Elle savait que le lien qui existait entre eux était toujours là, tapi dans l'ombre, attendant de se raviver. Mais à chaque pas, à chaque seconde, il se distendait un peu plus. Il n'était plus solide, plus vivant. Ce n'était plus un lien nourrissant, mais une douleur persistante qui rongeait ses entrailles.
Chloé n'était pas idiote. Elle savait que la meute allait bientôt la traquer. Elle avait laissé derrière elle des traces trop évidentes, des marques trop nettes de son passage. Son nom, son odeur, son cœur. Gabriel ne la laisserait pas disparaître sans rien faire. Et il y avait d'autres prédateurs. D'autres ennemis qui sauraient flairer sa faiblesse. Elle n'était plus la compagne de l'Alpha, elle n'était plus protégée. Elle n'était plus rien. Et ça, c'était quelque chose qu'elle détestait.
Son corps était épuisé, ses muscles douloureux, mais sa volonté ne fléchissait pas. Chaque jour, chaque heure qui passait, elle s'éloignait de son passé. Elle le laissait derrière elle, même si chaque étape était un coup de poignard dans le cœur. Elle savait que c'était nécessaire, que c'était la seule façon de survivre, de redevenir ce qu'elle avait été avant. Libre. Forte. Elle n'était pas encore prête à renoncer.
Mais c'était sans compter les imprévus.
Elle se sentit plutôt que l'entendit. Une présence. Un bruit furtif, à peine perceptible. L'instinct de sa part l'avertit avant qu'elle n'ait le temps de réagir, et en un instant, elle tourna sur ses talons, prête à attaquer. Mais ce n'était pas Gabriel. Ce n'était pas un loup connu.
Ce n'était rien de ce qu'elle aurait pu anticiper.
Les silhouettes étaient floues au début, mais elles se précisèrent rapidement, en surgissant de l'ombre. Ils étaient plusieurs. Pas des loups, mais des hommes. Des humains, peut-être, mais la tension dans l'air la fit douter. Ils se déplaçaient comme des prédateurs, se faufilant dans la nuit comme des ombres insaisissables. Elle n'avait pas le temps de réfléchir. Elle n'avait pas le luxe de prendre des décisions rationnelles.
Elle s'élança, mais ils étaient trop rapides. Trop nombreux. Un des hommes la saisit par le bras avec une force implacable. Elle riposta, griffant et mordant, mais leurs prises étaient trop solides, trop expertes. Elle n'avait pas la moindre chance.
L'un d'eux la plaqua au sol, et un autre appuya un couteau contre sa gorge, la lame froide contre sa peau. La terreur monta dans sa poitrine, mais elle la refoula. Pas encore. Pas comme ça.
« Calme-toi, » dit une voix rauque au-dessus d'elle. Elle n'eut pas le temps de l'analyser, d'y prêter attention. Elle se battait contre la panique qui montait, contre la colère. « Nous ne voulons pas te tuer. Nous avons autre chose en tête. »
Chloé grogna, une menace sourde, mais elle sentit la pression du couteau se relâcher légèrement. Ils n'étaient pas là pour la tuer, pas encore. Ils étaient là pour autre chose. Un autre type de contrôle.
« Que voulez-vous ? » murmura-t-elle, sa voix rauque d'épuisement. Elle savait qu'elle devait garder son calme. Chaque erreur pourrait être fatale. Mais cette sensation de vulnérabilité la rongeait de l'intérieur.
Les hommes échangèrent un regard. Ils semblaient plus perplexes que menaçants. Mais elle savait, elle ressentait cette tension, ce danger palpable dans l'air. Ils avaient vu son statut. Ils savaient qui elle était. Et ils voulaient l'utiliser. « Nous avons des alliés. Des gens qui peuvent te donner ce que tu veux. » Le ton était toujours aussi calme, mais il y avait cette insistance derrière chaque mot.
Elle se redressa brusquement, profitant de l'instant d'hésitation. Elle mordit l'un des hommes à la main, mais avant qu'elle ne puisse s'échapper, une douleur fulgurante lui traversa le crâne. Un coup brutal, asséné avec une précision dévastatrice. Ses yeux se fermèrent sur l'instant, et l'obscurité la prit dans ses bras.
Quand elle se réveilla, il faisait toujours noir. Mais ce n'était pas la même noirceur. Un voile de brume, lourd et épais, enveloppait ses sens. Elle ne savait pas où elle était. Elle ne savait pas combien de temps elle était restée inconsciente. Elle se redressa, mais une douleur aiguë au niveau de son crâne la força à s'arrêter. Un gémissement s'échappa de ses lèvres. Elle toucha sa tête, mais il n'y avait pas de sang, seulement une douleur sourde qui pulsait.
L'air était froid. Trop froid. Et les odeurs... des parfums étranges. Des herbes. De la sueur. Un mélange métallique. Elle n'était pas seule.
« Tu es réveillée, » dit une voix près d'elle. Cette fois, la voix était plus douce, mais elle n'était pas aussi rassurante qu'elle le laissait entendre. « Tu devrais garder les yeux ouverts. »
Chloé tourna lentement la tête. Un homme se tenait près d'elle. Il n'était pas un simple humain, cela se voyait dans son regard. Pas un loup, mais... un hybride. Elle n'arrivait pas à définir ce qu'il était exactement, mais il y avait quelque chose de dangereux dans son aura, quelque chose qui l'intriguait et la menaçait à la fois.
« Qui êtes-vous ? » demanda-t-elle, sa voix rauque, mais ferme.
« Des gens comme toi, » répondit-il simplement, les yeux pénétrants.
Elle fronça les sourcils. Des gens comme elle. Cela ne faisait aucun sens. Elle ne se souvenait pas de les avoir vus avant. « Et pourquoi m'avez-vous sauvée ? » La question brûlait ses lèvres. Si c'était un piège, elle devait en savoir plus avant de se laisser entraîner dans une autre illusion.
Il ne répondit pas immédiatement. Puis, il haussait les épaules, comme si la question ne valait pas la peine d'être répondue. « Parce que nous avons besoin de quelqu'un comme toi. Parce que, dans ce monde, seuls les forts survivent. »
Elle le fixa intensément, cherchant des indices dans son regard. « Et qu'est-ce que vous attendez de moi ? »
« Rien. Pour l'instant. Mais nous avons des ennemis en commun. Et tu n'es pas aussi seule que tu le crois. »
L'air se fit plus lourd autour d'elle. Elle sentait que cet homme – ces hommes – étaient bien plus qu'ils ne semblaient. Et que ses choix, ses actions, les amèneraient tous à un carrefour qu'elle ne pouvait encore comprendre. Elle n'avait aucune idée de ce qui se passait. Mais une chose était sûre : elle ne retournerait pas à Gabriel. Pas comme ça. Pas avant d'avoir obtenu des réponses.