Chapitre 2 Chapitre 2

Mia n'avait pas l'habitude de s'attarder. Tout dans sa vie avait été une fuite constante, une série de déplacements rapides, de masques et de mensonges. Mais chaque nuit, lorsqu'elle s'endormait dans un coin sombre de la ville, les échos du passé revenaient la hanter, frappant ses pensées avec la brutalité d'une gifle. Elle ne pouvait pas oublier ce qu'elle avait vécu, ce que cet autre Alpha lui avait infligé. Ses blessures étaient invisibles, mais elles se logeaient dans chaque recoin de son être, invisibles mais dévastatrices.

Ce matin-là, elle sentit une étrange sensation, presque une chaleur, s'éveiller en elle. Un désir de fuir, de partir encore plus loin, se heurta à une autre pensée plus persistante : Caleb. Il y avait quelque chose chez lui, quelque chose qui l'attirait malgré elle. Quelque chose qui semblait comprendre sa douleur sans qu'elle ait besoin de le lui dire. Ce n'était pas une simple attirance physique, pas une pulsion irréfléchie. C'était une étrange connivence, un lien qui la traversait sans qu'elle puisse en saisir la nature. Ce lien lui faisait peur. Mais il la fascinait aussi.

Elle se retrouvait, une fois encore, à l'observer de loin. Caleb était là, plus près qu'elle ne l'aurait voulu, plus proche qu'elle n'avait osé l'imaginer. Ses yeux semblaient chercher quelque chose en elle, comme s'il pressentait que derrière ce masque de froideur, quelque chose de plus complexe se cachait. Elle se haussait sur la pointe des pieds, essayant de se fondre dans l'ombre, mais ce geste ne servait à rien. Il la voyait. Il la voyait toujours.

Ce n'était pas qu'une question de regard. C'était bien plus que cela. Quand leurs yeux se croisaient, il y avait une reconnaissance silencieuse, un respect tacite de la douleur qu'ils portaient tous deux. Mais Caleb ignorait tout de ses blessures, tout de l'Alpha qui l'avait marquée, tout ce qu'elle avait dû endurer pour survivre. Et Mia ne savait pas comment lui avouer tout cela. Comment lui dire qu'elle portait en elle une marque bien plus profonde que celle d'une simple morsure.

Elle s'approcha de lui lentement, chaque pas pesant dans sa poitrine. Elle savait que ce qu'elle faisait n'était pas raisonnable. Elle savait qu'elle était en train de se rapprocher d'un homme dont elle ne pouvait pas se permettre de devenir trop proche. Il n'était pas n'importe quel Alpha. Et elle n'était pas n'importe quelle oméga. Mais son regard, son aura, l'attiraient irrémédiablement. Quand il la regardait, il ne semblait pas la juger. Il semblait comprendre d'une manière qu'aucun autre n'avait pu.

Il la salua d'un simple hochement de tête, mais son regard s'attarda sur elle plus longtemps que d'habitude. Elle sentit son cœur s'emballer et détourna les yeux avant qu'il ne puisse lire dans les siens. Un frisson parcourut sa peau à l'idée qu'il pourrait découvrir ses secrets. Tout en elle se crispait. Il n'avait pas à savoir. Il ne devait pas savoir.

"Tu es différente," murmura-t-il enfin, d'une voix rauque qui la fit frissonner. "Il y a quelque chose chez toi que je ne comprends pas."

Elle sentit un souffle lourd se poser sur ses épaules, mais elle se redressa. Elle ne pouvait pas craquer. Elle ne pouvait pas céder à cette étrange sensation d'être comprise. "Tout le monde a des secrets," répondit-elle, sa voix plus tremblante qu'elle ne l'aurait voulu. Elle se maudit intérieurement. Pourquoi avait-elle répondu ainsi ?

Il la fixa un instant, comme s'il pesait ses mots. Puis, avec un sourire qui n'atteignait pas ses yeux, il s'éloigna lentement. Il n'avait pas insisté. Mais Mia savait qu'il reviendrait. Il reviendrait encore, et peut-être qu'à force de persévérer, il finirait par découvrir quelque chose qu'elle n'avait pas prévu.

Mais cette pensée ne la rassurait pas. Au contraire. Elle se sentait plus vulnérable que jamais. Caleb ne savait rien de son passé, mais tout en lui lui disait qu'il avait vu plus que ce qu'elle était prête à montrer. Il lui faisait penser à ce qu'elle avait fui pendant si longtemps. Il lui rappelait l'Alpha qu'elle avait craint, celui qui l'avait marquée, celle qui lui avait laissé des cicatrices invisibles mais plus profondes qu'elle n'aurait pu l'imaginer.

