ai jamais été autre chose qu'une erreur dans la vie de quelqu'un d'autre. Je ne veux pas que tu me regardes comme ça. » Sa voix se brisa sur la dernière phrase, et elle détourna la tête, un éclat de douleur traversant son regard.

Caleb s'approcha encore, cette fois sans hésitation. Il savait que tout ce qu'elle avait vécu l'avait forgée de manière bien plus dure que ce qu'il avait pu imaginer. Mais il n'était pas là pour la juger. Il était là pour la comprendre. Pour la soutenir.

« Je ne te vois pas comme une erreur, » dit-il d'une voix basse. « Je te vois comme quelqu'un qui mérite de trouver la paix. Et si tu veux qu'on avance, même à ton rythme, je serai là. Parce que je crois en toi. »

Un silence lourd s'installa entre eux. Mia se tenait là, les yeux baissés, incapable de le regarder en face. Elle se sentait perdue, comme un puzzle dont les pièces semblaient ne jamais s'emboîter. Et pourtant, dans cette fragilité qu'elle s'efforçait de cacher, quelque chose en elle commençait à se briser, à s'ouvrir, bien qu'elle ait peur de ce qui pourrait en sortir.

                         

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