Chapitre 5 05

Je rentre chez moi en taxi, la tête pleine de pensées contradictoires, mon corps épuisé mais mon esprit en alerte. Chaque mot qu'Alexandre a prononcé résonne dans ma tête comme un écho insistant, impossible à ignorer. Il a semé des graines de doute en moi, des idées que je ne peux tout simplement pas repousser. Mais plus encore, il a joué avec mes émotions, comme si tout cela faisait partie d'un grand jeu dont j'étais la pièce centrale. Et la partie la plus troublante, c'est qu'une partie de moi a envie de continuer à jouer.

Le taxi me dépose devant mon immeuble, mais je reste assise dans la voiture un moment, le moteur éteint, mes yeux fixés sur la rue déserte. Il est tard, la ville semble calme, presque vide. Mais mon cœur, lui, bat plus fort que jamais. Comment ai-je pu en arriver là ? Comment ai-je pu laisser Alexandre reprendre un rôle aussi important dans ma vie après tout ce qu'il m'a fait ?

Je me demande si j'aurais dû refuser. Peut-être que j'aurais dû simplement dire non, éviter de m'embarquer dans ce qui semble être une spirale sans fin. Mais c'est trop tard. Je suis déjà impliquée, et il n'y a pas de retour possible. Peut-être qu'Alexandre a raison de dire qu'une fois qu'on voit certaines choses, on ne peut plus revenir en arrière. Ce soir, j'ai vu quelque chose. Et je sais que, peu importe comment j'essaie de l'ignorer, cela va me hanter.

Je monte dans mon appartement, laissant mes clés tomber sur la table, sans même y prêter attention. Je vais directement vers le canapé, m'assis et ferme les yeux un instant, me forçant à respirer profondément. Mais chaque inspiration semble plus lourde que la précédente, comme si j'étais submergée par quelque chose d'invisible. Un poids que je n'arrive pas à repousser.

Il faut que je prenne une décision. Une décision qui, je le sais, me changera à jamais. Mais comment choisir entre ce que je ressens et ce que je sais être le bon choix ? Puis-je vraiment faire confiance à Alexandre à nouveau ? Ai-je vraiment envie de revenir dans ce monde de mensonges et de promesses non tenues ?

Je suis interrompue par mon téléphone qui vibre sur la table. Un message de Juliette.

Alors, ce dîner ? Qu'est-ce qui se passe avec Alexandre ?

Je fixe l'écran quelques secondes, hésitant. Juliette, ma meilleure amie, ma confidente. Elle a toujours été là pour moi, m'aidant à traverser les pires moments, notamment la rupture avec Alexandre. Je pourrais lui parler, lui dire ce qui s'est passé. Mais une partie de moi hésite encore. Je n'ai pas envie de lui avouer que je suis déjà plongée dans un tourbillon dont je ne suis pas certaine de pouvoir sortir.

Je finis par répondre, de manière évasive.

Il m'a parlé de la campagne, mais il y a... d'autres choses, Juliette. C'est plus compliqué que ça.

Je n'ose pas en dire plus. Pas encore. Le temps me manque pour comprendre moi-même tout ce qui se cache derrière ses mots. Mais je sais qu'il ne me laissera pas tranquille. Il a planté une graine en moi, et maintenant elle commence à germer.

Je prends mon téléphone et consulte à nouveau le message qu'Alexandre m'a envoyé avant de partir. Plus tu attends, plus la décision sera difficile. C'est comme s'il savait exactement ce que je ressentais, comme s'il avait compris que, malgré mes apparences, il avait déjà commencé à m'emprisonner dans son réseau de manipulation subtile. Et je ne peux pas m'empêcher de me demander si je suis encore la même Camille que j'étais avant, ou si je suis déjà en train de me transformer en quelque chose d'autre, quelque chose que je ne reconnaîtrai peut-être plus.

Je me lève soudainement, submergée par l'envie de prendre l'air, de m'éloigner de tout ça, même si je sais que cela ne résoudra rien. Je prends une veste, mes clés, et quitte mon appartement sans vraiment savoir où je vais. Tout ce que je sais, c'est que je dois me vider la tête, sortir de cette spirale qui m'engloutit. Je marche sans but précis dans les rues de Lyon, ma silhouette se découpant dans la lumière des réverbères. La nuit est fraîche, presque glaciale, mais je ne ressens rien de tout cela. Je suis bien trop perdue dans mes pensées pour me soucier du vent qui souffle doucement autour de moi.

Et puis, alors que je traverse une place déserte, je vois une silhouette familière au loin. Elle se rapproche lentement, et c'est là que je le reconnais. Alexandre. Il marche dans ma direction, comme s'il m'attendait, comme s'il savait exactement où je serais à ce moment-là.

Mon cœur s'emballe, une bouffée de chaleur m'envahit, et je reste là, figée, incapable de bouger. Il ne m'a pas vue, ou peut-être qu'il attend simplement que je réagisse. Mais je ne peux m'empêcher de me demander : est-ce une simple coïncidence, ou est-ce qu'il m'a suivie, qu'il savait déjà que je finirais par m'échapper de chez moi, incapable de rester seule avec mes pensées ?

Il s'arrête à quelques mètres de moi, et je vois son regard se poser sur moi avec une intensité qui me fait presque reculer. Il se rapproche lentement, son pas mesuré, comme si chaque mouvement avait un sens, un objectif.

- Tu n'as pas pu résister, hein ? Sa voix est douce, mais ferme. Je savais que tu viendrais me rejoindre. Tu n'as pas pu ignorer ce que j'ai dit. Et toi, Camille, tu sais que ce n'est pas fini entre nous.

Je le fixe, incapable de répondre. Les mots sont là, mais ils me manquent, comme une vérité trop difficile à admettre.

Et soudain, dans cette nuit glacée, je comprends. Ce n'est pas moi qui ai choisi de venir ici. C'est lui qui m'a conduite à ce moment précis, sans que je m'en rende compte, sans que je puisse fuir.