Elle se détourna, ses pas rapides, son cœur battant encore plus fort. Ses mains tremblaient à peine. Elle avait toujours gardé ses émotions sous contrôle, mais ici, avec lui, c'était différent. Elle se sentait exposée, vulnérable. Et chaque regard qu'il posait sur elle, chaque mot qu'il murmurait, semblait briser les murs qu'elle avait érigés autour de son cœur. Mais ce n'était pas ce qu'elle voulait. Elle avait appris à ne jamais faire confiance à un Alpha, à ne jamais s'abandonner. Et pourtant, quelque chose en elle résistait à cet instinct de fuir. Quelque chose qui ne voulait pas le repousser.

Plusieurs jours passèrent, et Mia se retrouva encore et encore à croiser Caleb, à croiser ses yeux. Chaque rencontre, chaque échange semblait les rapprocher malgré eux, comme si l'univers les poussait à se confronter. Mais à chaque fois, elle se raccrochait à son masque, à son silence. Elle ne pouvait pas lui offrir la vérité. Pas encore. Pas maintenant.

Puis un soir, alors qu'elle pensait avoir réussi à se tenir à l'écart de lui, elle le retrouva au détour d'une rue sombre. Caleb était là, appuyé contre un mur, les bras croisés, une posture presque défensive. Mais il la regardait, encore. Toujours. Et pour la première fois depuis qu'elle l'avait rencontré, elle n'eut pas peur. Elle se sentit presque... apaisée.

"Tu sais, je suis fatigué de jouer à ce jeu," dit-il, sa voix plus basse, presque intime. "Je t'ai vue fuir. Je t'ai vue lutter contre quelque chose que tu ne veux pas admettre. Mais tu sais quoi ? J'en ai marre de me mentir. Je crois que toi et moi, on a plus en commun que ce qu'on veut bien admettre."

Mia se figea. Ces mots, cette vérité qu'il semblait avoir perçue malgré elle... Cela la fit vaciller. Elle ne savait pas quoi répondre. Elle ne savait même pas si elle voulait répondre.

"Je ne suis pas comme lui," murmura-t-elle, la voix brisée, presque inaudible. "Je n'ai rien à voir avec ce que tu crois."

Caleb s'approcha lentement. Il n'avait pas encore saisi toute l'ampleur de ce qu'elle cachait, mais il la sentait. Il la sentait plus profondément que tout. Ses yeux scrutèrent son visage, cherchant des signes, des indices de cette douleur qu'elle portait.

Et alors, sans même y penser, il prit sa main dans la sienne. Un simple contact. Mais c'était suffisant. Elle ne se déroba pas. Parce qu'en cet instant, tout ce qu'il y avait entre eux, c'était une connexion fragile mais réelle. Un lien qui, sans qu'ils le veuillent, avait déjà commencé à se tisser.

"Tu n'as pas à fuir," murmura Caleb. "Je sais que tu portes des cicatrices, Mia. Mais je te promets que je ne te ferai pas de mal."

Mia ferma les yeux un instant, sentant la chaleur de sa main dans la sienne. Elle ne savait pas si elle pouvait le croire. Mais, dans cet instant suspendu, quelque chose changea en elle. Elle avait toujours couru. Mais peut-être qu'il était temps d'arrêter. Peut-être qu'il était temps d'affronter ce qu'elle fuyait depuis si longtemps.

Mais le secret qu'elle portait en elle, celui qu'elle avait juré de garder enfoui, n'était pas encore prêt à être révélé.

Caleb, bien que profondément attiré par Mia, ne pouvait se débarrasser de la méfiance qui l'habitait. Il savait trop bien que les omégas, malgré leur beauté et leur douceur apparente, étaient souvent de simples pions dans un jeu dangereux entre Alphas. Sa compagne, autrefois sa force et son refuge, avait péri à cause d'un piège tendu par un Alpha rival, et cette perte l'avait marqué à jamais. Depuis ce jour, il avait appris à se méfier des omégas, à ne jamais s'abandonner à leur fragilité, car il savait à quel point cette vulnérabilité pouvait être fatale.

Mais Mia était différente. Il le sentait, bien que son esprit se rebellait contre cette idée. Il l'avait vue se défendre, même dans les moments où sa douleur la submergeait. Il l'avait vue sourire, cacher ses blessures sous des vêtements et des mots soigneusement choisis. Mais chaque regard qu'il posait sur elle, chaque geste qu'elle faisait, lui disait qu'elle n'était pas comme les autres omégas. Quelque chose chez elle, une lueur dans ses yeux, le fascinait. Et pourtant, une voix intérieure continuait de lui murmurer qu'il devait être prudent. Que sa faiblesse pourrait les anéantir tous les deux.

Puis, un soir, tout changea. Mia se laissa aller. Ils étaient seuls, dans un coin tranquille à l'abri des regards. Caleb avait perçu que quelque chose n'allait pas, que la distance qu'elle avait toujours maintenue entre eux commençait à se dissoudre. Il l'avait suivie, cette fois sans arrière-pensée, simplement parce qu'il voulait comprendre.

