Elle n'était pas naïve, elle savait que ce genre de responsabilités impliquait quelque chose de plus que du simple ménage. D'un coup d'œil furtif, elle jeta un regard sur la porte et s'assura qu'aucun membre du personnel ne l'observait. Le service des suites VIP était réputé pour être un endroit où les employés étaient toujours sous surveillance. Chaque geste, chaque mouvement, était enregistré. Peut-être que ça avait à voir avec l'importance des clients qui séjournaient dans ces chambres, ou peut-être avec la réputation de l'hôtel.
La porte s'ouvrit doucement, et Sandra pénétra dans la suite. L'endroit semblait presque irréel dans son luxe. Tout y était méticuleusement ordonné, les meubles d'une élégance frappante, chaque détail étudié. Mais ce n'était pas cette perfection qui attira son attention. C'était l'atmosphère, l'air lourd, une sorte de tension qui imprégnait l'espace. Sandra le ressentait dans ses os, comme une pression invisible qui la forçait à se tenir droite et silencieuse.
Elle soupira, prenant un moment pour observer la pièce, comme si cela allait la préparer à ce qui allait venir. Le travail ici ne serait pas comme les autres chambres. On ne nettoyait pas les suites VIP de la même façon. Un détail manqué pouvait coûter cher.
Les meubles étaient impeccables, mais Sandra savait qu'il ne s'agissait pas de ça. La suite elle-même n'était qu'un décor, une façade de perfection. Tout dans cet hôtel était surveillé, méticuleusement contrôlé. Il ne fallait pas faire de vagues. Elle se souvenait de la tension palpable parmi le personnel depuis son arrivée. Les chuchotements dans les couloirs, les regards furtifs, la nervosité qui émanait de certaines personnes. Les employés ne semblaient pas tout à fait à l'aise. Et Sandra, malgré ses efforts pour ne pas se laisser affecter, sentait la même chose.
Elle passa un coup de chiffon sur une étagère en bois, son esprit toujours préoccupé par les paroles de sa cousine quelques jours plus tôt. Ils avaient parlé en toute confidence, un soir après le service, en se retrouvant dans une petite salle de pause. Elle se souvint des mots de sa cousine, les yeux étincelants d'une sorte de sincérité inquiète.
« Tu sais, Sandra, il y a des choses qu'on ne te dira pas ici. Mais tu dois savoir qu'il y a des yeux partout. On ne te le dit pas en face, mais on nous observe. »
Au début, Sandra n'y avait pas prêté attention. Mais à mesure qu'elle passait plus de temps dans l'hôtel, elle comprenait mieux. Ce n'était pas seulement une rumeur. Le personnel semblait effectivement sous surveillance constante. Les regards étaient toujours trop insistants, les silences trop lourds. Chaque mouvement semblait scruté par des yeux invisibles. Et puis il y avait les petites conversations à voix basse, quand les employés se croyaient seuls. La tension était toujours là, tapie dans l'ombre.
Sandra passa à l'autre côté de la pièce, son regard se posant brièvement sur un carnet laissé ouvert sur le bureau. Un chiffre, un nom, une ligne, une phrase, mais rien qui ne laissait filtrer plus d'informations que ce qu'elle avait déjà. Elle déglutit, se forçant à concentrer ses pensées sur ce qui l'entourait. Si elle commençait à se perdre dans ses doutes, elle risquait de se faire repérer, et cela, elle ne pouvait pas se le permettre.
Elle se dirigea vers la salle de bain, le rythme de ses pas légèrement plus rapide. Un bruit léger attira son attention, un murmure, un bruit de porte qui s'ouvrait à l'extérieur. Mais elle ne se retourna pas.
Le personnel, de plus en plus nerveux, semblait réagir à quelque chose qu'elle ne comprenait pas tout à fait. Elle avait entendu parler de cette guerre silencieuse entre les différents hôtels de la ville. Certains rivaux étaient plus agressifs que d'autres. Mais les rumeurs à ce sujet étaient souvent noyées dans des murmures discrets, des regards échangés dans les couloirs. Sandra n'était pas encore assez bien implantée pour saisir toute l'ampleur de la situation. Elle se contenta de faire son travail, mais quelque chose en elle savait que ça n'allait pas durer.
Alors qu'elle passait le balai dans le coin, la voix de sa cousine résonna dans son esprit. « Les grands noms de la ville... ce ne sont pas que des hôtels. Ce sont des champs de bataille. Des guerres secrètes. Tu n'as aucune idée de ce qu'on cache ici. »
Ces mots la hantèrent. Elle essaya de chasser cette pensée de son esprit et se concentra sur le travail à accomplir. Mais c'était plus difficile qu'elle ne le pensait. L'air semblait plus épais dans la suite. Tout, même les plus petites tâches, semblait se dérouler dans une sorte de lenteur délibérée.
Soudain, un bruit de porte se ferma brutalement, et Sandra se figea. Elle n'eut même pas besoin de se retourner pour savoir qu'elle n'était plus seule dans la pièce. La silhouette d'un homme se découpa dans l'embrasure de la porte.
Elle se retourna, surpris, mais immédiatement, son regard se fixa sur un homme en costume sombre. Il n'était pas un habitué de l'hôtel, et il semblait avoir l'allure d'un de ces types que l'on voit dans les films, ceux qui surgissent de nulle part, menaçant sans dire un mot. Le regard de cet homme était froid, direct, comme s'il savait exactement ce qu'il voulait, et qu'il ne craignait rien ni personne.
Sandra sentit une montée d'angoisse dans sa gorge, mais elle garda son calme. « Puis-je vous aider, monsieur ? » demanda-t-elle d'une voix plus ferme qu'elle ne l'aurait cru possible.
L'homme la scruta un instant, ses yeux passant sur elle comme si elle n'était rien de plus qu'une poussière. « Vous êtes nouvelle ici. » La phrase n'était pas une question, mais une simple constatation.
Sandra hocha la tête, sans savoir où il voulait en venir. « Oui. Je travaille ici. »
Il s'approcha, ses pas résonnant sur le sol en marbre. « Vous devez faire attention. Ce n'est pas un endroit pour les faibles. » Ses mots étaient secs, comme une menace voilée. Sandra se sentit une fois de plus observée, comme si elle avait été une proie qu'on scrutait avant de la dévorer.
Avant qu'elle ne puisse répondre, il tourna les talons et quitta la suite aussi brusquement qu'il y était arrivé, la laissant seule, les battements de son cœur tambourinant dans ses oreilles. Elle n'eut même pas le temps de réfléchir à ce qu'il venait de dire avant qu'une autre pensée ne surgisse.
Si le personnel était sous surveillance, et si ce concurrent agressif représentait une menace, alors où se trouvait réellement la sécurité dans cet hôtel ? Où étaient les véritables lignes de front ?