Je feuilletais les pages d'annonces dans les journaux, je ne sais plus qui utilise encore cette technique, mais je sais que sans portable, je n'irai pas loin alors autant utiliser la méthode de l'homme de Néandertal. J'avais vraiment l'impression qu'il n'y avait aucune offre à mon niveau. Serveuse chez Mac Do, Burger King, à des supermarchés ou chez Amazon, des boulots chargés où pour la plupart c'est la course à la montre et moi, je n'en ai pas souvent notion.
Je rejetais le journal sur un coin de la table et m'en allais sans prendre la peine de finir mon sorbet. Cette ville est l'une de celles qui me donne des envies suicidaires. Comment ne pas avoir envie de mourir en Angleterre hein ? La reine fait penser à la mort, le ciel ne fait que faire tomber la pluie, est presque tout le temps gris, les habitants insouciants vaquant à des activités si banales. Personne n'a le temps pour personne, j'ai l'impression. Je farfouillais dans mes poches à la recherche d'un peu de monnaie pour payer mon casse-croute. Je tends l'argent à la serveuse très peu souriante, sachant que je ne lui donnerai pas de pourboire cette fois encore.
Je sors avec un petit peu de retard sur mon trajet pour l'université. Je n'aime pas la ponctualité de toute façon, plus on t'attend plus tu es important. À la différence que moi personne ne m'attend si ce n'est Tyler. Cette fois-ci coup de chance, le bus était là, mais la menace de pluie aussi.
Le vent soufflait à en arracher des cheveux, la poussière m'aveuglait. Il réussit à m'arracher les feuilles de papier de mon exposé d'histoire. Qu'est-ce que je disais ? Ce pays est atroce. Je courais à en perdre l'haleine, il fallait que je rattrape ses feuilles sinon ce sont trois jours de travail jusqu'à trois heures pour rien, dix-neuf pages,ce n'est pas rien quand même. En plus je me suis tapée le travail de groupe toute seule comme d'habitude. J'en ai rattrapé à peine douze, les sept autres portées disparues. Impuissante devant ce drame de plus, je devais retourner dans le cyber où j'ai sorti mon devoir. Ce qui me ramenait à -encore- être en retard.
Je continuais donc de chercher tant bien que mal. Avec le vent.
- Mademoiselle... est-ce cela que vous cherchez ?
Je me retournais, les yeux emplis d'espoir vers mon interlocuteur. Mon visage s'illumina en le voyant tenir mon exposé.
- Oh... vous êtes mon ange gardien à tous les coups.
Je prenais les papiers et les pliais pour les placer dans un livre. Chose que j'aurai dû faire à l'initial. Mon visage radieux se releva vers mon ange gardien.
- VOUS !?
Mon sourire se décomposa devant la mine de l'homme en face de moi. Mon sentiment d'humiliation refit surface. J'avalais très mal la pilule du rabaissement. Je baissais les yeux et contournais l'homme.
- Attendez, mademoiselle !
Je marchais à pas d'éléphant pour prendre mon bus. Toutes les places demeuraient occupées. Je ne pouvais pas rester débout, mon sac pesait trop, mais j'y étais obligée. Je ne voulais pas lui faire face.
- J'ai vraiment l'impression que vous me portez malchance vous. Chaque fois que vous êtes quelque part,quelque chose se passe mal pour moi. Boudinais-je plus pour moi-même.
- Mais je tenais à...
Exaspérée, je mettais ma main devant moi en lui coupant la parole. Il la fixa un moment puis abattit son regard sur moi.
- Je ne veux pas vous entendre, vous m'avez assez humiliée hier, j'ai eu ma dose pour un an au moins.
- Vous allez m'écouter ?
- Non, allez-vous en, sinon j'appelle la police pour harcèlement de rue.
Mon regard restait ferme à sa rencontre. Ses sourcils froncés exprimaient toute son incompréhension. Sa mâchoire était crispée, son regard caché derrière un bleu intense. Je me sentais défaillir par la puissance qui émanait de cet homme, mais il me fallait me reprendre, ce n'était que des yeux voyons.
- Bien. Conclus-je.
