- **Non. Ils veulent me soumettre. Ils veulent que je les suive, que je sois leur pion. Mais je ne suis à personne. Pas même à toi, Ridley.** Elle marqua une pause, ses mots résonnant lourdement. **Et je ne fuirai pas. Pas maintenant.**
Un long silence s'installa entre eux, brisé seulement par le bruit du vent qui soufflait à travers les arbres. Ridley savait qu'il ne pourrait jamais l'empêcher de faire ce qu'elle pensait juste. Mais il savait aussi que cette décision allait tout changer. Tout.
- **Tu as raison.** Il souffla, son regard sombre. **Ils n'auront pas la victoire. Je vais leur montrer que personne ne dicte mes choix.**
Ils s'éloignèrent ensemble, se dirigeant vers le centre du camp, où les membres de la meute attendaient, nerveux, anticipant les ordres de leur Alpha. Ils savaient que quelque chose de grand se préparait. Et ils étaient prêts à se battre pour ce qui était leur.
Ridley monta sur le trône de pierre au centre de leur campement. Les regards se tournèrent vers lui, tous impatients de savoir comment il allait gérer la situation. Il fixa ses yeux sur chacun d'entre eux, cherchant à capter leur attention, leur loyauté. La décision qu'il allait annoncer allait façonner l'avenir de sa meute.
- **La meute rivale nous a donné un ultimatum,** commença-t-il d'une voix forte et autoritaire, son regard brillant d'une intensité rare. **Ils veulent que nous leur livrions Elisabeth. Mais je ne plierai pas devant eux.** Il marqua une pause, s'assurant que chaque mot qu'il prononçait atteignait leur âme. **Nous avons combattu ensemble, nous avons survécu ensemble, et nous mourrons ensemble. Si cela signifie la guerre, alors nous ferons la guerre.**
Les murmures se dissipèrent rapidement dans un silence lourd. Ridley n'avait pas seulement parlé à ses hommes et femmes, mais à tout son être, à cette force indomptable qui avait fait de lui l'Alpha qu'il était aujourd'hui. Il n'y avait plus de doute, plus de recul. Le choix était fait.
- **Nous ne leur offrirons pas Elisabeth.** Il leva les bras, et son regard balaya chaque visage, chaque membre de sa meute. **Et si ce sacrifice doit être payé, nous le paierons. Mais nous le ferons ensemble.**
Un cri de ralliement s'éleva parmi les loups-garous, une acclamation qui fit vibrer la terre sous leurs pieds. Ils étaient prêts à se battre, prêts à suivre leur Alpha dans le combat. Rien ni personne ne pourrait les arrêter.
Ridley se tourna alors vers Elisabeth, qui l'observait de loin, un léger sourire sur les lèvres. Il n'avait pas besoin de dire plus. Il savait, tout comme elle, que tout était désormais scellé.
La guerre était inévitable. Et ils étaient prêts à la mener ensemble.
L'autorité qu'il exerçait sur eux était fragile, fissurée par des doutes et des murmures à peine dissimulés. Ils respectaient sa force, mais ils n'avaient pas encore embrassé son règne. Il n'était Alpha que depuis peu, depuis la mort de son père, et certains le considéraient encore comme un louveteau jouant au roi.
Un grognement bas rompit le silence.
- **Tu es jeune, Ridley. Trop jeune pour nous mener.**
Celui qui parlait s'avança d'un pas lourd. Elias. Un vétéran de la meute, un loup massif à la fourrure grisonnante, dont les années de combat marquaient chaque cicatrice sur sa peau burinée. Son regard était un mélange de mépris et de prudence.
Ridley ne répondit pas immédiatement. Il planta ses pieds fermement dans la terre battue et redressa les épaules. Il ne leur donnerait pas le luxe de voir son hésitation.
- **L'âge n'a rien à voir avec la force, Elias,** répondit-il d'une voix calme mais tranchante.
Elias émit un rire bref, amer.
- **La force ? Tu crois que parce que tu es né du sang d'un Alpha, cela suffit ? Tu crois que parce que tu nous regardes comme un roi, nous allons nous incliner ?**
Les murmures s'élevèrent autour d'eux. L'atmosphère était électrique, chaque loup tendu, prêt à voir jusqu'où ce face-à-face irait. Ridley inspira profondément. Il savait qu'il ne pouvait pas seulement parler. Il devait prouver.
D'un mouvement fulgurant, il fondit sur Elias. Le vétéran ne s'attendait pas à cette attaque soudaine et vacilla sous l'impact, reculant d'un pas avant de se redresser en grognant. Il attaqua à son tour, mais Ridley esquiva, attrapa son bras et le tordit violemment avant de le plaquer au sol.
Elias gronda, tentant de se dégager, mais Ridley appuya son avant-bras contre sa gorge, ses crocs se dévoilant à quelques centimètres de sa peau.
- **Je n'ai pas besoin que tu t'inclines, Elias. J'ai besoin que tu saches à qui tu fais face.**
Un silence s'abattit sur la meute. Ridley maintint son étreinte un instant de plus avant de relâcher Elias, qui roula sur le côté, toussant. Il ne se releva pas tout de suite. Il savait. Ils savaient tous.
Ridley n'était peut-être pas leur Alpha de cœur, mais il était leur Alpha de droit.
