Elle soupira doucement, avant de tirer une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle n'avait jamais pensé que sa vie prendrait une tournure aussi... prévisible. Enfant, Ursule avait rêvé de grandes aventures. Elle s'imaginait parcourant le monde, vivant des expériences palpitantes, découvrant des cultures et des endroits nouveaux. Mais la réalité de sa vie actuelle était bien loin de ce qu'elle avait espéré.
Elle travaillait dans le domaine du tourisme, un emploi qui, en théorie, aurait dû lui apporter un certain épanouissement. Elle aimait organiser des voyages, aider les gens à planifier leurs vacances de rêve, mais avec le temps, la monotonie avait pris le dessus. Chaque jour se ressemblait. Les mêmes courriels, les mêmes clients insatisfaits, les mêmes problèmes logistiques. Elle avait beau aimer ce qu'elle faisait, le manque de passion dans sa vie professionnelle la rongeait de l'intérieur.
Mais ce n'était pas seulement son travail qui lui pesait. Sa relation avec Martin, son petit ami depuis plusieurs années, avait aussi perdu toute saveur. Martin n'était pas un mauvais homme, loin de là. Il était gentil, attentionné même, mais leur relation manquait d'étincelle. Au début, ils étaient passionnés, jeunes et pleins d'espoir pour l'avenir. Mais aujourd'hui, ils semblaient être plus des colocataires que des amoureux.
Martin était un homme pragmatique, méthodique, un peu trop attaché à la routine. Ursule savait qu'il l'aimait à sa manière, mais il ne la faisait plus vibrer comme avant. Leurs conversations étaient devenues superficielles, tournant toujours autour des mêmes sujets : le travail, les courses, les factures. Le silence régnait souvent entre eux le soir, alors qu'ils regardaient la télévision sans vraiment y prêter attention, chacun perdu dans ses pensées.
« Ursule , tu viens ? Le dîner est prêt, » lança Martin depuis la cuisine, sa voix résonnant à travers leur petit appartement.
Ursule sortit de sa rêverie et se força à sourire, même si personne n'était là pour voir. « J'arrive ! » répondit-elle, tout en ajustant rapidement son maquillage. Elle se regarda une dernière fois dans le miroir avant de sortir de la salle de bain.
La table du dîner était dressée avec soin, comme à l'habitude de Martin. Il était un homme organisé, qui aimait que tout soit en ordre. Chaque soir, il préparait un repas simple mais équilibré, toujours selon les mêmes recettes qu'il maîtrisait à la perfection. Ursule appréciait cet effort, mais parfois, elle aurait aimé un peu plus de spontanéité, un peu plus de surprise dans leur quotidien.
« Tu as passé une bonne journée ? » demanda-t-il en la regardant s'asseoir en face de lui.
« Comme d'habitude, » répondit-elle en haussant les épaules. « Rien de bien nouveau. »
Martin acquiesça, prenant une bouchée de son repas sans approfondir la conversation. C'était ça, leur routine. Une question polie, une réponse brève, et le silence. Ursule piqua distraitement dans son assiette, son esprit vagabondant loin de cette cuisine si ordonnée. Elle se demandait souvent comment ils en étaient arrivés là, à cette distance émotionnelle qui semblait grandir de jour en jour entre eux.
Il y avait des moments, bien sûr, où elle tentait de'raviver la flamme. Elle essayait de nouvelles tenues, proposait des sorties ou des week-ends en amoureux, mais Martin semblait toujours trop absorbé par son travail ou ses préoccupations personnelles pour vraiment s'y investir. Il n'était pas méchant, juste... absent.
