L'opulence était partout, presque suffocante. Chaque recoin de la maison semblait étinceler d'or et de promesses. Les invités, masqués mais jamais anonymes, glissaient à travers la grande salle comme des figures d'un rêve étrange. Élodie se tenait à l'écart, une coupe de champagne à la main, observant cette mise en scène extravagante qui semblait être montée uniquement pour elle. Pourtant, elle savait que rien de tout cela ne lui appartenait vraiment. Les rires, la musique, les conversations feutrées – tout cela masquait autre chose, quelque chose de bien plus sombre.
Victor était au centre de l'attention, comme toujours. Masqué lui aussi, il avait cet air magnétique qui attirait les regards et retenait les soupirs. Personne ne pouvait rivaliser avec lui. Mais pour Élodie, son sourire poli et ses gestes calculés ne faisaient que renforcer son malaise. Depuis leur confrontation, un mur invisible s'était dressé entre eux, un mur qu'elle n'était pas sûre de vouloir ou de pouvoir franchir. Elle savait que ce bal n'était qu'un autre jeu, une distraction pour détourner l'attention des questions qu'elle n'avait pas cessé de se poser.
« Tu n'as pas l'air de t'amuser. » La voix derrière elle était douce mais empreinte d'une ironie légère.
Elle se retourna pour voir Lila, la femme de chambre, qui tenait un plateau rempli de coupes étincelantes. Lila ne portait pas de masque, mais il y avait quelque chose dans son expression qui donnait l'impression qu'elle en portait toujours un. Élodie ne put s'empêcher de remarquer à quel point elle était belle, presque trop belle pour son rôle. Cela la rendait méfiante.
« Les bals ne sont pas vraiment mon truc, » répondit-elle avec un sourire forcé.
Lila inclina légèrement la tête, ses yeux pétillants d'un amusement qu'Élodie trouvait déplacé. « Pourtant, tout ceci est pour toi. Peut-être que tu n'as pas encore trouvé la bonne manière d'en profiter. »
Avant qu'elle ne puisse répondre, Lila s'éloigna, laissant derrière elle un parfum lourd et entêtant. Élodie la suivit des yeux, sentant une tension familière monter en elle. Il y avait quelque chose d'étrangement intime dans la manière dont Lila s'intégrait à cet univers. Elle semblait appartenir à une sphère où les règles étaient différentes, où les apparences n'étaient qu'un voile pour des intentions bien plus complexes.
Le reste de la soirée se déroula dans une sorte de flou. Élodie se déplaçait d'un groupe à l'autre, répondant poliment aux questions, souriant aux compliments. Mais elle ne pouvait se débarrasser de la sensation qu'on l'observait, qu'un regard particulier suivait chacun de ses mouvements. Ce n'est que lorsqu'elle quitta la salle principale pour chercher un moment de solitude qu'elle trouva ce qu'elle ne cherchait pas.
Elle marchait dans un corridor faiblement éclairé lorsqu'un murmure la fit s'arrêter net. Elle se cacha instinctivement derrière une colonne, retenant son souffle. La porte du petit salon, habituellement fermée, était entrouverte, et les ombres de deux silhouettes se découpaient à l'intérieur.
Victor était là, debout, la posture tendue. Face à lui, Lila. Elle riait doucement, un son bas et envoûtant. Élodie sentit une chaleur désagréable monter en elle, une jalousie qu'elle ne voulait pas reconnaître. Mais ce qu'elle vit ensuite la glaça. Lila s'approcha, ses mains effleurant la poitrine de Victor avant de remonter jusqu'à son visage. Il ne recula pas. Au contraire, il se pencha légèrement vers elle, leurs visages si proches qu'Élodie ne put douter de ce qui allait suivre.
Elle détourna les yeux, une vague de colère et de confusion l'envahissant. Elle voulait partir, s'éloigner de cette scène, mais ses jambes refusaient de bouger. Finalement, elle recula lentement, veillant à ne pas faire de bruit. Chaque pas lui semblait interminable, chaque respiration, un effort.
De retour dans sa chambre, elle se laissa tomber sur le lit, les pensées tourbillonnant dans sa tête. Lila. Victor. Leur proximité. Ce qu'elle avait vu ne faisait que confirmer ce qu'elle soupçonnait déjà : Lila n'était pas une simple domestique. Mais alors, qui était-elle vraiment ? Et quel rôle jouait-elle dans les secrets de Victor ?
Ce fut en se relevant pour se changer qu'elle remarqua l'enveloppe sur sa coiffeuse. Elle était posée là, en évidence, mais elle était certaine qu'elle n'y était pas plus tôt. Le papier était épais, d'un blanc immaculé, et son nom y était inscrit d'une écriture qu'elle ne reconnaissait pas.
Avec des mains légèrement tremblantes, elle ouvrit l'enveloppe. À l'intérieur, un seul mot était inscrit, écrit à l'encre noire : *Minuit.*
Aucun autre détail, aucune signature. Juste une heure. Elle retourna la feuille, cherchant un indice, mais il n'y avait rien d'autre. Son esprit commença à échafauder des théories. Était-ce un piège ? Un message de Victor ? De Lila ? Ou peut-être quelqu'un d'autre ?
Elle regarda l'horloge. Il restait moins d'une heure avant minuit. Une partie d'elle voulait ignorer l'invitation, faire comme si elle n'avait jamais trouvé cette lettre. Mais une autre partie, plus forte, lui disait qu'elle ne pouvait pas laisser passer cette opportunité. C'était peut-être sa chance de comprendre ce qui se passait réellement dans cette maison, de découvrir les vérités que tout le monde semblait déterminé à lui cacher.
Elle se prépara, hésitant sur ce qu'elle devait porter, comme si cela avait une importance. Puis, lorsqu'elle fut prête, elle attendit, l'enveloppe toujours à la main, son esprit oscillant entre peur et détermination. Minuit approchait, et avec lui, la promesse de réponses... ou de nouveaux mystères.