/0/23340/coverbig.jpg?v=826938fa2d6147a359ff89b8580da6c0)
Caleb n'avait jamais cru aux fantômes. Il s'était toujours dit que les démons du passé étaient des créations des faibles, des esprits torturés incapables de se détacher des chaînes invisibles du temps. Pourtant, chaque nuit, lorsqu'il fermait les yeux, elle était là, à la lisière de son sommeil, l'ombre de sa compagne morte, une silhouette floue mais puissante qui hantait ses rêves. Comme un écho douloureux de ce qu'il avait perdu. Chaque respiration, chaque pensée, chaque battement de cœur semblait porté par son absence.
Il se leva brusquement, comme pour chasser l'image d'Eva qui le narguait dans le silence de la pièce. Mais son souffle était court, son esprit embrouillé, comme si sa propre existence avait perdu de son sens. Les vestiges de son passé, de cette vie qui semblait si lointaine, s'étaient évaporés avec elle. La douleur, elle, était toujours présente, constante, elle ne se dissipait jamais.
L'Alpha d'une meute respectée, autrefois leader charismatique et plein de certitudes, se retrouvait désormais tel un animal brisé, errant sans but. La meute, autrefois si solide sous sa direction, n'était plus qu'un groupe désorganisé, chaque membre perdu dans ses propres doutes. Il n'avait plus la force, ni la volonté, pour guider. Il avait été un Alpha, un protecteur. Mais ce rôle, désormais, n'avait plus aucun sens.
Il tourna la tête vers la fenêtre, la lumière de la lune projetant une lueur pâle sur son visage. Le vent soufflait dehors, mais la nuit était silencieuse, à l'image de sa vie. Chaque cri d'un autre loup qui hurlait dans les forêts autour de la meute ne faisait qu'accentuer son vide intérieur. Ils hurlaient pour la liberté, pour l'appartenance, pour le pouvoir. Mais Caleb ne répondait plus. Il n'était plus qu'une ombre parmi eux, un homme égaré. Un Alpha sans âme.
La porte de la pièce s'ouvrit lentement. Son regard, perdu dans l'obscurité de son esprit, se tourna instinctivement vers cette intrusion. Un autre membre de la meute, son regard inquiet, attendait. Mais Caleb n'eut même pas la force de lui accorder un mot, un geste. Ce n'était pas par indifférence, mais par une fatigue profonde, presque une lassitude du monde. Il n'avait plus rien à dire. Il n'avait plus rien à offrir.
"Alpha", dit la voix, hésitante, comme si elle mesurait chaque syllabe avant de la prononcer. "Les autres vous cherchent. Ils... ont besoin de vous."
Les mots percutèrent son esprit, mais ils ne résonnèrent pas. Il savait ce que cela signifiait, mais cela lui semblait si étranger maintenant. Les autres avaient besoin de lui. Oui, ils en avaient besoin. Mais lui, qu'avait-il encore à offrir ? Il n'était qu'un homme brisé, un alpha dont la compagne n'était plus, un homme qui se sentait plus vide que les forêts désertées qu'il arpentait la nuit. Et pourtant, le poids de cette attente, de cette responsabilité, lui restait sur les épaules.
Il se leva lentement, ses gestes lourds, comme s'il portait des chaînes invisibles. La douleur, cette douleur incessante qui le rongeait depuis la perte d'Eva, ne disparaissait jamais. Il marcha d'un pas lent, presque traînant, jusqu'à la porte. Un autre membre de la meute attendait de l'autre côté, une tension palpable dans l'air entre eux. Caleb ne le regarda pas. Il savait que ce regard, ces attentes, étaient vaines. Il n'était plus l'Alpha qu'ils respectaient autrefois. Ce Caleb-là était mort, et il ne savait pas comment ressusciter.
