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Chaque nuit, c'était la même chose. Le silence lourd de la chambre de Caleb, la lueur froide de la lune filtrant à travers les rideaux, et cette sensation de vide dans son cœur. Mais ce n'était pas le vide de la solitude. Ce n'était pas un espace laissé par la perte. Non, c'était bien plus que cela. C'était un vide rempli de souvenirs – des souvenirs d'une vie qui lui avait été arrachée trop tôt.
Il se redressa dans le lit, ses draps enroulés autour de lui comme des chaînes. Ses mains tremblaient légèrement. Chaque fibre de son être était tendue, comme un arc prêt à se briser. Les images lui revenaient toujours à l'esprit, vives et cruelles. Le visage de Valeria, sa défunte compagne, souriant sous la lueur de l'aube. Ses cheveux dorés flottant au vent. Son rire, doux comme la brise, résonnant dans ses oreilles. Tout cela était maintenant un fantôme, un reflet lointain qu'il ne pouvait saisir, même lorsqu'il tendait la main dans la pénombre.
Une explosion de lumière dans la nuit. Le cri perçant. Le bruit métallique d'un combat. La vision de Valeria, tombée à genoux, le regard figé dans la douleur. Et puis, le silence. Le vide, toujours le vide.
Il ferma les yeux, mais il ne put effacer l'image. Chaque nuit, elle revenait, plus nette, plus douloureuse. Cette douleur qu'il croyait avoir maîtrisée pendant des mois revenait à chaque coucher de soleil. Il ne pouvait la fuir, pas même dans ses rêves. Et cette nuit, comme toutes les autres, il ressentait cette même brûlure, ce même poids sur son âme.
Il se leva brusquement, marchant en silence dans sa chambre, ses pieds foulant le sol froid. La pièce semblait plus étouffante, plus menaçante à mesure que l'obscurité s'étendait autour de lui. Il passa une main dans ses cheveux, se forçant à respirer profondément. Mais l'air, aussi frais soit-il, ne parvenait pas à calmer les tourments qui le rongeaient.
Il se dirigea vers la fenêtre, les mains crispées sur le rebord. Il regarda les étoiles, comme chaque soir, cherchant un signe, une réponse à son tourment. Mais les étoiles ne répondaient jamais. Elles étaient simplement là, silencieuses et indifférentes. Il serra les dents, essayant de repousser le souvenir de sa compagne, mais il savait que c'était futile. Valeria était toujours présente, d'une manière ou d'une autre.
Il avait cru, à une époque, qu'il pourrait oublier. Que le temps effacerait les blessures. Mais le temps, pour lui, avait été cruel. Il l'avait vu s'éloigner, cette douce lueur d'espoir. Il avait observé la douleur se transformer en résignation. La résignation en rage. Et finalement, la rage en... quoi ? Qu'est-ce qu'il avait maintenant ? Rien. Juste un vide aussi vaste que l'univers qui l'entourait. Un vide qu'aucune force ne semblait capable de remplir.
Soudain, il entendit un bruit dans le couloir. Le frôlement discret d'un pied sur le plancher. Il se retourna brusquement, son instinct de loup en alerte. Son regard chercha la silhouette dans l'obscurité de la porte. Et là, il la vit. Mia, appuyée contre le cadre de la porte, ses yeux fixés sur lui, une expression inquiète mais douce sur le visage.
Elle était là, dans l'ombre, comme une apparition. Mais contrairement aux fantômes de son passé, elle n'était pas une ombre. Elle était réelle. Vivante. Elle n'avait pas les airs de Valeria. Elle n'avait pas ce parfum de fragilité qui l'avait toujours envoûté. Non, Mia était différente. Elle portait une forme de force, même dans ses moments les plus vulnérables.
Caleb ne dit rien. Il savait qu'elle n'était pas venue pour interroger, pour fouiller dans ses pensées. Elle était là, simplement là, comme une présence silencieuse, prête à le soutenir si cela était nécessaire. Mais dans son regard, Caleb apercevait aussi une lueur de compréhension, quelque chose qu'il n'aurait jamais cru voir chez une oméga. Elle savait, d'une manière ou d'une autre, ce qu'il traversait. Et il la détestait pour cela. Parce qu'il ne voulait pas qu'elle le sache. Parce qu'il n'était pas prêt à admettre qu'il était brisé, que son cœur avait été broyé bien plus qu'il ne voulait le reconnaître.
