Le bruit des spectateurs m'entoure, étouffant. Les lumières des projecteurs s'accrochent à ma peau, me rappelant que je suis ici, sur ce ring, avec des milliers de paires d'yeux rivées sur moi. Mais tout ce que je vois, tout ce que je ressens, c'est lui. Léo Dufresne, mon adversaire. Mon putain de cauchemar.
Il est là, de l'autre côté du ring, à quelques mètres seulement. Ses poings sont bandés, prêts à frapper, son regard est fixe, froid, calculateur. Je l'observe en silence, je serre les poings, le cœur battant à un rythme que je ne parviens plus à contrôler. Je le hais. Mais peut-être que ce n'est pas de la haine. Je ne sais plus. Ça ressemble à de la rage, mais il y a autre chose derrière, une chose que je me refuse de nommer.
Léo me sourit. Ce foutu sourire qui me donne envie de lui exploser la mâchoire. C'est comme s'il savait, comme s'il lisait en moi des choses que je m'efforce de garder enfouies. À chaque fois que je le croise, c'est la même chose. Ce sourire qui me fait perdre tous mes repères. Il pense me connaître, il pense qu'il peut m'atteindre.
Je sens la sueur perler sur ma nuque, mes muscles sont tendus à l'extrême, prêts à bondir. Chaque fibre de mon corps est en alerte, mon esprit divisé entre l'envie de le détruire et celle, plus profonde, plus obscure, de me laisser attirer par lui. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Je ne devrais pas être là, dans cet état. Je suis là pour gagner, pour le mettre à terre, pas pour me perdre dans des fantasmes que je ne contrôle plus.
Je détourne les yeux une seconde, essaie de me reconcentrer. La foule est en ébullition, mais elle n'a plus d'importance. Ce combat n'a jamais été une simple compétition. Depuis le début, depuis cette foutue première rencontre dans cette salle d'entraînement, je savais qu'il y avait quelque chose de plus. Une tension qui monte à chaque fois que je le vois. Une tension que je refuse d'accepter.
Les arbitres parlent, les cris résonnent autour de moi, mais je n'entends rien. Je n'entends que ma respiration, forte, rapide, incontrôlée. Mes yeux reviennent à lui, encore une fois. Je le vois qui se prépare, ses muscles glissant sous sa peau tatouée, ses poings se serrant. Tout est en place. On va s'affronter, là, maintenant.
J'inspire profondément. Tout est prêt pour le combat. Le combat qui décidera de tout. Pas seulement de ce titre, mais de ce que je ressens. Ce soir, je dois le battre, non seulement sur le ring, mais aussi dans ma tête. C'est la seule façon de reprendre le contrôle. La seule façon de me débarrasser de cette obsession malsaine.
Je le battrai. Je le battrai et après ça, je n'aurai plus à penser à lui.
Jamais.