Ils se dirigèrent vers l'extérieur, sans un mot, le vent frais fouettant leur peau, la tension palpable. Les yeux de Caleb fixaient le sol tandis qu'ils avançaient. Il n'y avait pas de retour en arrière. Il avait échoué, mais la douleur, cette douleur qu'il n'arrivait plus à fuir, se tenait toujours là, en lui. La meute attendait. Mais lui, que voulait-il ? L'alpha d'autrefois, celui qu'ils respectaient, n'était plus. En son cœur se tenait le vide, et ce vide semblait engloutir chaque parcelle d'espoir qu'il aurait pu avoir.
Quand ils atteignirent l'arrière de la maison, la silhouette d'un autre loup émergea de l'ombre. C'était Aric, un ancien ami, un allié. Il ne dit rien, mais ses yeux, empli de questions, ne lâchaient pas Caleb. L'atmosphère entre eux était lourde, mais Caleb, toujours muet, le laissa s'approcher.
"Caleb," dit Aric, d'une voix plus douce, "ils ont besoin de toi. Tu sais ce qui est en jeu. La meute te cherche."
Caleb le fixa un moment, son regard vide. Il ne voulait plus de responsabilités. Il ne voulait plus être un Alpha. Mais en même temps, il savait qu'il ne pouvait pas fuir indéfiniment. Il devait se rendre à l'évidence. Les autres comptaient sur lui. Mais ce poids, ce fardeau, le brûlait. Et Mia... Il ignorait qu'il avait croisé une âme perdue bien avant de réaliser qu'elle pouvait le sauver. Ou du moins, essayer.
L'Alpha détourna les yeux. Le souvenir de son passé le frappait à chaque instant. Le visage d'Eva. La beauté de son sourire, la douceur de ses yeux. Elle était tout ce qu'il avait perdu. Et chaque nuit, chaque moment d'absence, elle le déchirait un peu plus. Ce monde sans elle... il ne savait pas s'il pouvait y survivre. Il n'avait jamais imaginé qu'il pouvait aimer quelqu'un au point de se briser ainsi.
Aric attendit un moment, son regard scrutant Caleb, puis il prit une grande inspiration. "Il est encore temps, Caleb. Ce que tu es maintenant, ce que tu as laissé être... ce n'est pas tout ce que tu es capable d'être."
Le silence entre eux se fit lourd à mesure que la phrase d'Aric résonnait dans son esprit. Caleb savait que ses paroles avaient du sens. Mais comment pouvait-il, après tout ce qu'il avait perdu, se relever ? Comment pouvait-il encore croire en un avenir ? Chaque fibre de son être lui criait que tout cela n'avait plus d'importance. Pourtant, il savait au fond de lui que la meute, ces loups qui l'entouraient, avaient encore besoin de lui. Il ne pouvait pas se laisser sombrer, pas encore. Mais il le sentait, cette lutte intérieure, cette bataille avec lui-même. Il n'avait plus les armes pour mener cette guerre, pour redevenir ce leader.
Soudain, il se figea. Un bruit lointain, un cri. Ce cri perça le silence de la nuit. Ce cri n'était pas celui d'un loup, mais d'un homme. C'était un appel à l'aide. Un cri désespéré. Caleb tourna la tête, un frisson parcourant son échine. Cette voix... il la reconnaissait. Mais d'où ? Il n'eut pas le temps de réfléchir, car Aric, dans un mouvement brusque, le poussa en avant.
"Caleb, c'est maintenant. L'Alpha que tu étais... il revient. Tu ne peux pas laisser tout cela tomber."
Le poids des mots résonna en lui. Il ne pouvait pas fuir cette fois. Mais au fond de lui, une question persistait : et si cette douleur n'était pas destinée à le briser, mais à le transformer ?
Ce cri dans la nuit, il le suivrait. Et peut-être, juste peut-être, cette rencontre, ce qui l'attendait, serait le début d'une nouvelle lutte.
La ville semblait paisible, mais sous sa surface, une tension sourde montait. Mia marchait dans les rues pavées, dissimulant son passé, son identité et, surtout, les cicatrices invisibles laissées par un autre Alpha. Elle n'avait pas choisi cette vie d'errance, mais elle n'avait pas eu le choix. Elle avait fui, caché son existence, et chaque pas qu'elle faisait dans cette ville inconnue était une tentative de se fondre dans l'anonymat. Elle n'était plus qu'une oméga solitaire, un fantôme parmi les vivants.