Je montais dans le bus au moment même où il démarrait. La mine froissée, blessée dans mon égo, je penchais la tête vers le côté alors que le regard de cet odieux trônait sur ma personne, je le regardais une dernière fois et pu lire une sorte de déception. Mais les regrets ne servent à rien quand les actes ont déjà été posés.
***
La journée à l'université aujourd'hui a été plus rapide que prévu, pour une fois. D'habitude, elles sont interminables, bon en même temps, il est dix-sept heures donc on ne peut pas dire que ça fait hyper court aussi, mais que puis-je dire... les bonnes choses ne durent pas. Je dois rentrer chez moi maintenant. Je riais de moi-même en rentrant. Il faut dire que quand l'école devient un paradis, on doit sacrément être dans le désespoir. Je ne savais pas pourquoi, mais Tyler a répondu non présent aujourd'hui, va savoir ce qui ne va pas. Tyler, rater un jour d'école n'est pas rare, mais porte toujours une bonne raison.
J'enfouissais mes mains dans mes poches et me mettais un classique signé Michael Jackson. J'aimais beaucoup trop ce chanteur. Alors qu'Alone retentissait dans mes oreilles, un klaxon transperça la douce mélodie de mon morceau. Je regardais qui pouvait faire un tel boucan près de moi pour tomber sur monsieur malpoli.
- Vous me suivez ?
- Oui. Dit-il comme si de rien n'était, Mais je suis vraiment désolé mademoiselle, accordez-moi une minute
- Je n'y crois pas... Vous êtes fou ? On ne suit pas les gens comme ça dans la rue.
- Écoutez juste une... une seule minute, je ne vous demande rien de plus.
- Vous avez vraiment fait tout ce trajet pour une minute ?
- Oui, une minute avec vous. Je réfléchissais une seconde. Une minute. Il a fait plus d'une heure de trajet pour une minute. Ce serait extrêmement malpoli de refuser.
- Je vous en prie...
- Bon, j'accepte, mais juste une minute.
- Pourrions-nous aller prendre un café ?
- Pourquoi pas,ce n'est pas comme si j'avais mieux à faire, Godinais-je tout bas en me dirigeant vers le véhicule.
Il sourit, l'air content de lui, un sourire sobre et élégant. Il descendit de son véhicule et m'ouvrit la portière.
- Venez donc, montez.
Je me sentais tels ces enfants de huit ans qu'un vieux monsieur proposait des bonbons. Mais bon, peut-être un kidnapping serait mieux... Je montais avec l'âme tyrannisée. Je détestais réellement rentrer chez moi, ça restait la seule raison pour laquelle, je suis aujourd'hui dans cette voiture.
Quelques minutes plus tard, nous étions assis dans un café très simple, un que je ne connaissais pas d'ailleurs... étrange, il n'est pas si loin que ça de l'université Une tasse de café fumante devant moi, ce n'était pas de refus après une si longue journée qui était des plus froides. J'osais pour la première fois trempé mes lèvres dans cette amertume quand il se décida de parler.
- Bon... Je me suis comporté en incorrect avec vous.
- Tel un ogre pour plus de précision
Il baissa la tête avant de la relever d'un geste assuré.
- Je le sais et je m'en excuse. Cela ne fait pas partie de moi et je me devais de m'excuser. Je venais de vivre un calvaire au boulot.
- Et donc vous vous êtes dit :"tiens... voilà le bouc émissaire de ma journée"
- Je vous jure que cela ne se reproduira plus à l'avenir.
- Il n'y a aucune raison pour que cela se reproduise, nous ne nous reverrons sûrement pas.
Il ne prononça aucun mot, mais je voyais bien que quelque chose se tramait derrière sa tête. Je soupirais, comprenant qu'il avait d'autres motivations que son cinosh des excuses.
- Dites-moi, pourquoi tout ce chemin ?
Il sourit. Pour la première fois depuis que l'on était dans ce café,pour la deuxième fois en moins de deux minutes, son regard rencontra le mien. Un bleu, intense et magnifique, un bleu digne de l'océan. Ses yeux portent ma couleur favorite, dîtes-moi que c'est un signe.
