Je suis restée au beau milieu de la pièce à fixer la porte plusieurs minutes après son départ. Mon cœur pompant le sang à un rythme effréné. L'envie de le suivre pour lui frotter ma façon de penser au visage, m'a sérieusement pris aux tripes. Mais à la place, j'ai respiré profondément avant de contourner ma table de bureau où je me suis efforcée de terminer ce que je faisais.
- Hum.
À un moment, j'ai été submergée par un fort sentiment de honte en repensant aux propos tenus par ce goujat. La colère n'a pas tardé à suivre. J'ai laissé ce que je faisais et je me suis mise à arpenter la pièce afin de me calmer les nerfs mais le cœur chauffait trop. J'ai donc rallumé l'ordinateur avant de prendre place dans mon fauteuil.
- exem...ple de let...tre de dé...mission, ai-je tapé dans la barre de recherche.
J'ai lancé la recherche et c'est en marmonnant que j'ai rédigé ma dem sur le modèle choisi. C'est qu'ici, je gagne un très très bon salaire comparé au salaire moyen d'une assistante personnelle. Ça, plus les nombreux avantages perçus mais je ne peux plus me laisser piétiner pour de l'argent. J'ai aussi une dignité à préserver. Ce n'est pas parce que je suis son assistante personnelle et que j'ai des lourdes charges à gérer derrière, qu'il va continuer de s'adresser à moi de la sorte.
J'arrête de taper sur le clavier pour faire pivoter mon fauteuil vers le meuble de rangement derrière moi, d'où je sors un classeur. Je me retourne, l'ouvre sur ma table de bureau et, sors la copie de mon contrat de travail que je me mets à parcourir minutieusement. Qui sait ? J'ai peut-être sauté le paragraphe stipulant que je doive supporter l'attitude de cet être abject.
- Où...où...où... c'est écrit qu'il avait le droit de me manquer de respect de la sorte ?!
Où ?
Je suis tellement énervée que le bruit des feuilles que je tourne et retourne, se fait entendre dans la pièce.
- Suis-je sa fille ? Sa sœur ou qui sais-je encore ?
Je finis par rendre le document dans le classeur avant de le remettre dans le meuble de rangement.
- En tout cas, je ne vais plus le tolérer. Ce n'est pas la première fois mais je jure que ce sera la dernière car je me tire d'ici. Je me débrouillerai pour mes charges.
C'est sans grande conviction que je me répète que je trouverai un autre emploi aussi bien rémunéré sinon mieux. Mon cœur se serre et mes yeux se mettent à picoter, signe que je vais pleurer mais non, je ne verserai pas une seule larme pour ce...ce...
- Fhoum !
Je reprends la rédaction de ma lettre.
Je comprends maintenant pourquoi aucune alliance ne brille à son annulaire gauche. Aucune femme saine d'esprit n'accepterait de lier sa vie à celle d'un individu pareil. Un vrai sorcier. Je parie même que personne ne peut le blairer dans sa propre famille. Raison pour laquelle, il reste aussi tard au boulot. Ça doit être un bon aigri.
En tout cas, c'est ma dem qu'il trouvera sur son bureau lorsqu'il daignera se pointer demain. Je verrai encore à qui, il va s'adresser comme à une serpillière.
Ma lettre finie, je la parcours pour vérifier la structure et la cohérence. Je compte sur le correcteur automatique pour les fautes. Ça fait, je l'imprime en trois exemplaires que je glisse dans un parapheur et pose sur ma table.
C'est la première chose que je vais lui présenter demain. Je passe ensuite des papiers qu'il m'a demandé de détruire, à la déchiqueteuse quand le téléphone fixe retentit. C'est lui mais je ne prends même pas la peine de répondre. Qu'il aille se faire cuire un œuf sur le goudron là dehors.
- Tchrrrr
Lorsque je finis ma tâche, j'arrête climatisation, ordinateur, imprimante et tout, avant de baisser les stores. Demain, c'est samedi. J'embrasse la pièce du regard afin d'estimer le temps qu'il me faudra pour la vider de mes effets et, j'en conclus que j'aurais tout bouclé avant demain midi.
Le fixe continue à brailler. Je soupire avant de mettre la bandoulière de mon sac d'ordinateur sur une épaule et celle de mon sac à main sur l'autre. Dernier coup d'œil avant de quitter la pièce et l'entreprise en levant le menton.
Je croise la DRH dans le parking. Je hâte le pas vers elle, alors qu'elle est sur le point de monter dans sa sublime voiture. Quand je suis à quelques mètres d'elle...
- Bonsoir DRH.
Elle se retourne, pose son regard pétillant sur ma personne et me sourit. C'est une femme d'âge mûr avec laquelle je m'entends pas mal. Elle est très belle et élégante jusqu'à la moelle des os. Toujours sur son 31 et, vêtue avec classe. Je me dis souvent que je serai comme elle, quand je serai grande. À cette pensée, mes lèvres s'étirent en un faible sourire.
