Pourtant, le magazine Forbes m'a catalogué comme l'homme le plus séduisant du monde des finances dans toute la Floride et aussi l'homme d'affaires de l'année parce que mon entreprise a fait son premier milliard de dollars à la clôture de l'année financière en janvier dernier et cela, seulement trois ans après sa fondation!
Donc en principe, je ne sais pas... mais cette femme devrait me trouver séduisant au lieu de marcher tout le temps sur des œufs avec moi, comme si j'étais le grand méchant loup!
Après son départ, je délaisse l'écran de mon ordinateur et je prends le document sur le dessus de la pile. Je réalise alors que cette femme l'a mis sur la mauvaise pile!
J'appuie sur le bouton de l'interphone et je lui ordonne de revenir tout de suite. La petite brunette se tient alors nerveusement devant moi:
- Antoinette, ce document concerne la fusion de «D-Pen X» et dans quelle pile vont les documents fusion-acquisition???
Mon assistante cherche dans son esprit, mais n'ose me donner de réponse par crainte de se faire rabrouer encore plus si elle donnait la mauvaise.
Je soupire d'irritation face à ce comportement, qui m'agace profondément! Je lui désigne la pile de droite, avec les dossiers ROUGES ce qui devrait aussi être la couleur de ce dossier également, ceci dit en passant!
Ce n'est pourtant pas compliqué de mettre le bon dossier dans la bonne pile, ce qui me permet ensuite d'être plus efficace et de prioriser les bons dossiers!!!
Ma nouvelle assistante se confond en excuses et me promet que ça n'arrivera plus. Comme il ne me sert à rien d'insister parce que cette femme est bien trop intimidée par ma présence dominante pour écouter quoi que ce soit qui sorte de ma bouche... je lui donne son congé et je lui demande de faire entrer mon prochain rendez-vous!
Un type de taille moyenne aux cheveux bruns et yeux noisette entre dans mon bureau peu de temps après et sans frapper bien sûr.
Les mains dans les poches et portant un simple jean et un tee-shirt avec un blazer à la dernière mode en guise de veste, Kellogg vient vers moi nonchalamment, son petit chien Pixel (un pog) sur ses talons.
Génial! Son chien va encore mettre des poils partout!
- Je t'ai déjà dit que je ne voulais pas que tu viennes ici avec ce chien!
Kellogg ignore complètement mon reproche et il va s'appuyer sur le coin de mon bureau de ses mains certainement pleines de germes. Il le fait exprès bien sûr... Kellogg ne respecte jamais, mais alors là jamais, mes limites!
- Hey! Darren et Wyatt veulent savoir si tu peux te charger de la bière pour le surprise de Justin demain soir... parce que tu es le seul qui aime la bière de microbrasserie tout comme lui alors on s'est tous dit que tu pourrais t'en charger!
Je fais pivoter ma chaise en sa direction tout en lui répondant:
- Ouais! Sans problème. Retire tes mains de mon bureau... et dis à ton chien de descendre de mon divan!
Kellogg retire ses mains du dessus de mon impeccable bureau et il essuie l'endroit où il s'était appuyé du bout de son coude avec sa veste tout en ordonnant à son chien de venir vers lui.
Le gentil toutou saute rapidement au bas du divan et va vers son maître, branlant la queue. Kellogg le prend dans ses bras avant de se laisser choir dans une des chaises rembourrées hors de prix qui se trouve face à mon bureau et réservé à mes riches clients. J'essaie de ne pas péter un câble quand son chien menace de mettre plein de bave sur un des accoudoirs.
Je me concentre plutôt sur l'objet de sa visite:
- Où en es-tu avec le nouvel algorithme prédictif de l'appli mobile que je t'ai commandé pour mes traders en janvier dernier?
Kellogg me répond dans son langage d'informaticien que je tente de décrypter qu'il a encore quelques problèmes de développement et qu'il voudrait que ça soit plus intuitif, mais qu'une fois que ce problème ainsi que quelques autres bogues seront réglés, mes traders devraient bander littéralement sur le produit final!
- La vie sexuelle de mes employés ne me regarde pas. Tout ce que je veux, c'est augmenter la productivité...
Kellogg lève les yeux au ciel.
- C'était juste une manière de parler...
- Oui eh bien, nous sommes sur mon lieu de travail ici, alors je te prierais de surveiller ton langage!
- Justement bro! Moi j'crois que tu aurais besoin de travailler un peu moins et d'apprendre à te détendre un peu plus!
Je lui réponds que si lui et ses développeurs respectaient plus souvent la date butoir que je leur fixe dans nos contrats, peut-être que je travaillerais moi aussi un peu moins et que j'aurais plus de temps pour m'amuser tout comme lui!
Kellogg grimace fortement et me refait sa tirade habituelle, comme quoi c'est toujours comme ça avec moi et les autres! (les autres étant nos supers copains Justin, Darren, et Wyatt...) Nous lui demandons toujours de faire sa magie à titre de programmeur, et d'ingénieur... mais dans des délais qui ne sont pas du tout raisonnables... et qu'ensuite, nous lui mettons la pression! Mais lui, il est un être humain! Pas une machine!
