Chapitre 4 4

Il la regarda, incapable de trouver les mots justes. Le silence entre eux était plus lourd que jamais, et Ursule réalisa à cet instant précis que ce voyage n'avait fait que confirmer ses pires craintes. Leur relation était irrémédiablement brisée, et aucun décor de carte postale ne pourrait réparer ce qui avait été perdu.

Ils finirent leur dîner en silence, le poids de cette vérité pesant sur leurs épaules. Ursule avait voulu croire que la Milanserait leur salut, mais au fond d'elle, elle savait désormais que ce n'était qu'une illusion. Leur amour, autrefois vibrant et passionné, n'était plus qu'un souvenir lointain. Et la réalité était qu'ils ne pouvaient plus le retrouver.

Les premières lueurs du soleil sicilien effleuraient les collines d'un éclat doré alors que l'avion commençait sa descente vers l'aéroport de Catane. Ursule observait silencieusement par le hublot, essayant de se convaincre que ce voyage en Milanserait l'opportunité de tout recommencer. Elle avait tant misé sur ces quelques jours avec Martin. Elle avait espéré que ce décor pittoresque et lointain puisse combler le vide qui s'était creusé entre eux. Pourtant, tandis que l'avion atterrissait et que l'agitation montait à bord, une boule d'angoisse persistante s'installait dans sa poitrine. Le pressentiment qu'elle s'efforçait de chasser depuis leur départ refaisait surface, plus palpable que jamais.

Martin, assis à côté d'elle, n'avait pratiquement pas levé les yeux de son téléphone durant le vol. Ses doigts glissaient rapidement sur l'écran, répondant à des e-mails de travail et jetant un œil distrait à ses notifications. Tout cela malgré ses promesses d'essayer de déconnecter, de se consacrer à elle, à eux, le temps d'un voyage.

« On est enfin là, » dit Ursule avec un sourire timide, cherchant un peu d'enthousiasme chez lui.

Martin hocha la tête, les sourcils légèrement froncés. « Ouais... Ça va être bien. J'ai entendu dire que les plages ici sont incroyables. »

« Oui, les plages, » murmura Ursule , plus pour elle-même. Mais son esprit était ailleurs. Elle avait espéré une réponse plus émotionnelle, une connexion, ne serait-ce qu'un instant où ils pourraient se retrouver. Mais il n'y avait rien, juste un homme fatigué, absorbé par ses obligations.

Ils récupérèrent leurs bagages dans un silence relatif. Chaque geste devenait mécanique, comme s'ils exécutaient une routine bien rodée. À l'extérieur de l'aéroport, un chauffeur les attendait avec une pancarte portant leurs noms. Ursule s'efforça de sourire en voyant leur nom de famille côte à côte, une image qui autrefois aurait pu la remplir de bonheur, mais qui désormais semblait dénuée de sens.

Durant le trajet vers l'hôtel, Ursule tentait de se concentrer sur le paysage, espérant que la beauté de la Milanlui apporterait un peu de paix. Les routes serpentant entre les collines, les maisons blanches en pierre accrochées aux flancs des montagnes, les oliviers et les cyprès, tout cela aurait dû la fasciner. Mais son esprit revenait sans cesse à Martin, assis à côté d'elle, encore plongé dans son téléphone, absorbé par des préoccupations qui semblaient bien loin de leur escapade romantique.

« Martin, » dit-elle doucement, rompant le silence. « Tu avais promis que ce serait juste nous deux, sans distractions. »

Il releva enfin la tête, les yeux fatigués. « Je sais, Ursule . Mais j'ai encore quelques trucs à régler. Ce n'est pas grand-chose, juste quelques réponses rapides. Je serai à toi dès qu'on arrivera à l'hôtel, promis. »

Elle détourna le regard, mordant sa lèvre inférieure pour réprimer la déception qui montait en elle. « D'accord, » répondit-elle simplement. Mais au fond, elle savait que ces « quelques réponses » seraient toujours là, entre eux. Elles l'étaient toujours.