Mme IDIATA, de son nom d'épouse, est noire ébène avec des cheveux grisonnants qui lui donnent un de ces charismes.
Je me dis comme ça en l'admirant que ce n'est pas avec elle, que le PDG s'aventurerait à émettre des remarques déplacées comme celle qu'il s'est permis de me faire tout à l'heure. Mme IDIATA impose le respect et dans le calme.
- Ah bonsoir Lawa. Comment va-tu ?
Ses dents de bonheur, rajoutent à son charme. Plus jeune, elle a dû faire des ravages avant que Mr IDIATA ne lui mette la bague au doigt pour arrêter le massacre.
Je réduis encore la distance entre nous.
- Ça ira encore mieux lorsque j'aurai certaines informations.
- Au sujet de...
- Ma démission.
Elle ouvre grand les yeux.
- Encore ?
- Là, c'est différent des autres fois.
Elle penche la tête sur le côté pour me dévisager.
- Une autre incompréhension avec Mr SIBI ?
Je préférerai mourir que d'avouer le véritable motif qui me pousse cette fois à démissionner.
- Non ça n'a rien à voir avec lui. Je veux juste démissionner.
- Comme ça ?
- Oui.
- Ok mais tu sais que tu devras faire ton préavis, non ?
- Je sais aussi que je ne suis pas tenue de l'exécuter en rédigeant une dispense.
- Je vois que tu as fait des recherches.
- Exactement.
Elle soupire en regardant autour de nous alors que j'ajuste mon voile sur la tête.
- Tu seras la dixième assistante à t'en aller en moins de deux ans.
Je me mets à cligner des yeux, n'en revenant pas.
- Dixième comme un, deux, trois, quatre, jusqu'à dix ?
Elle regarde le haut de ma tête recouverte.
- J'avais espoir que toi, tu tiennes plus longtemps.
J'ai légèrement froncé les sourcils.
- Pourquoi ? Parce que je suis une femme voilée ?
- Non, parce que ça se voit que tu es une femme très forte.
- Pour encaisser ?
- Non pour...
Elle soupire encore puis...
- On peut en discuter demain ?
- Ce que demain, je comptais déjà faire mes cartons.
- Je vois que tu es sérieuse mais... stp, discutons-en avant.
- Je préfère déjà vous dire que vous ne parviendrez pas à me faire changer d'avis mais, à demain DRH.
- Merci.
Je me suis dirigée vers ma petite suziki swift que j'ai déverrouillé à distance alors qu'elle glissait derrière le volant de sa maserati levante dont elle a refermé la portière sur elle. Ça, c'est de la voiture. La femme là connaît.
Je suis restée un moment contre ma portière à regarder tous ses faits et gestes. Elle a klaxonné une fois avant de démarrer. Elle sortait du parking quand mon téléphone portable s'est mis à sonner dans mon sac à main. Je l'ai sorti pour le rendre aussitôt quand j'ai vu que c'était mon patron qui avait basculé sur mon numéro personnel.
Je soupire, grimpe dans ma caisse, pose mes sacs sur le siège passager, ajuste le rétroviseur et mon siège, porte ma ceinture de sécurité avant de démarrer, à mon tour.
- Il va lire l'heure. Tchrrrrrrr
.
Je stationne à deux ruelles de la maison familiale sise à l'avenue de Cointet. Je vide toute l'air de mes poumons avant de tirer sur le frein à main. Je suis encore trop énervée. Tout ça, par la faute de cet imbéCile heureux de Terry Étienne SIBI. Oui, je dis son nom, voilà.
- Tchrrrr
Je lève les yeux vers le plafonnier.
- Non mais on peut manquer d'éducation comme ça ? Tchrrrr
Je souffle en regardant droit devant moi et une autre douleur me prend aux tripes en pensant à ma famille. J'ai perdu le droit de remettre les pieds dans la concession familiale depuis maintenant cinq ans.
Je regarde autour de moi en soupirant.
Je sens que la conversation avec ma mère, ne va pas arranger mon humeur du moment, bien au contraire. C'est toujours la même chose quand elle m'appelle en larmes. J'inspire et expire en allant chercher l'air très loin dans mes poumons.
- Calmes-toi Lawa, calmes-toi. Ce n'est pas comme si c'était nouveau pour toi. Tu es une guerrière aguerrie.
Je détache ma ceinture de sécurité avant d'ajuster mon voile à travers le rétroviseur. Ça fait, je tends le bras pour récupérer mon sac à main sur le siège passager. Je sors le téléphone et lance l'appel. C'est avec l'estomac noué que j'écoute comment ça sonne à l'autre bout du fil.