Il se tourna vers le reste de la meute et balaya l'assemblée du regard.
- **Si quelqu'un d'autre doute, qu'il parle maintenant.**
Personne ne bougea.
Ridley hocha la tête.
- **Bien. Maintenant, écoutez.**
Il croisa les bras sur son torse et se redressa légèrement.
- **J'ai appris quelque chose aujourd'hui. Une rumeur. Une menace qui rôde à nos frontières.**
Les loups échangèrent des regards incertains.
- **Quel genre de menace ?** demanda quelqu'un dans la foule.
Ridley laissa un silence planer avant de répondre.
- **Une créature. Peut-être humaine, peut-être plus que ça. Mais elle est puissante, et elle est seule.**
Des frissons coururent parmi les rangs. L'idée d'une créature errante n'avait rien de rassurant.
- **Nous devrions l'éliminer avant qu'elle ne devienne un problème,** gronda un jeune loup.
- **Ou nous devrions comprendre ce qu'elle veut avant d'agir stupidement,** répliqua un autre.
Les voix s'élevèrent, chacun donnant son avis. Ridley laissa faire un instant, puis leva la main.
- **Nous allons d'abord l'observer. Voir si elle représente une vraie menace. Mais quiconque la trouve me la signale immédiatement. Pas d'initiative solitaire. Est-ce clair ?**
Un murmure d'approbation traversa la meute.
C'est à ce moment-là que le vent changea.
Un bruissement. Un craquement dans les bois.
Ridley tourna brusquement la tête, ses sens en alerte.
Et il le vit.
Un homme, à la lisière des arbres, caché dans l'ombre. Il n'était pas un loup, pas un ennemi familier. Son odeur était étrange, un mélange de terre humide et de cendres.
Les loups l'avaient senti aussi. Un grondement collectif monta dans les rangs.
L'étranger leva lentement les mains, signe de paix.
- **Je ne suis pas un ennemi, Alpha.**
Sa voix était rauque, fatiguée.
Ridley s'avança d'un pas.
- **Qui es-tu ?**
L'homme sourit faiblement.
- **Juste un voyageur avec des nouvelles qui pourraient t'intéresser.**
Ridley garda son regard verrouillé sur lui, analysant chaque mouvement, chaque tension dans ses muscles.
- **Parle.**
L'homme inclina légèrement la tête.
- **Il y a une sorcière bannie sur tes terres. Une femme seule, puissante. Abandonnée par les siens.**
Les loups frémirent.
Une sorcière.
- **Pourquoi devrions-nous te croire ?** demanda Ridley.
L'homme haussa les épaules.
- **Parce que si elle est réellement bannie, elle n'a plus de maître. Et une sorcière sans maître est une créature incontrôlable.**
Le silence tomba comme une lame sur la meute.
Ridley ne bougea pas.
Mais dans son esprit, les engrenages se mirent en marche.La pluie martelait le sol, transformant la terre en une boue gluante sous les pas pressés d'Elisabeth. Son souffle était court, sa robe en lambeaux collée à sa peau trempée. Le froid mordait ses os, mais elle n'avait pas le luxe de s'arrêter. Derrière elle, à peine couverts par le vacarme de l'orage, des bruits de pas résonnaient dans la forêt. Elles la suivaient encore.
Elles ne la laisseraient jamais partir.
Une branche fouetta son visage alors qu'elle s'enfonçait plus profondément dans les bois. Ses jambes brûlaient, son corps criait grâce, mais elle n'écoutait pas. Elle n'avait pas le droit d'abandonner maintenant. Pas après tout ce qu'elle avait sacrifié.
Un sifflement fendit l'air.
Elle eut tout juste le temps de lever la main avant que la flèche ne l'atteigne. Dans un éclat de lumière, le projectile s'embrasa et se désintégra en cendres. Un cri de frustration retentit derrière elle.
- **Tu ne peux pas fuir éternellement, Elisabeth !**
Cette voix.
Elle la connaissait.
Anaïs.
Elisabeth serra les dents et accéléra encore, ses pieds glissant sur le sol détrempé. Son ancienne sœur ne plaisantait pas. Si elle la rattrapait, elle ne se contenterait pas de la ramener. Elle voulait la voir brûler.
Un éclair zébra le ciel, illuminant un instant le paysage. C'est à ce moment-là qu'Elisabeth aperçut l'ouverture d'une grotte, dissimulée derrière un rideau de lianes épaisses. Elle n'hésita pas. Elle s'y engouffra, laissant l'obscurité l'envelopper comme un linceul.
Elle s'arrêta net, retenant son souffle.
Dehors, la pluie continuait de tomber violemment. Elle n'entendait plus les pas. Peut-être qu'elles avaient abandonné. Peut-être qu'elles pensaient qu'elle avait continué sa route.
Ou peut-être qu'elles attendaient qu'elle sorte.
Elle s'enfonça plus profondément dans la grotte, tâtonnant les parois rugueuses. L'air y était glacial, humide. Elle tremblait de froid, mais aussi d'épuisement.
Enfin, ses doigts rencontrèrent le sol sec d'une petite cavité protégée. Elle s'y laissa tomber, haletante, le cœur battant encore à tout rompre.
Elle était seule.
Elle était libre.
Du moins, pour l'instant.