Elle était là, près du feu, ses bras croisés, se tenant éloignée, mais d'une manière plus fragile que d'habitude. Il s'approcha d'elle, son instinct le poussant à faire un pas de plus. Il la regarda sans vraiment la voir, et ce silence entre eux semblait lourd, porteur de mille non-dits.

« Pourquoi tu te caches toujours derrière ce masque, Mia ? » demanda Caleb, sa voix plus douce qu'il ne l'avait voulu. « Tu n'as pas à être seule dans ça. »

Elle tourna lentement la tête vers lui. Il remarqua alors la lueur de douleur qui passait dans ses yeux, un éclat fugace mais si puissant qu'il le transperça. Sans un mot, elle se leva brusquement, mais son corps tremblait. Elle n'essaya pas de le cacher cette fois. Elle laissa ses bras tomber le long de son corps, son visage pâle, marqué par des mois de souffrance refoulée.

« Je ne peux pas, » murmura-t-elle, presque inaudible. « Tu n'as aucune idée de ce que c'est, de vivre avec ça. Il m'a marquée. Pas seulement ici... » Elle posa sa main sur son cœur, puis sur sa gorge, là où l'Alpha rival l'avait marquée, laissée comme une ombre indélébile dans sa peau et dans son âme. « Je suis brisée, Caleb. Et je ne sais pas si j'ai la force de réparer ce qui a été détruit. »

Caleb sentit un poids lourd se poser sur sa poitrine. Il avait toujours cru que Mia, derrière ses airs mystérieux et son calme apparent, était simplement une oméga perdue dans un monde d'Alpha qui n'avait pas su l'accepter. Mais il se trompait. La vérité qu'elle venait de lui révéler était bien plus complexe, bien plus cruelle. Elle n'était pas simplement brisée, elle était marquée, de manière bien plus intime qu'il ne l'avait imaginé.

Il s'approcha lentement d'elle, ses muscles tendus par l'effort de ne pas la repousser, de ne pas s'éloigner par crainte de ce qu'il pourrait ressentir. Pourtant, quelque chose en lui réagit au désespoir dans sa voix. Il n'avait jamais imaginé qu'une oméga puisse porter un fardeau aussi lourd, aussi désespéré. La culpabilité et la colère bouillonnaient en lui, non pas contre elle, mais contre le destin qui l'avait condamnée à ce rôle de victime. Contre cet Alpha qui l'avait blessée de manière irréversible.

Il posa une main douce sur son épaule, un contact simple mais plein de promesses qu'il ne pouvait encore comprendre. « Tu n'es pas seule, » dit-il, ses mots plus sincères que tout ce qu'il avait pu dire jusque-là. « Je sais que tu portes un lourd fardeau, Mia, mais tu n'as pas à le porter seule. Et moi... je ne vais pas te laisser fuir. »

Elle le regarda, ses yeux remplis de doutes et de peur. Elle sembla vouloir se détourner, partir encore une fois pour éviter cette vérité trop crue. Mais elle s'arrêta. Il sentit sa résistance faiblir. Lentement, elle se tourna vers lui, et cette fois, c'était un regard de pure vulnérabilité. « Je ne sais pas si je peux te faire confiance, Caleb. J'ai été trahie trop de fois pour croire qu'un Alpha puisse comprendre la douleur d'une oméga. »

Il serra doucement son épaule, son regard plongé dans le sien. « Je ne suis pas comme ceux qui t'ont fait du mal. Et je ne vais pas te demander de me croire tout de suite. Mais je vais te prouver que tu peux me faire confiance. »

Elle ferma les yeux, un soupir profond s'échappant de ses lèvres. « Tu ne sais pas ce que tu dis. La douleur, elle ne disparaît jamais. Elle reste là, tapie, prête à resurgir au moindre faux pas. »

« Je sais, » répondit-il, sa voix basse, grave. « Mais si tu me laisses, je t'aiderai à affronter cette douleur. Je t'aiderai à guérir. »

Mia leva lentement les yeux vers lui, un éclat d'incertitude dans son regard. Elle le regarda comme si, pour la première fois, elle le voyait vraiment. Et dans cet instant suspendu, Caleb sentit quelque chose changer entre eux. Ce n'était pas l'amour, pas encore, mais c'était quelque chose de bien plus fragile, de plus authentique : la promesse d'une guérison partagée, une confiance naissante.

Elle prit une profonde inspiration avant de poser doucement sa main sur la sienne. « D'accord, » murmura-t-elle, presque imperceptible. « Mais... tu as intérêt à être patient, Alpha. »

Caleb sourit légèrement, un sourire qui n'atteignait pas ses yeux, mais qui portait en lui la certitude que, d'une manière ou d'une autre, ils traverseraient cette tempête ensemble.

            
            

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