Chapitre 3 Chapitre 2 : Le jeu dangereux

Je le regarde s'éloigner du sac de frappe, son corps tendu, prêt à exploser. Chaque muscle de son corps est une promesse de violence, de puissance. Et pourtant, je ne vois pas qu'un boxeur en lui. Il y a quelque chose d'autre, quelque chose qui se débat sous la surface, comme un animal pris au piège.

Élias Gauthier. Il me fascine. Dès le premier jour, je l'ai senti. Cette colère qui le consume, cette énergie brute qu'il essaie de contrôler. Ça saute aux yeux, à chaque fois qu'il me voit, il lutte. Et pas seulement contre moi, mais contre lui-même. Contre ce qu'il ressent.

Je devrais probablement l'ignorer. C'est ce que je fais avec tous mes adversaires. Je garde mes distances, je les analyse, je les bats. Mais avec lui... c'est différent. Il y a cette tension entre nous, une tension qui ne disparaît jamais. Même quand on ne se parle pas, même quand il me lance ses regards noirs remplis de haine, il y a autre chose derrière. Une étincelle qui ne demande qu'à être allumée.

Je devrais être en train de me préparer pour notre combat. Mais à chaque fois que je le vois, à chaque fois que je croise son regard, je me surprends à vouloir le provoquer, à le pousser à bout. Pas pour le déstabiliser sur le ring. Non. C'est autre chose. J'ai envie de voir jusqu'où il peut résister. Jusqu'à quel point il peut contenir ce qu'il ressent avant que tout n'explose.

Je croise les bras et je l'observe, immobile, alors qu'il s'approche de moi, prêt à me mordre, à me dévorer tout entier. Je devrais probablement réagir différemment. Peut-être même que je devrais être inquiet. Mais je ne le suis pas. Je sais qu'il ne me fera rien. Pas maintenant, en tout cas.

Il me crache des mots venimeux, me défie comme s'il essayait de me convaincre qu'il me déteste. Mais je connais ce regard. Ce n'est pas de la haine. C'est une lutte. Une lutte intérieure contre lui-même, contre ce qu'il ne veut pas accepter.

Je pourrais le pousser encore plus loin, je pourrais provoquer la tempête qui gronde à l'intérieur de lui. Mais ce n'est pas ce que je veux. Pas encore. Je préfère attendre. Je veux qu'il soit celui qui cède, celui qui se laisse aller à ce qu'il ressent. Parce qu'une fois qu'il le fera, ce sera puissant. Brutal. Incontrôlable.

- T'en fais pas pour moi, Dufresne, me dit-il, les dents serrées. Je vais être en pleine forme. Et quand je serai sur le ring avec toi, tu vas regretter de m'avoir sous-estimé.

Je ne peux m'empêcher de sourire. Son corps parle plus que ses mots. Il est proche, trop proche, et pourtant il ne me touche pas encore. Je le laisse approcher, je sens la chaleur qui émane de lui. Il se retient, mais je peux voir à quel point il lutte. Ça me fascine.

- Sous-estimé ? je réponds doucement, amusé. Gauthier, si je te sous-estimais, je ne serais pas ici, maintenant, à te regarder te battre contre tes propres démons.

Je vois ses yeux se plisser, ses mâchoires se contracter. Il est furieux, mais ce n'est pas seulement mes mots qui le rendent fou. C'est cette tension entre nous, cette force qui le pousse vers moi malgré lui.

Puis, sans prévenir, il me repousse, ses mains s'écrasant contre mon torse. Le choc n'est pas violent, mais c'est assez pour me faire comprendre à quel point il est à bout. À quel point il n'arrive plus à contenir cette énergie, cette frustration. Je devrais être en colère, ou au moins réagir, mais au lieu de ça, je reste immobile. Je veux qu'il aille plus loin. Je veux qu'il comprenne qu'il n'a pas à me fuir.

- Ferme-la, grogne-t-il. Je ne me bats pas contre des démons. C'est toi que je vais détruire, Dufresne. Toi.

Je reste silencieux un moment, le temps de savourer ses mots. Cette fois, je souris pour de vrai. Pas un sourire moqueur, mais un sourire de défi. Je le regarde droit dans les yeux, et je vois à quel point il se débat encore. Il est si proche de craquer, mais il ne s'en rend même pas compte.

- Si c'est ce que tu veux croire, Élias. Mais on sait tous les deux que ce n'est pas moi que tu essaies de battre. Pas vraiment.

Je vois sa surprise, ce léger mouvement de recul. C'est la première fois que je prononce son prénom, et je sais que ça le perturbe. Il se crispe, ses yeux vacillent un instant, mais il se ressaisit rapidement. Il fait un pas en arrière, et je sais que je l'ai touché, pas physiquement, mais quelque part là où il refuse de se laisser atteindre.

Il ne sait pas encore ce qu'il ressent. Il n'accepte pas ce qui se passe entre nous, mais je sais qu'il finira par comprendre. Pas aujourd'hui. Pas maintenant. Mais bientôt.

Je me détourne, prêt à quitter la salle. Il a besoin de temps. De toute façon, je préfère attendre le bon moment. Il viendra à moi. Quand il sera prêt à affronter ce qu'il refuse d'admettre.

- On se voit bientôt, Gauthier. Sur le ring. Prépare-toi.

Je me retourne une dernière fois avant de partir. Je le vois frapper le sac à nouveau, plus fort, comme si ça pouvait l'aider à évacuer cette frustration. Mais je sais que ce n'est qu'une question de temps. Ce n'est pas sur le ring qu'il devra vraiment se battre. Et ce jour-là, ce ne sera pas moi qui tomberai le premier.

            
            

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