« Caleb ? » Sa voix, basse et douce, se fraya un chemin à travers le silence. « Tu ne peux pas rester comme ça. »
Il détourna les yeux, sa mâchoire se serrant. Il n'avait pas envie de lui parler, de lui révéler la profondeur de ses souffrances. Il n'avait pas envie qu'elle voit la brèche dans son armure. Mais elle persistait, elle ne partait pas. Et quelque chose, peut-être une sorte de faiblesse, le poussait à ne pas la repousser.
« Je vais bien, » répondit-il d'une voix froide, presque mécanique. « Je n'ai besoin de rien. »
Mia ne répondit pas immédiatement. Elle s'avança lentement, ses pas mesurés, comme si elle respectait un espace invisible autour de lui, un espace qu'il n'avait pas encore autorisé quiconque à franchir. Mais elle s'arrêta juste devant lui, ses yeux plongeant dans les siens avec une intensité qui fit battre son cœur un peu plus fort.
« Tu n'es pas bien, » dit-elle calmement. « Et tu sais que ça ne te fait pas de mal de parler. »
Elle avait raison. Il le savait. Mais les mots se bloquaient dans sa gorge, comme une barrière invisible qu'il ne pouvait franchir. Comment expliquer qu'il n'avait plus de place pour la douleur, que tout ce qu'il avait connu était devenu une bouillie de regrets, de colère et de résignation ? Comment dire qu'il n'y avait plus de place pour rien d'autre, même pas pour la lumière qu'elle essayait d'insuffler dans l'obscurité de son âme ?
Il se tourna brusquement, se dirigeant vers la fenêtre. « Tu ne comprends pas, Mia. La perte, elle est... elle est comme un poison. Elle te ronge de l'intérieur. Tu crois que tu peux vivre avec, mais tu ne fais que survivre. Et moi, je... je n'ai plus envie de survivre. »
Mia ne bougea pas, son regard toujours fixé sur lui. Elle savait. Elle savait ce que c'était de se perdre dans le chagrin, de s'égarer dans un labyrinthe sans fin de remords. Mais elle ne dit rien. Elle ne lui offrit pas de mots creux, de réconfort factice. Elle resta là, silencieuse, une présence constante, comme un rocher contre lequel il pourrait se briser s'il en avait besoin.
« Tu n'es pas seul, Caleb, » murmura-t-elle après un long silence. « Je suis là, même quand tu ne le vois pas. Et je serai toujours là. »
Il ferma les yeux, une larme solitaire roulant sur sa joue. Il n'était pas seul. Mais il ne savait pas si c'était suffisant.
Mia se réveilla en sursaut, le cœur battant dans sa poitrine, un souffle court, haletant. Ses yeux s'ouvrirent dans l'obscurité de la chambre, mais il lui fallut un moment pour se rappeler où elle se trouvait. Ses mains étaient trempées de sueur, et l'air, malgré la fraîcheur de la nuit, lui semblait lourd et suffocant. Les cauchemars étaient devenus sa réalité nocturne. Des visions de son ancien Alpha la hantaient sans relâche. Elle revoyait son regard déformé par la haine, ses griffes acérées s'abattant sur elle comme une tempête, et la violence de ses ordres. Il ne l'avait jamais considérée comme autre chose qu'une possession. Une oméga faible, marquée à sa guise, utilisée et abandonnée. Le pire, c'était qu'il n'avait jamais cessé de la suivre, comme une ombre prête à la rattraper à tout instant. Même après qu'elle se soit échappée, ses menaces avaient résonné dans son esprit. Elle ne serait jamais en sécurité, tant qu'il vivrait. Il la traquerait sans fin.
Elle serra les poings, essayant de refouler les émotions qui montaient en elle. Cette colère, cette peur constante, étaient devenues des compagnons invisibles. Mia n'avait plus de place pour la douceur, pour l'espoir. Elle avait appris à vivre avec la douleur, à ignorer les appels de son cœur. Mais les cauchemars... Ils étaient une guerre qu'elle ne pouvait pas gagner.
Ses yeux s'ouvrirent de nouveau, cette fois cherchant un moyen de se calmer. Elle fixa l'ombre de la pièce, la silhouette des meubles dessinée par la lumière de la lune. Un soupir échappa à ses lèvres. Le calme extérieur contrastait tellement avec le tumulte intérieur. Mais même dans la tranquillité de la nuit, elle ne pouvait échapper aux griffes de son passé.