Mia avait appris à vivre dans l'ombre, à éviter les regards trop insistants. Mais en ce soir-là, alors qu'elle traversait une ruelle étroite, son regard se croisa avec celui de Caleb. Il était là, dans la lumière tamisée d'un coin sombre, un Alpha. Son regard, d'abord indifférent, s'intensifia en un instant. Ses yeux se fixèrent sur elle avec une telle force qu'elle en frissonna. Il n'était pas comme les autres Alphas qu'elle avait rencontrés, il y avait quelque chose de différent chez lui. Quelque chose qui la frappait au plus profond de son être. Elle détourna le regard presque aussitôt, un réflexe qu'elle avait appris à adopter avec les mâles de sa race, surtout ceux au regard trop perçant.
Caleb sentit une vague d'émotions qu'il n'avait pas ressenties depuis des mois. Une intense chaleur monta en lui, mais il la repoussa violemment. Il n'avait pas le temps de se laisser distraire par une oméga, et encore moins une oméga comme elle. Il le savait, il la sentait, cette douleur qu'elle cachait. Son regard était marqué par un passé qu'elle ne voulait probablement pas partager. Il avait vu assez de femmes brisées pour reconnaître ce vide dans les yeux d'un autre. Mais quelque chose en elle, quelque chose dans sa présence, le tiraillait.
Elle n'était pas comme les autres. Il en était certain. Ce n'était pas juste une oméga perdue dans la ville, une âme solitaire errant dans la nuit. Non, il y avait une intensité étrange qui émanait d'elle, quelque chose qu'il ne pouvait pas expliquer. Mais il ne voulait pas l'admettre. Il s'était juré de ne plus jamais s'attacher, de ne plus jamais tomber dans les pièges du destin. Et pourtant, en cet instant, il se surprit à l'observer davantage. À chercher une réponse à cette étrange connexion qui naissait entre eux, même si cela n'avait pas de sens.
Mia, elle, se sentait coupable. Un frisson parcourut son échine, comme si un lien invisible s'était tissé entre elle et cet Alpha. Elle savait que le destin n'était jamais aussi simple. Chaque rencontre avec un loup était une danse complexe, et Caleb était loin d'être quelqu'un avec qui elle pourrait partager une quelconque complicité. Son passé, sa marque d'un autre Alpha, la rendait encore plus vulnérable. Elle ne pouvait pas se permettre de succomber à des sentiments qui n'avaient pas leur place dans sa vie. Pas avec lui. Pas maintenant.
Leurs regards se croisèrent une fois de plus. Cette fois, Caleb ne détourna pas les yeux. Il la fixa intensément, cherchant à percer le mystère qu'elle représentait. Mais il savait que cette fascination naissante était dangereuse. Il n'avait pas besoin de nouveaux drames. Il avait déjà son propre fardeau à porter. Pourtant, au fond de lui, quelque chose résistait. Quelque chose qu'il n'avait pas ressenti depuis la perte d'Eva. Un appel, presque imperceptible, mais puissant. Un sentiment de désir, de protection. Il ferma les yeux un instant, comme pour chasser cette émotion. Il n'avait pas le droit de la ressentir.
Mia sentit une brûlure dans sa poitrine, comme si une partie d'elle se réveillait, une partie qu'elle avait enterrée. Mais elle se ressaisit vite, et son regard se fit plus dur. Elle ne pouvait pas se permettre d'être vulnérable. Pas avec lui. Elle tourna les talons et s'éloigna rapidement, disparaissant dans les ruelles sombres, son cœur battant plus fort, mais son esprit tourné vers la survie, comme toujours.
Caleb, lui, resta là un instant, figé, une sensation étrange en lui. Il ne savait pas pourquoi il ne pouvait pas se détacher de cette rencontre, pourquoi son esprit se focalisait sur elle avec une telle insistance. Mais une chose était sûre : il n'avait pas fini de la voir. Elle, l'oméga solitaire au regard marqué par un passé trop lourd. Il la chercherait, c'était certain.