La porte de la chambre se referma derrière elle avec un bruit sec, et Élise se retrouva seule dans l'immensité de l'espace. Le lit, immense, dominait la pièce, un lit qu'elle savait qu'elle n'aurait pas à partager cette nuit-là. Elle avait refusé. C'était une des rares décisions qu'elle pouvait encore prendre pour elle-même, un acte de défi, une façon de ne pas se soumettre entièrement à ce contrat imposé par son père. La pièce était silencieuse, trop silencieuse. Elle se sentait observée, comme si les murs eux-mêmes avaient une conscience. Mais Vito ne la poursuivrait pas cette nuit. Pas immédiatement. Elle en était certaine.
Elle se laissa tomber sur le fauteuil, les bras croisés. Son regard se perdit dans le vide. Elle n'arrivait pas à se faire à l'idée que tout ce qu'elle avait connu jusqu'à ce soir n'était plus qu'un mirage. Elle n'était plus la même. Mais ce qui la dérangeait le plus, c'était l'homme qui avait transformé sa vie en un labyrinthe sans issue. Vito.
Il avait la capacité de vous faire croire que vous aviez une certaine forme de liberté, mais tout, absolument tout, était sous son contrôle. Même cette chambre, même sa décision de refuser de partager son lit. Lui donner cette liberté apparente, c'était une de ses stratégies. Il savait très bien qu'elle finirait par accepter ses règles, lentement, mais sûrement. Mais ce soir, il n'aurait pas ce pouvoir sur elle. Pas encore.
Elle se leva brusquement, sa colère montant en elle comme une vague prête à tout engloutir. Ce n'était pas juste un mariage arrangé. Ce n'était pas juste une dette. C'était un affront. À elle, à sa famille, à sa liberté. Et il en jouait. Il le savait. Chaque mot, chaque geste, chaque regard qu'il lui avait lancé pendant la cérémonie, tout cela avait été calculé. Il avait prévu chaque mouvement comme un chef d'orchestre, et elle était là, dans sa propre danse, forcée d'obéir aux notes qu'il dictait.
Le bruit d'un pas dans le couloir la fit se figer. Elle se retourna, tendue. Il était là, à quelques mètres, et même si elle ne pouvait pas le voir, elle savait qu'il l'observait, qu'il savait exactement ce qu'elle faisait. Un frisson désagréable lui parcourut l'échine. C'était ce qu'il faisait. Il la rongeait à petit feu, avec ses silences, ses attentions apparentes, et son contrôle invisible. Elle n'était pas sûre de savoir comment elle allait survivre à ça. Mais elle savait qu'elle ne pouvait pas céder.
La poignée de la porte tourna doucement, et Vito entra dans la pièce sans un mot. Il resta un moment sur le seuil, son regard noir se posant sur elle avec une intensité palpable. Un léger sourire étira ses lèvres. Il n'avait pas besoin de dire quoi que ce soit. Il savait qu'il avait gagné.
« Tu crois que je vais te laisser seule ce soir ? » demanda-t-il enfin, sa voix basse, presque calme. Mais il y avait une menace implicite dans chaque syllabe.
Élise se redressa, croisant les bras sur sa poitrine. « J'ai dit que je ne dormirais pas avec toi. »
Il haussa les épaules, comme si sa réponse n'avait aucune importance. « Très bien. » Il fit quelques pas dans la pièce, s'approchant d'un meuble où il s'arrêta, l'air pensif. « Mais tu sais, Élise, tu peux t'isoler autant que tu veux. Rien de ce qui se passe ici ne t'échappe. Pas même ta propre résistance. » Il se tourna vers elle, un éclair d'amusement dans ses yeux sombres. « Mais c'est ta décision. »
Elle le dévisagea, les poings serrés. « Tu crois vraiment que tu peux tout contrôler, hein ? Que tu peux m'imposer cette vie sans que je me rebelle ? » Sa voix se fit plus forte, plus acerbe. « Mais tu te trompes. Je ne suis pas une de tes pions, Vito. »
Il s'approcha d'elle, un sourire lent se dessinant sur ses lèvres. « Tu crois que tu as le choix, Élise ? » Il se pencha légèrement vers elle, son regard perçant accroché au sien. « Tu n'as aucune idée de ce que je peux faire si tu continues à me défier. »
Elle ne cilla pas. Elle savait que ce qu'il disait était vrai. Elle n'avait aucun moyen de s'échapper de ce monde. Mais elle n'allait pas le lui avouer. Pas aussi facilement.
« Et tu penses que je vais simplement t'obéir ? Parce que tu as des moyens de me faire plier ? » Elle le défiait du regard, sa voix remplie d'une défiance qu'elle ne savait même pas qu'elle possédait. « Je ne vais pas simplement devenir ton ombre, ta complice dans ce jeu. »
Il la jaugea un instant, comme s'il cherchait à lire au-delà de ses mots. Puis il soupira, comme si cette conversation n'avait pas d'importance, comme si ses propos n'étaient que des jeux d'enfant. « Fais comme tu veux, Élise. » Il se détourna finalement, son regard toujours aussi froid. « Mais tu sais, tu te caches derrière ton orgueil et ta colère, mais au fond, tu sais que ce mariage est ta seule issue. » Il lui jeta un dernier regard, plus dur cette fois. « Nous avons tous nos rôles à jouer. »
Il tourna les talons et s'éloigna, mais avant de sortir, il se retourna une dernière fois. « N'oublie pas, Élise. Tu es mienne maintenant. Et je garde toujours un œil sur toi. »
Le bruit de la porte qui se ferma derrière lui laissa une étrange sensation de vide. Il n'avait même pas essayé de la convaincre. Il savait qu'il n'en avait pas besoin. Ses mots, son autorité silencieuse, étaient suffisants pour la rendre malade d'impuissance. Elle avait refusé cette première nuit de mariage, mais elle savait que ce n'était que le début.
Elle s'effondra sur le lit, les bras tendus au-dessus de sa tête. L'impression d'être prise dans un piège se renforça. Comment pouvait-elle, elle, qui se battait pour sa liberté, se retrouver piégée ainsi, dans cette cage dorée ? Mais Vito, ce monstre froid et implacable, n'avait pas encore gagné. Elle le lui avait prouvé ce soir. Elle le défiait, et il n'avait pas trouvé de moyen de la forcer à plier. Pas encore.
Elle savait qu'il reviendrait. Peut-être pas tout de suite, mais il reviendrait. Et la prochaine fois, elle n'aurait plus d'issue. Mais pour l'instant, elle pouvait encore respirer, encore rêver d'échapper à son contrôle. Même si ce rêve paraissait de plus en plus fragile.