- Je crois que mes excuses ne vous ont pas convaincu
- Oh si... Je vous excuse, mais je me demande ce qui vous a réellement emmené ici, et la version réelle de préférence.
- Je vais être sincère avec vous...
Il s'approcha un peu plus et s'accouda à la table.
- J'ai envie de vous connaître. Je restais un peu sur les fesses. Pourquoi il voudrait connaitre la jean pull que je suis ?
- Nul besoin. Laissons le temps au vent et il nous donnera les réponses.
Il se leva alors qu'un "hein" se passait dans ma tête. Je ne comprenais rien à sa réflexion. Enfin si je comprenais, mais je ne me permettais pas de le relier à moi.
- Vous n'avez eu aucun problème ce jour-là, j'espère
- Non rien, si n'est que mes appareils sont morts. - Sérieusement ?
- Ce n'est rien de grave. Dès que j'aurai trouvé un travail, je m'en rachèterai.
Il me regarda longuement, ne dit mot. Je me sentais légèrement intimidée par cet homme alors, je me levais pour conclure à notre entrevue. C'est un brun, un brun magnifique, le genre de ces tombeurs qui te font voyager rien qu'avec leurs yeux et mon petit cœur fragile doit s'éloigner d'un tel prédateur.
- Merci pour le café. Je vais rentrer maintenant sinon je vais encore rater mon bus.
- Nul besoin, je vous dépose.
- Je... ce n'est pas nécessaire.
- J'insiste.
- Et moi je vous dis que non. Au revoir.
- Mais je ne connais même pas votre nom.
Je me retournais et le scrutais. Quelle importance ? L'on ne se reverra plus.
- Pourquoi faire ?
- Mais voyons... vous êtes bien compliquée comme femme. Je veux juste savoir à qui, ai-je à faire.
- Annabelle.
- Vous êtes sérieuse ?
- Stacy
- Votre vrai prénom si possible.
- Marie-Jeanne ?
Il arqua un sourcil.
- Toujours pas ?
Il me fit non de la tête. J'éclatais de rire, le prenant en pitié.
- Bon ok, je vends la mèche, Isabelle... Isabelle Winston
Je n'attendais pas sa réponse et m'en allait. Ma chevelure nouée dans un chignon n'osait s'enfuir, se mélangeant à l'air alors que je venais d'ouvrir la porte du café.
***
Le lendemain.
Je ressortais de l'université en ce beau jeudi. Le ciel était dégagé pour la première fois. Je racontais à Tyler ma journée d'hier et elle semblait y prendre un grand plaisir. Elle étudiait la psychologie et avait la sale manie d'étudier chaque mot que je sortais.
- Et ?
- Que voulais-tu que je fasse Tyler ? Je lui ai dit que non.
- Mais tu es bête ?
- Pardon ?
- Bah si ma chérie hein. De ce que j'ai compris, il n'est pas si con que je le pensais. Donc, tu aurais pu faire un effort non ?
- Que ma tante me voie rentrer dans la voiture d'un homme ? Tu veux que je meure ou quoi ?
- Tu as trop peur et quand bien même, elle te verrait et puis quoi ?
- Tu parles parce que tu ne sais pas.
- Je connais ta tante et le fait qu'elle ne m'apprécie pas, mais je sais aussi que tu n'es plus une enfant.
- Écoute Tyler. Je ne veux rien avoir à faire avec cet homme et normalement t'es censée soutenir ta meilleure amie, ce n'est pas ça ?
- Laisse tomber tête de mule. Il s'appelle comment sinon ?
- Bah...
Je prenais le temps de réfléchir. Oups.
- Je ne lui ai pas demandé, de toute façon, je n'en ai rien à faire. On ne se reverra pas.
- Je me demande bien ce qui ne va pas dans ta tête.
- Oh... Ty lâche-moi avec tes histoires aussi. Je n'aurai jamais dû te le dire.
- Comme tu veux. Je vais aller manger une glace, tu viens ?
- Sans façon. J'ai mal à la gorge.
- Oh... à demain alors.
- À demain.