Elle se leva lentement, ne voulant pas se laisser emporter par la peur. Son regard se posa sur la fenêtre, puis elle se tourna vers la porte. Elle savait que Caleb n'était pas loin, mais elle n'irait pas le déranger. Elle n'était pas là pour ça. Elle devait se défendre seule. Il y avait des choses qu'il ne comprendrait pas, des cicatrices invisibles que personne ne pouvait guérir à sa place. Mais le fait qu'il soit là, présent, quelque part dans cette grande maison, offrait une forme de réconfort silencieux. Il était un rappel qu'il y avait des personnes qui pouvaient encore comprendre la douleur qu'elle portait. Même si cela ne suffisait pas à la faire disparaître, cela l'aidait à tenir. Pour un instant, elle pouvait se permettre de croire que peut-être, juste peut-être, la vie pouvait encore offrir une lueur d'espoir.
De son côté, Caleb commençait à se rendre compte que sa relation avec Mia prenait une tournure étrange. Il avait tenté de se détourner d'elle, de se concentrer sur son rôle de leader et d'assurer la stabilité de sa meute. Mais chaque rencontre avec elle, chaque moment où il croisait son regard, réveillait quelque chose en lui qu'il n'avait pas prévu. Ce n'était pas de la pitié, ni même un sentiment de devoir. C'était plus profond. Une connexion qu'il ne parvenait pas à expliquer, une attirance qu'il ne pouvait refouler. Il savait bien que son monde ne se mélangeait pas avec celui des omégas. Pas après tout ce qu'il avait perdu. Pas après la trahison, la douleur.
Et pourtant, avec Mia, il ne pouvait ignorer l'étrange sensation qui naissait en lui chaque fois qu'il se trouvait près d'elle. C'était comme si une partie de son âme reconnaissait la sienne, même dans l'obscurité la plus profonde. Mais il refusait d'y accorder trop d'importance. Ses blessures étaient encore fraîches, trop récentes. La perte de Valeria l'avait profondément marqué, et il n'était pas prêt à revivre cette souffrance. Mia, elle aussi, avait ses propres cicatrices. Il pouvait le voir dans ses yeux, dans cette vulnérabilité qu'elle dissimulait soigneusement. Pourtant, il ressentait ce tiraillement intérieur. Il savait qu'il devait garder ses distances. Mais chaque moment passé avec elle semblait brouiller un peu plus ses certitudes.
Leurs mondes se frôlaient à chaque rencontre, comme deux forces opposées attirées l'une par l'autre, malgré tout ce qui les séparait. Mia n'avait pas demandé d'être ce qu'elle était, pas plus que lui. Ils étaient tous deux marqués, tous deux rongés par des événements qu'ils n'avaient pas pu contrôler. Mais même dans leurs souffrances respectives, il y avait quelque chose de plus. Quelque chose qui, tout à la fois, l'effrayait et l'attirait.
Il croisa son regard un jour dans le hall. Ses yeux, pourtant pleins de secrets, n'étaient pas détournés. Elle l'observait comme si elle attendait qu'il comprenne quelque chose qu'il ignorait encore. Il se sentait... vulnérable. Lui, l'Alpha qui avait toujours su où il allait, qui avait commandé des batailles, dirigé sa meute d'une main de fer. Mais face à Mia, il ne savait plus où il se trouvait. Et chaque fois qu'il essayait de s'éloigner, il sentait ce lien invisible se resserrer un peu plus.
Le passé de Mia, ce secret qu'elle cachait sous une couche de force apparente, était une épée de Damoclès au-dessus d'eux. Mais en même temps, il savait qu'il ne pouvait pas fuir cette connexion. Qu'il ne pouvait pas ignorer ce qui était évident entre eux. Ses sentiments, aussi déroutants qu'ils soient, étaient là. Et peu importe combien il essayait de les étouffer, ils resurgissaient toujours. Il fallait qu'il fasse un choix. Mais était-il prêt à le faire ? Était-il prêt à se laisser à nouveau prendre, à risquer une autre perte ?
Mia s'éloigna dans l'ombre, ses pensées s'entremêlant. Elle savait que le lien entre eux grandissait chaque jour, même s'il essayait de le nier. Elle le sentait dans l'air, dans les silences, dans chaque regard échangé. Caleb ne pouvait pas fuir cette connexion. Il pouvait essayer de l'ignorer, mais il ne pourrait jamais l'effacer. Pas plus qu'elle ne pouvait effacer son passé. Et alors qu'elle se préparait à affronter encore une autre nuit de cauchemars, une pensée traversa son esprit. Peut-être que, tout comme elle, Caleb avait ses propres démons. Peut-être qu'il n'était pas aussi invincible qu'il voulait le paraître. Mais elle n'était pas prête à l'affronter. Pas encore. Pas tant qu'il n'accepterait pas lui-même ce qu'il ressentait.
Leurs vies étaient entremêlées, et malgré tous leurs efforts pour s'échapper de cette vérité, ils ne pouvaient plus reculer.