Je n'entre pas dans son jeu et je suis très ferme avec lui parce que Kellogg a toujours besoin qu'on mette des limites à sa personnalité loufoque. C'est un génie, voyez-vous et les génies sont parfois très excentriques!
- Juste pour qu'on soit clair... dis-je alors avec fermenté, je me dois de te rappeler que j'ai mis une pénalité dans le contrat si jamais par malheur, il y avait ENCORE des délais, comme la dernière fois... Donc...
Kellogg a un rictus qui me montre bien qu'il a compris. Comme il n'aime pas ce sujet, il en change pour revenir au surprise party en l'honneur de Justin:
- Tu ne trouves pas ça étrange toi, que lui et sa ''chick'', ils arrivent par bateau... Je sais pas, mais moi, je trouve que c'est un peu... enfin...
Je lève un sourcil interrogateur. Un peu quoi?
- ... suspect! finit par énoncer Kellogg.
Je hausse les épaules:
- Il n'y a rien comme le grand large pour se refaire une santé... et puis, tu sais comme Justin est passionné de navigation. C'est ce voilier en plus qui a battu le dernier record de la traversée de l'Atlantique et il n'était même pas là pour le voir! Alors à sa place, moi aussi, aussitôt que j'en aurais pris la chance, je serais monté dans le premier avion pour l'Amérique du Sud pour aller voir cette beauté d'un peu plus près et la chevaucher!
- Ne me dis pas qu'tu compares de voilier à une de tes motos!
Le regard que je lui jette est suffisamment éloquent pour qu'il comprenne.
- Pitié! Dis-moi que tu ne l'as pas encore sortie pour partir en vadrouille toute la nuit comme tu l'as fait l'autre jour!
Je lui réponds que ce que je fais de mon temps libre ne le regarde pas. Kellogg me serine alors les oreilles, me faisant son sempiternel discours:
- Bro! Je sens de mon devoir de te rappeler que le risque de mortalité est plus élevé pour les motocyclistes sur la route! Surtout ceux qui se baladent la nuit, dans notre bel État de la Floride, où les averses sont fréquentes, ce qui mouille la chaussée et la rend plus propice aux accidents MORTELS.
Kellogg a une peur panique des accidents routiers depuis la mort de son grand-père dans un accident de la route... Je lui réponds sans grande émotion que vaut mieux mourir en faisant ce qui me passionne que sur un lit d'hôpital, d'une bactérie résistante aux médocs parce que je me serais enfoui le nez une nouvelle fois dans le pelage de ce maudit sac à puces comme il le fait si souvent avec son clébard...
Kellogg ouvre la bouche pour répliquer, mais mon assistante personnelle frappe à la porte discrètement, interrompant ce débat ridicule.
Après que je lui aie permis, elle entre, une tasse de café à la main et pile-poil à l'heure! Enfin! Cela fait trois bons jours que j'essaie de lui faire comprendre qu'elle doit me servir un café à intervalle de trois heures très précisément tous les jours! Ce qui est le moment où le café cesse toujours de faire effet sur moi à cause de ma forte constitution... Et comme je souffre d'insomnie depuis un certain temps, ce café bien fort et bien tassé m'est vital pour performer!
Kellogg la regarde avec amusement s'approcher craintivement de moi, tout en flattant son chien. Quand elle dépose la tasse sur la droite de mon portable, dans le bon angle... sa petite main tremble un peu et je commence à avoir des doutes.
En effet, je commence à réaliser que cette assistante a en général la tremblote quand elle a fait une erreur...
Je n'ai pas si tôt porté la tasse à mes lèvres que je réalise quelle erreur cette petite idiote a encore commise, recrachant le café dans la tasse!
Je dépose alors la tasse avec humeur:
- D'où il vient ce café?
Elle bafouille devant moi:
- Pardon monsieur?
- Certainement pas de ma réserve personnelle, avec les grains fraîchement moulus, dans le bodum, et filtré trois fois pour en retirer toute impureté!
Non! Ça, c'est du café de percolateur!
Celui de la salle du personnel sans doute...
Et pour moi, c'est la goutte qui fait déborder le vase!
Fuck... Je vais devoir me brosser les dents à cause de cette idiote!
Mais je me retiens de le faire devant Kellogg, parce que ce p'tit merdeux serait fichu de se moquer de moi et de ma phobie des germes comme il le fait si souvent.
Et justement, il prend déjà la défense de mon assistante:
- Bon, bon, bon! Môsieur préfère les grains en provenance du mont Java en Colombie? Ou alors c'est que sa Majesté refuse de boire le café de la salle du petit personnel?
