Luna arrivait à peine à trouver son rythme au sein de l'hôtel. Chaque jour apportait son lot de défis, et bien qu'elle s'efforce de garder la tête haute, une tension sous-jacente planait sur le personnel. Tout le monde semblait marcher sur des œufs, surtout lorsque le nom d'Aurelius Voss était évoqué. Il n'avait pas besoin d'être présent pour imposer son influence. Son regard perçant hantait encore Luna, et ses paroles la poussaient à remettre en question sa place dans cet univers impitoyable.
Le matin démarra par un léger chaos. Une réservation mal attribuée avait créé une situation tendue entre deux clients influents. L'équipe à l'accueil s'agitait pour résoudre le problème rapidement, mais il était clair que l'incident aurait des répercussions. Le moindre accroc dans le système bien huilé de l'hôtel était perçu comme une défaillance inacceptable.
Luna, affectée à un autre secteur ce jour-là, ne comprit pas immédiatement l'ampleur de la situation. Ce n'est qu'en revenant dans la salle de repos pour une pause qu'elle capta les murmures nerveux de ses collègues.
« Tu crois qu'il va venir ? » demanda une réceptionniste en rassemblant fébrilement des documents.
« Bien sûr qu'il va venir, » répondit une autre. « Tu sais comment il est. Il déteste ce genre d'erreurs. Ça va être un carnage. »
Ces mots suffirent à raviver une angoisse que Luna tentait de maîtriser depuis son arrivée. Elle n'avait rien à voir avec cette erreur, mais elle savait qu'Aurelius ne s'embarrassait pas de nuances. Tout manquement à l'excellence semblait le concerner personnellement.
Un peu plus tard, une réunion d'urgence fut convoquée. Le personnel se rassembla dans une des grandes salles de conférence, l'atmosphère pesante. Luna trouva une place discrète au fond de la pièce, espérant éviter toute attention inutile.
Aurelius entra sans fanfare, mais sa simple présence transforma l'ambiance. Les conversations cessèrent instantanément, les têtes se tournèrent vers lui. Il portait un costume sombre, impeccablement ajusté, et bien que son visage soit impassible, on pouvait presque sentir l'électricité émaner de lui.
« Messieurs, mesdames, » commença-t-il d'une voix calme mais ferme, « je ne tolère pas l'incompétence. »
Son regard balaya la salle, s'attardant quelques secondes de trop sur chaque visage. Lorsqu'il atteignit celui de Luna, elle sentit une chaleur étrange monter en elle, un mélange de crainte et d'une émotion qu'elle ne voulait pas nommer.
« Nous avons bâti cet établissement sur une réputation d'excellence. Chaque erreur, aussi insignifiante qu'elle puisse paraître, érode cette réputation. Je n'ai pas besoin de vous rappeler que les clients qui franchissent nos portes s'attendent au meilleur. Si nous échouons, ils iront ailleurs. »
Personne n'osa répondre. Le silence était assourdissant. Aurelius continua, sa voix devenant plus tranchante.
« Je veux une analyse complète de ce qui s'est passé. Je veux savoir qui est responsable et pourquoi. Et surtout, je veux m'assurer que cela ne se reproduira pas. Est-ce clair ? »
Un murmure d'assentiment parcourut la salle, mais il était évident que sa colère n'avait pas été apaisée. Il se tourna vers le manager, lui adressant un regard qui semblait suffire à le faire rétrécir.
« Organisez une formation supplémentaire pour l'équipe d'accueil. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre notre avantage compétitif. Quant à ceux qui ne peuvent pas suivre le rythme... » Il laissa sa phrase en suspens, mais tout le monde comprit l'implication.
Luna avait du mal à détourner les yeux de lui. Ce n'était pas seulement sa prestance ou son autorité qui la troublaient, mais cette dualité qu'il semblait incarner. Il était à la fois captivant et intimidant, et chaque mot qu'il prononçait résonnait comme une promesse de perfection impitoyable.
Alors qu'il terminait son discours, son regard revint sur elle. Cette fois, il s'attarda un peu plus longtemps, et Luna sentit son cœur s'emballer. Pourquoi la regardait-il ainsi ? Avait-elle fait quelque chose pour attirer son attention ?
Après la réunion, elle tenta de se fondre dans la foule qui quittait la salle, mais une main ferme sur son bras l'arrêta.
« Mademoiselle Winter, » dit Aurelius, sa voix basse mais chargée d'autorité.
Elle se retourna lentement, essayant de masquer son trouble. « Oui, Monsieur Voss ? »
« J'aimerais m'entretenir avec vous. »
Un frisson parcourut son échine. Elle suivit Aurelius jusqu'à un bureau adjacent, où il referma la porte derrière eux.
« Vous êtes ici depuis peu, mais je vois déjà que vous observez beaucoup. »
Luna hésita, ne sachant pas comment interpréter cette remarque. « Je fais de mon mieux pour m'intégrer et comprendre les attentes, Monsieur. »
« Et que pensez-vous de ces attentes jusqu'à présent ? »
La question la prit au dépourvu. Était-ce un test ? Une simple curiosité ? Elle choisit ses mots avec soin. « Elles sont élevées, mais c'est ce qui fait la renommée de cet hôtel. Je comprends pourquoi il est important de maintenir ce niveau d'excellence. »
Un sourire imperceptible effleura ses lèvres. « Intéressant. La plupart des nouveaux employés se plaignent ou cherchent des excuses. Vous, en revanche, semblez prête à relever le défi. »
« Je n'ai pas l'intention d'échouer, » répondit-elle avec une assurance qu'elle ne se savait pas capable de feindre.
Aurelius la fixa un moment, son regard perçant semblant peser chaque mot qu'elle venait de dire. « C'est une qualité rare. Mais faites attention, Mademoiselle Winter. Ce n'est pas seulement votre performance que j'observe. C'est aussi votre loyauté. Dans ce milieu, il est facile de céder aux tentations ou de trahir pour des gains personnels. Je veux être certain que vous êtes ici pour les bonnes raisons. »
Luna sentit une vague de confusion la traverser. Pourquoi insistait-il autant sur sa loyauté ? Que croyait-il vraiment à son sujet ?
« Je suis ici pour travailler honnêtement, » affirma-t-elle, tentant de maîtriser le tremblement dans sa voix.
« Je l'espère. Car si ce n'est pas le cas, vous découvrirez que je n'ai aucune patience pour ceux qui abusent de ma confiance. »
Il se leva, mettant fin à la conversation de manière abrupte. Luna prit cela comme un signal pour partir, mais alors qu'elle atteignait la porte, sa voix la retint.
« Une dernière chose, Mademoiselle Winter. Gardez toujours à l'esprit que dans cet hôtel, rien n'échappe à mon attention. Absolument rien. »
Elle quitta le bureau, le cœur battant à tout rompre. Chaque rencontre avec Aurelius semblait la plonger un peu plus dans un labyrinthe de questions sans réponses. Qui était-il vraiment ? Et pourquoi semblait-il si obsédé par ses intentions ?
Le reste de la journée fut une lutte pour retrouver sa concentration. Chaque tâche qu'elle accomplissait, chaque interaction avec ses collègues, était teintée de la présence persistante d'Aurelius dans son esprit. Sa simple existence dans cet hôtel suffisait à bouleverser son équilibre, et elle ne savait pas combien de temps elle pourrait continuer ainsi sans craquer.