Chapitre 3 Chapitre 3

Elvie savait que chaque mouvement, chaque respiration, chaque mot comptait dans ce monde-là. Elle était entrée dans un univers où la manipulation était une arme, où la loyauté était une monnaie d'échange, et où les promesses n'avaient de valeur que tant qu'elles servaient les intérêts de ceux qui les faisaient. La villa des Corleone était plus qu'un simple lieu. C'était une forteresse, et elle, elle en était l'une des pièces. Une pièce fragile, coincée entre les griffes d'un lion affamé et la morsure d'un serpent invisible.

Le regard d'Adriano, toujours aussi impénétrable, l'observait avec une intensité qui la mettait mal à l'aise. Il n'avait pas cessé de la scruter depuis qu'elle avait pénétré son bureau, il y a de cela quelques heures. Le silence dans la pièce était presque suffocant. Ses doigts tapotant sur la surface du bois massif de son bureau trahissaient une impatience qu'il ne laissait pas paraître. Il attendait quelque chose. Ou plutôt, il attendait quelqu'un. Et elle, elle ne pouvait s'empêcher de sentir que cette attente, comme un épais voile qui se tendait autour d'elle, était plus dangereuse que tout ce qu'elle avait connu.

"Tu as compris ce que je t'ai demandé ?" sa voix, froide et tranchante, brisa enfin le silence.

Elvie sentit un frisson parcourir son échine. "Oui", répondit-elle d'une voix qu'elle s'efforça de rendre calme, même si son cœur battait à tout rompre. « Je... je vais espionner le clan rival. »

Adriano hocha la tête, un léger sourire aux lèvres, presque imperceptible. « Bonne réponse », dit-il avec une satisfaction évidente dans la voix. « Parce que si tu échoues, tu sais ce qui t'attend. »

Elle déglutit, une pression lourde s'exerçant sur sa poitrine. Elle savait bien ce qu'il sous-entendait. Les échecs dans ce monde-là n'étaient pas pardonnés. Ceux qui se trompaient, ceux qui faillaient, étaient éliminés. Pousser trop loin, ignorer les limites, c'était risquer de disparaître dans l'oubli. Elvie n'était qu'un pion dans leur jeu, et elle le savait parfaitement. Mais à cet instant, il semblait qu'elle n'avait d'autre choix que de jouer.

« Tu auras toute l'aide nécessaire. Mais souviens-toi, tu n'es qu'un instrument dans mes mains. Tu ne fais que ce que je te demande », dit Adriano, ses yeux d'un bleu glacial la transperçant.

Elle hocha la tête en silence, se sentant de plus en plus perdue. Elle n'était pas simplement une assistante, comme elle l'avait cru au début. Elle n'était pas non plus une simple employée. Elle était une extension de la volonté d'Adriano. Et cela, c'était bien plus dangereux que tout ce qu'elle avait imaginé.

Alors qu'elle se dirigeait vers la sortie du bureau, un léger bruit derrière elle attira son attention. Elle se tourna brièvement, juste à temps pour voir Adriano se lever et s'avancer vers elle, l'air plus grave que jamais.

"Et n'oublie pas", ajouta-t-il d'une voix basse, "si tu es prise, si tu te fais attraper, tu n'as plus rien. Tu disparais, et tout ce que tu as construit ici disparaît avec toi."

Un frisson glacé parcourut son corps. La menace était claire. Elle n'était pas là par choix. Elle était là parce qu'elle n'avait pas d'autre option. Ses choix, maintenant, se limitaient à survivre ou à disparaître.

La mission qu'on lui avait assignée n'était pas une simple promenade. En espionnant un clan rival, Elvie risquait de se retrouver dans des situations qui dépassaient de loin tout ce qu'elle avait pu imaginer. Elle avait déjà compris que la loyauté envers les Corleone ne suffisait pas à garantir sa sécurité. La confiance, dans ce monde-là, n'était qu'une illusion. Il n'y avait pas de place pour les faiblesses, pour les hésitations. La loyauté ne valait que tant que les affaires tournaient en leur faveur.

Lorsqu'elle arriva dans le quartier où le clan rival avait établi ses bases, une sensation d'inconfort la submergea. Elle n'avait pas eu le temps de se préparer à cela. Mais il n'y avait pas de retour en arrière possible. Elle était là, sous couverture, seule, parmi des gens qu'elle ne connaissait pas, mais qui pouvaient la trahir en un instant si cela servait leurs intérêts.