Je le dévisage avec humeur:
- Quelle que soit ma raison, ça n'a pas d'importance. Si je voulais un café percolateur, je l'aurais demandé. ( Je me tourne en direction de la petite assistante) J'avais donné des instructions très précises, Antoinette, et vous ne les avez pas respectées. Je vous avais dit qu'après une semaine, si vous ne faisiez pas l'affaire, vous seriez virée...et aujourd'hui, vous ne commettez que des erreurs depuis le début de la matinée! Alors vous pouvez partir! Je n'ai plus besoin de vos services!
Avant qu'elle pleurniche et me dise que je dois lui donner deux semaines d'avis... je me presse d'ajouter que bien sûr elle aura ses deux semaines payées! La petite brunette quitte alors mon bureau en larmes et visiblement très émue.
Kellogg flatte son chien tout en me regardant avec éloquence. Il désapprouve visiblement ma manière de gérer le petit personnel...
- Puis-je te faire remarquer que c'est la septième assistante que tu renvoie depuis novembre dernier ?
Je me tourne de nouveau vers mon portable dont je relève l'écran pour me remettre au travail:
- Ta remarque est dûment notée.
Face à mon comportement, Kellogg s'impatiente:
- Fuck man! Personne ne fera jamais l'affaire parce que tu es trop exigeant avec tes assistants! Tu es malade Michael! Tu sais que ça se soigne, tes TOC! Je suis persuadé que si tu demandais à Lockwood, il te recommanderait l'un de ses excellents confrères de travail...
Il l'a fait!
J'y crois pas!
Il a vraiment fait allusion à un psychiatre devant moi!!!
Je lève les yeux sur lui et si un regard pouvait tuer, il serait déjà mort!
Intimidé par mon regard très dominant, Kellogg rentre dans son siège, lui qui a une nature très soumise.
- Oui bon... bafouille-t-il. Moi je disais ça pour toi... mais si tu es heureux avec tes TOCS... C'est ta vie, man! Tu fais ce que tu veux... et puis quand tu auras fait le tour de toutes les candidates possibles à cette agence de placement... il y en a pleins d'autres... tiens je connais une agence de placement de travailleurs étrangers... les immigrants, ils sont toujours plus motivés que les autres! Si tu veux, je peux t'envoyer ses coordonnées!
Je le dévisage alors avec éloquence:
- Pour qu'on dise encore dans les médias que j'ai une sorte de fétiche pour les femmes racisées? Non merci, très peu pour moi!
Kellogg me dévisage avec étonnement.
- Me dis pas que tu as choisi cette assistante parce qu'elle était blanche!? Parce que, bro, laisse-moi te dire qu'à ta place je préférerais nettement qu'on dise de moi que j'ai un fétiche bizarre pour les femmes noires que de me faire traiter de blanc ultra raciste!
Ouais... bon... il marque un point, je dois l'admettre...
Mais bon sang! Je suis piégé que je fasse n'importe quoi.
La tournure de cette conversation m'agace de plus en plus.
Et puis, j'ai ce goût amer dans la bouche...
J'ai l'impression d'avoir la bouche pleine de bactéries depuis que j'ai bu dans cette tasse un café dont la provenance était douteuse... et je me sens de plus en plus inconfortable.
Je regarde du coin de l'œil la salle de bain attenante à mon bureau quand je demande en maugréant à Kellogg s'il n'a rien de mieux à faire que de venir me parasiter. Parce que moi, j'ai du travail n'est-ce pas!
Et je n'ai pas tout comme lui toute une équipe de programmeurs pour le faire à ma place, mon travail!!!
Kellogg dépose son chien sur le beau tapis de mon bureau tout en se plaignant pour la forme de mon manque d'hospitalité.
- Si tu venais me voir chez moi, je te réservais un traitement royal. Mais tu viens toujours sur le lieu de mon travail...
Et je me fais un point d'honneur à séparer le boulot de la vie personnelle.
- Tu sais, tu devrais être moins rigide, Michael! Les règles parfois, c'est fait pour être transgressé!
Je le dévisage avec éloquence et Kellogg se frappe alors le front de manière démonstratif.
Mais qu'est-ce qu'il dit là!
Demander à un ancien flic de la brigade des stups d'enfreindre les règles!
Ah! Mais je suis une cause perdue! décrète mon bon ami avant de se diriger vers la sortie nonchalamment.
- N'oublie pas la bière de microbrasserie pour le surprise! me hurle-t-il une dernière fois avant d'en franchir le seuil et son petit chien jappe comme pour appuyer ses dires.
Aussitôt que la porte se referme, je me précipite dans la salle de bain pour jeter le contenu de cette tasse de café dans la toilette. Je la jette ensuite dans une poubelle elle aussi... et je me brosse les dents frénétiquement.
Quand je reviens dans mon bureau, j'ordonne aussi à une de nos secrétaires de faire venir le service d'entretien ce soir après mon départ pour désinfecter mon bureau.
Ce chien a sûrement mis de la bave et des germes partout! Sans oublier ces foutus poils dont il a couvert le divan de mon petit coin détente qui fait tout sauf me détendre maintenant!