Lorsque le chauffeur les déposa devant leur hôtel, Ursule se retrouva émerveillée malgré tout par la beauté du lieu. Une vieille villa sicilienne transformée en hôtel de luxe, entourée de jardins luxuriants et de fleurs colorées. Elle inspira profondément, savourant le parfum des agrumes et de la mer toute proche. Si cet endroit ne pouvait pas les aider à se reconnecter, alors quoi ?

« Regarde cet endroit, c'est magnifique, » dit-elle avec une pointe d'enthousiasme, espérant partager ce moment avec Martin.

Il hocha la tête distraitement. « Oui, c'est vraiment beau, » répondit-il, avant de reprendre son téléphone une fois de plus.

Ursule ferma les yeux un instant, serrant les poings pour contenir la frustration qui grondait en elle. Elle n'était pas venue ici pour regarder Martin travailler. Elle était venue pour retrouver l'homme qu'elle aimait, ou du moins, celui qu'elle avait aimé autrefois.

Après s'être installés dans leur chambre, Ursule s'assit sur le bord du lit, observant Martin qui s'affairait à déballer ses affaires. Leurs échanges étaient réduits au strict minimum, presque professionnels. Comme si chaque geste, chaque parole, n'était qu'une simple formalité. Ursule se sentait de plus en plus déconnectée, comme si elle était une spectatrice de sa propre vie.

« Je vais me rafraîchir un peu, » dit-elle finalement, se levant pour se diriger vers la salle de bain.

Une fois à l'intérieur, elle ferma la porte et se regarda dans le miroir. Ses traits étaient tendus, marqués par la fatigue émotionnelle qu'elle traînait depuis des mois. « Pourquoi je fais ça ? » murmura-t-elle à son reflet. « Pourquoi est-ce que je m'accroche ? »

Elle avait espéré que le simple fait d'être en Sicile, loin de leur quotidien, suffirait à tout changer. Mais elle réalisait peu à peu que le problème n'était pas l'endroit où ils se trouvaient. Le problème, c'était eux. Ils avaient construit une barrière si épaisse entre eux qu'aucun voyage ne pouvait la franchir.

Lorsqu'elle ressortit de la salle de bain, Martin était déjà allongé sur le lit, son ordinateur portable ouvert sur ses genoux. Ursule sentit une vague de colère monter en elle, mais elle la réprima. Elle ne voulait pas gâcher ce moment, pas encore.

« Je vais aller me promener un peu, » dit-elle, sa voix étrangement calme.

Martin releva à peine la tête. « Tu veux que je vienne avec toi ? »

Ursule secoua la tête. « Non, c'est bon. Je veux juste... prendre l'air. »

Sans attendre de réponse, elle quitta la chambre, ses pas résonnant doucement dans les couloirs silencieux de l'hôtel. Lorsqu'elle se retrouva à l'extérieur, la fraîcheur de l'air nocturne la frappa, mais cela ne l'apaisa pas pour autant. Elle marcha sans but précis à travers les jardins, ses pensées tourbillonnant dans sa tête.

Pourquoi ce voyage lui semblait-il déjà perdu avant même d'avoir commencé ? Pourquoi se sentait-elle si seule, alors que Martin était juste là, à quelques mètres d'elle ? Elle se laissait envahir par ces questions sans réponse, incapable de trouver une issue.

Alors qu'elle atteignait un petit belvédère surplombant la mer, elle s'appuya contre la balustrade en pierre et ferma les yeux. Le bruit des vagues, le parfum salin de la mer, tout était parfait en apparence. Mais à l'intérieur, tout était chaotique. Ursule savait qu'elle ne pouvait plus continuer ainsi. Il lui fallait plus que des promesses vides, plus que cette illusion de vie commune. Elle avait besoin de ressentir à nouveau, d'aimer et d'être aimée en retour.

Un moment passa, peut-être plusieurs minutes, avant qu'elle n'entende des pas derrière elle. Elle se retourna, espérant que ce soit Martin, qu'il l'ait suivie, qu'il ait finalement compris ce dont elle avait besoin. Mais ce n'était qu'un autre touriste, un couple qui passait, heureux et insouciant, riant de quelque chose que Ursule ne comprendrait jamais.

            
            

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