Chapitre 4 Chapitre 3 : La brèche

Je frappe encore, et encore. Le sac se balance sous mes coups, mais il ne suffit plus. Rien ne suffit. C'est comme si cette rage en moi ne trouvait jamais de fin. Et maintenant, il est parti, me laissant seul avec ça. Ce qu'il a dit, ce sourire en coin, comme s'il savait tout de moi... Ça me rend fou.

Je donne un coup plus fort, sentant la douleur me traverser les doigts, mais ça ne fait que m'apaiser pour un court instant. Je veux que cette colère disparaisse, je veux m'en débarrasser, mais à chaque fois que je le croise, à chaque fois que j'entends sa voix, elle revient. Plus forte. Plus brûlante.

Léo Dufresne. Ce nom me hante comme un poison dans mes veines. Il est partout. À chaque fois que je lève les yeux dans cette foutue salle, je m'attends à le voir. Quand je sors du vestiaire, j'ai l'impression qu'il est juste derrière moi, prêt à m'observer, à me juger. Ce n'est pas seulement un combat pour moi. Je dois le battre, je dois le détruire sur le ring. C'est la seule manière de prouver que je vaux mieux que lui. Que je peux me débarrasser de cette obsession qui me ronge de l'intérieur.

Je me laisse tomber sur le banc, essoufflé, les poings endoloris. Tout ça est ridicule. Je suis ridicule. Ce mec ne devrait pas avoir autant d'importance. Mais je n'arrive pas à l'oublier.

Je n'arrive pas à me débarrasser de cette sensation qui me colle à la peau, comme une sueur froide. Et le pire, c'est qu'il a raison. Je ne me bats pas seulement contre lui. C'est contre moi-même que je lutte. Contre ce que je ressens quand je suis près de lui. Et ça, je ne peux pas l'accepter.

Je serre les dents, mes poings tremblent encore. Je veux l'affronter. Pas sur le ring. Ici. Maintenant. Le bousculer jusqu'à ce qu'il comprenne que ce n'est pas un jeu pour moi. Que je le déteste. Mais plus j'essaye de me convaincre de cette haine, plus quelque chose en moi s'effrite.

Il a dit mon prénom. Comme si c'était normal. Comme s'il avait le droit de m'appeler comme ça. Personne ne le fait, personne n'ose, parce que je ne laisse personne entrer dans cette partie de moi. C'est une armure, une façade. Mais lui... Lui, il agit comme s'il voyait au travers, comme si rien de tout ça ne l'intimidait. Et ça me met hors de moi.

Je passe une main dans mes cheveux, frustré. Il n'y a rien à faire, je suis piégé. Prisonnier de cette rage et de cette... autre chose. Je ne veux pas la nommer, je ne veux même pas y penser. Je dois me concentrer sur le combat, sur la victoire. C'est ça qui compte. Je dois rester en contrôle. Contrôler mon corps, contrôler mes pensées.

Je me lève et me dirige vers les vestiaires, mes pas résonnant lourdement sur le sol de la salle d'entraînement. Il fait sombre ici. Il y a une odeur de sueur, de cuir, cette odeur familière qui me calme d'habitude. Mais aujourd'hui, ça ne marche pas. Pas après ce qu'il a dit. Pas après ce qu'il a fait.

Je me débarrasse de mes bandages et ouvre l'eau froide dans la douche. J'en ai besoin. De ce choc glacial qui pourrait, peut-être, éteindre ce feu qui brûle sous ma peau. L'eau frappe mes épaules, mes muscles tendus, mais tout ce que je ressens, c'est cette foutue frustration. Il m'a poussé à bout, et je suis tombé dans son jeu. Il sait que je lutte. Il sait que je n'arrive pas à me débarrasser de lui. Et ça le fait sourire.

Je me laisse tomber contre le mur de la douche, l'eau ruisselant sur mon corps. Pourquoi je me sens comme ça ? Pourquoi à chaque fois que je pense à lui, cette chaleur revient, envahissant tout, brouillant tout ? Je me dis que c'est de la haine. Que c'est parce qu'il me provoque. Mais plus je lutte, plus je sens que ce n'est pas aussi simple.

Je ferme les yeux, laissant l'eau glacée couler sur mon visage. Peut-être que je devrais m'éloigner. Éviter Léo, ignorer ses regards, ses sourires. Mais même en essayant, je sais que c'est impossible. Il est partout. Il envahit mes pensées, il hante mes rêves. Chaque fois que je l'imagine sur le ring, je me vois le frapper, mais en même temps, il y a autre chose. Une force qui m'attire, que je repousse encore et encore, mais qui finit toujours par revenir, plus forte, plus pressante.

Je déteste ça. Je déteste cette faiblesse en moi. Cette attirance que je refuse de nommer. Je ne veux pas être ça. Je ne veux pas ressentir ça. Mais plus je m'y oppose, plus elle grandit. Et je ne sais pas combien de temps je vais encore pouvoir tenir avant de craquer.

L'eau continue de couler, froide, mais je ne ressens plus rien. Juste cette chaleur, enfouie profondément sous ma peau. Et ce nom, encore, qui résonne dans ma tête.

*Léo.*

            
            

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