« Tu sais, on pourrait peut-être partir quelque part ce week-end ? » tenta-t-elle en cassant le silence, espérant secrètement qu'il sauterait sur l'idée. « Juste nous deux, histoire de changer d'air. »
Martin leva les yeux de son assiette, l'air légèrement perplexe. « Ce week-end ? Je ne sais pas si c'est une bonne idée. J'ai pas mal de boulot en ce moment, et puis il y a ce projet qui doit être terminé avant lundi... »
Bien sûr. Il y avait toujours quelque chose. Ursule hocha la tête, sans insister. Elle ne savait pas pourquoi elle s'obstinait encore à proposer des choses, sachant pertinemment quelle serait la réponse. Un sourire forcé se dessina sur ses lèvres alors qu'elle replongeait son regard dans son assiette.
« Oui, je comprends. C'est pas grave, » dit-elle doucement, plus pour elle-même que pour lui.
Elle se sentait piégée dans cette relation qui, au lieu de la combler, l'isolait de plus en plus. Pourtant, elle restait. Peut-être parce qu'elle avait peur de ce que cela signifierait de partir. La peur de l'inconnu, de la solitude, de devoir tout recommencer à zéro. Après tout, Martin était stable, fiable. Il ne la ferait jamais souffrir intentionnellement. Mais à quel prix ?
Les dîners comme celui-ci se répétaient jour après jour, semaine après semaine. Ursule se sentait comme une étrangère dans sa propre vie, regardant son existence défiler devant elle sans pouvoir la rattraper. Elle rêvait de quelque chose de plus, mais elle ne savait pas exactement de quoi. Elle savait juste que ce qu'elle avait ne suffisait plus.
Un soir, alors qu'elle se tenait seule sur le balcon de leur appartement, le regard perdu dans les lumières de la ville, une question ne cessait de tourner dans son esprit : « Est-ce vraiment tout ce qu'il y a ? »
Elle imaginait parfois ce que serait sa vie si elle prenait la décision radicale de tout quitter. Si elle quittait Martin, ce travail qui ne la comblait plus, cet appartement où elle se sentait enfermée. Mais chaque fois que cette pensée surgissait, elle la chassait presque aussitôt, paralysée par la peur du changement.
Pourtant, au fond d'elle, elle savait que quelque chose devait changer. Elle ne pouvait pas continuer ainsi éternellement. Ce manque de passion, de vie, devenait insupportable. Chaque jour, elle se sentait un peu plus éteinte, comme si le monde autour d'elle perdait ses couleurs.
Un soir, alors qu'ils s'apprêtaient à aller se coucher, Ursule tourna son regard vers Martin, qui était déjà allongé, les yeux rivés sur son téléphone. Elle hésita un moment avant de parler, rassemblant son courage.
« Martin, est-ce que tu es heureux ? » demanda-t-elle doucement.
Il releva les yeux, visiblement surpris par sa question. « Heureux ? Bien sûr que je le suis. Pourquoi tu me demandes ça ? »
Ursule haussa les épaules, sentant un nœud se former dans sa gorge. « Je ne sais pas... Je me demande juste... si on est toujours sur la même longueur d'onde. Si... tout ça, c'est suffisant pour toi. »
Martin fronça légèrement les sourcils, l'air confus. « Ursule , qu'est-ce que tu racontes ? On a tout ce qu'il faut. Un appartement, des boulots stables, on est bien tous les deux, non ? »
« Je suppose que oui... » murmura-t-elle, même si au fond, elle savait que ce n'était pas le cas. Elle savait que quelque chose manquait. Mais comment pouvait-elle l'expliquer à quelqu'un qui semblait satisfait de cette vie si ordinaire ?
Elle éteignit la lumière et se glissa sous les draps, son cœur lourd de questions sans réponse. Martin ne comprenait pas, il ne voyait pas à quel point elle se sentait perdue. Peut-être qu'il ne voyait pas parce qu'il ne ressentait pas ce vide. Pour lui, la routine était confortable. Pour elle, elle était étouffante.
Les semaines passèrent, et rien ne changea. Ursule continua à jongler entre son travail frustrant et sa relation tiède. Chaque jour, elle espérait que quelque chose viendrait briser cette monotonie, qu'un événement inattendu viendrait réveiller son cœur engourdi. Mais rien ne se produisait.