Elle se glissa discrètement dans le bar où elle était censée rencontrer un informateur. L'endroit était bondé, l'air chargé d'odeur de cigare et de whisky. Des voix graves se mêlaient au bruit des verres qui s'entrechoquaient. Elle avait l'impression de pénétrer dans un autre monde, un monde où les règles étaient faites pour être violées. Elle se fraya un chemin parmi les tables, les yeux scrutant chaque visage. Il y avait des regards perçants, des sourires en coin, des murmures derrière les mains. Et au fond de la pièce, il y avait un homme qui l'attendait.

L'informateur se leva à son approche, un homme d'âge moyen au visage marqué par les années de service dans le crime. Son regard, dur comme de l'acier, passa rapidement sur elle, évaluant son apparence.

"Tu es Elvie", dit-il d'une voix rauque, sans aucune salutation.

Elle hocha la tête, s'assurant que personne ne les observait. "Oui. Adriano m'envoie."

Il sourit légèrement, mais ce sourire n'atteignit pas ses yeux. "Adriano... Toujours aussi... pragmatique", murmura-t-il avant de se pencher vers elle. "Ce que tu veux, c'est simple. Des informations. Mais tu vas devoir prouver que tu es digne de les obtenir."

Elvie ressentit une pointe de nervosité. "Je suis prête à tout", répondit-elle d'une voix ferme, mais son estomac se nouait sous le poids de la situation.

L'homme la regarda une dernière fois, ses yeux se durcissant encore un peu plus. "On verra ça", dit-il en lui tendant un petit paquet. « Tu sais ce que tu dois en faire. »

Elle prit le paquet, son cœur battant à toute vitesse. Elle savait que ce qui se trouvait à l'intérieur de cet objet était crucial. Mais elle n'en savait pas encore assez pour comprendre à quel point.

En sortant du bar, elle ressentit une vague de soulagement temporaire. Elle avait ce qu'il lui fallait. Mais quelque chose la hantait. Ce sentiment d'être suivie, d'être observée, de ne jamais être vraiment seule. Le monde dans lequel elle vivait était plein de pièges invisibles. Et à chaque instant, elle risquait de se retrouver dans un de ceux-là.

Ce soir-là, alors qu'elle rentrait à la villa des Corleone, un autre événement inattendu se produisit. Alors qu'elle s'apprêtait à entrer dans sa chambre, un bruit la fit sursauter. Elle se tourna brusquement et aperçut une silhouette familière. Adriano.

"Alors", dit-il, son ton glacé, "qu'as-tu découvert ?"

Le regard de l'homme, presque impassible, la scrutait, et Elvie sentit une pression s'intensifier sur ses épaules. Tout ce qu'elle savait, tout ce qu'elle avait appris, tout ce qu'elle avait vu, devait maintenant se traduire en quelque chose de plus. Un secret qu'elle pourrait offrir pour se protéger. Mais à quel prix ?

Elle baissa les yeux, cherchant les mots justes, ceux qui lui permettraient de jouer son rôle sans être démasquée. "Il y a des rumeurs... des transactions secrètes. Ils sont en train de préparer quelque chose, quelque chose de gros", dit-elle, en dissimulant sa peur derrière une voix calme.

Adriano la regarda attentivement, ses yeux sombres perçant chaque mot qu'elle prononçait. Puis, lentement, il hocha la tête.

"Bien", répondit-il simplement. « Mais souviens-toi, Elvie, tu es là pour m'obéir. Pas pour poser des questions. »

Elle sentit un frisson lui parcourir le dos. Il ne disait rien d'autre, mais les implications étaient claires. Elle n'avait pas droit à l'erreur. Parce que si elle échouait, ce serait la fin de tout. Et Adriano n'avait jamais laissé personne s'échapper de son emprise.

Elle tourna la clé dans la serrure de sa chambre, et pour la première fois depuis son arrivée, elle se laissa tomber sur le lit, le cœur lourd. Les ombres qui se dressaient dans sa vie semblaient de plus en plus menaçantes. Et chaque secret découvert, chaque pas fait, la rapprochait davantage d'un abîme sans retour.

            
            

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