Je rentrais à la maison aujourd'hui plus tôt que d'habitude. J'entrais et trouvais ma tante assise derrière sa machine à écrire. Elle leva les yeux,par-dessus ses lunettes pour me scruter.
- Tu rentres tôt aujourd'hui...
- Les cours sont finis plus tôt. Dis-je simplement.
- Tu attendais un colis ?
- Non, pourquoi ?
- Tu t'es faîtes livrer quelque chose. C'est dans ta chambre.
- Ah bon.
- Sinon Isabelle, hier, tu as mal fait la lessive, tu risques d'abimer tous mes vêtements, je te les ai remis dans le panier et s'il te plaît cette fois lave les bien, je ne veux pas d'incapable chez moi
- Bien-sûr ma tante, je te reviens.
Je montais dans ma chambre, curieuse de connaître ce colis mystère. Je déposais mon sac et j'avançais vers le lit. Prenant le temps de déballer, je découvris à mon grand étonnement un ordinateur et un téléphone portable. J'hallucine. Elle n'a pas osé. En plus ce ne sont pas les mêmes modèles. Ceux-ci sont cent fois mieux.
Je laissais mes nouveaux appareils là-haut et descendait avec un foulard noué sur ma tête, prête à m'attaquer à cette lessive. Il avait beau être dix-huit heures, ma tante n'en avais rien à faire, il fallait que je fasse son travail, peu importait l'heure.
***
Le jour d'après.
c'est toute contente que j'allais voir ma meilleure amie et lui faisait le plus long câlin de l'humanité. - Hé mais qu'est-ce qui t'arrive.
- Merci merci merci merci merci merci merci merci merci merci. - Mais quoi ?
- T'es vraiment une amie en or, tu le sais ça.
-Je pourrais en être une en diamant, mais seulement si tu me dis ce que tu as.
- Le Mac et le portable. Sérieux t'étais pas obligée.
- Mais quel Mac ?
- Ne fais pas semblant, je sais que tu m'as envoyé un nouvel ordinateur et un téléphone. Promis je te le rembourserai jusqu'au dernier centime.
- Je ne t'ai rien envoyé du tout.
- Pardon ?
- Je ne t'ai rien envoyé.
- Mais Il n'y avait que toi qui savait que je les avais plus.
- Je ne sais pas réfléchis. Peut-être ta tante s'en est rendue compte et t'en a acheté un neuf.
- Tu es sûre qu'on parle de la même tante ? Elle ne dépenserait pas un centime pour une erreur de ma part.
- Et à part moi, à qui d'autre, tu l'as dit ?
- Mon voisin d'hier qui me demandait pourquoi j'écrivais dans un bloc note au vingt et unième siècle et à l'homme de...
Tout prenait place dans ma tête tel un puzzle. Tout s'explique. - D'où il se permet ?
- Tu penses que c'est l'homme de l'orage.
- Bien-sûr que c'est lui. Il n'y a que lui. Comment ose-t-il ?
- Probablement il t'aime bien, tu ne penses pas ?
- Mais je ne veux pas de ce genre de chose. Pas venant de lui.
- Je ne sais pas Isabelle, mais si tu l'intéresses laisse lui sa chance, tu ne crois pas ?
Je me taisais. Peu importe ce que je dirai, Tyler le contredira. Je mettais le Mac Book au fond de mon sac et reprenais mon Bloc Note. Je ne le connaissais pas et il se donnait le droit de m'offrir des choses, je le lui rendrais quoi qu'il advienne.
Ma journée ne fut pas longue, je me permis de sortir avant la fin du cours,afin d'éviter la foule. Tyler avait de la chance elle. Elle vivait à deux pas d'ici. Je m'engouffrais dans mon pullover après avoir mis mes écouteurs. Qui est-ce que je pouvais intéresser ? Tyler est drôle des fois.
- Isabelle.
Je ne m'étonnais même pas d'entendre cette voix. Je savais que je le reverrais. Alors, je me tournai vers l'homme qui deviendra bientôt l'être le plus important de mon existence. Celui qui déterminera mon futur, mais ça comme toujours, je ne le savais pas.
Mariaacorazon