C'est toujours une grosse épreuve émotionnelle de revenir dans ce quartier mais je suis bien obligée car ma mère y vit. J'ai tout fait pour l'en sortir mais cet homme a un tel ascendant sur elle.
Elle finit par décrocher...
- Oui Allô ?
-...
- Je suis au même endroit que la dernière fois.
-...
- Non n'insiste pas. Je ne vais pas venir me garer dans votre ruelle.
-...
- Oui je sais mais une autre fois. Je ne suis pas trop d'humeur à me faire humilier ce soir.
-...
- Alors, tu viens ou pas ?
-...
- Je t'attends alors. Clic.
Je remets le téléphone dans mon sac à main, que je déplace avec le sac d'ordinateur sur la banquette arrière juste derrière moi. Ma mère viendra sûrement avec un de ses neveux.
Dans ma famille, les femmes ne se déplacent qu'accompagner. Vous pouvez aisement imaginer comment j'y suis perçue, moi qui vis et me déplace toute seule. Pour eux, je mène une mauvaise vie et je suis une vraie honte pour mon père.
Je soupire longuement.
Je me présente. Lawa HAMAMATA, 24ans. Je suis gabonaise, d'éthinie haoussa. C'est avant la première guerre mondiale que mon arrière- grand-père paternel a quitté son Niger natal pour s'installer dans ce pays, plus précisément dans un petit village de l'Ogooué Lolo, après avoir traversé le grand Nord et l'Ogooué Ivindo.
Il avait trois femmes.
Mon grand-père paternel était l'aîné de ses enfants, toutes femmes confondues. Mon père, Tidjani HAMAMATA, est lui, le benjamin de sa fatrie. Il est venu s'installer à Libreville et avec le capital reçu de son père, il s'est lancé dans l'importation et la commercialisation du riz. Il a ensuite rencontré ma mère Rabiatou KALTOUM, qui n'avait que 17ans à l'époque et ils se sont mariés selon les préceptes de l'islam.
Mes parents ont eu en tout quatre enfants. Moi, Thamdar, Ibourahim et Aïsha, la petite dernière. Thamdar a été fauché à la fleur de l'âge. Il était au mauvais endroit et au mauvais moment. Ibourahim est présentement à l'étranger où il poursuit des études d'ingénieur en réseaux et télécommunications. Il a eu la chance d'avoir son bac quand j'ai eu ce boulot bien rémunéré. N'ayant pas pu obtenir une bourse pour l'étranger, j'ai dû me porter volontaire afin de le soutenir quand notre père ne voulait pas entendre parler d'études supérieures pour lui pire, d'études à l'extérieur du pays. Il s'est lavé les mains devant l'insistance d'Ibou d'aller continuer hors du pays, ce qui fait que je lui consacre plus de la moitié de mon salaire mensuel.
Je suis contente parce qu'il me le rend bien en travaillant d'arrache-pied. Ces dernières notes le témoignent. Il m'a parlé d'une potentielle bourse qu'il pourrait obtenir s'il garde la même lancée. Je prie pour ça.
Avec le reste de mon salaire, je parviens à un peu épargner. Je m'occupe du loyer, des factures, des petites courses car je mange généralement chez Princesse et la société prend mon carburant en charge.
Je remets quelque chose à ma mère pour ses besoins, en plus des frais pour l'institution qui aide Aïsha. Elle est autiste. Mashallah, ça ne me revient pas trop cher. Vous comprenez maintenant pourquoi j'ai préféré me taire jusqu'ici devant les débordements de mon patron.
- Hum.
J'ai grandi dans un foyer monogame qui a muté en foyer polygame, il y a de cela huit ans. Et Farida, la coépouse de ma mère, veuve d'un précédent mariage, est venue avec deux choses. Deux enfants et un vent de destruction de notre cocon familial d'antan.
J'ai vu mon père changer négativement sous l'influence de cette méchante femme. Aujourd'hui, je ne le reconnais plus du tout. Ce n'est plus mon père bien aimé mais une autre personne qui passe le plus clair de son temps à maltraiter ma mère, pas physiquement mais plutôt psychologiquement.
Notre lien s'est définitivement brisé après qu'il m'ait dupé en m'obligeant à épouser son vieil ami de toujours. Je n'avais que 16ans et passais en classe de terminale au lycée technique. Évidemment que je me suis enfuie de chez Abba SAADATOU, mon soit-disant mari après l'avoir poignardé lors de notre nuit de noces alors qu'il tentait d'abuser de moi. Je ne vous dirais pas où mais je ris à chaque fois que j'y pense.
Je suis allée me cacher chez l'une de mes tantes maternelles mais les pressions de certains membres de la communauté, étaient si fortes qu'un soir, cette dernière m'a supplié presqu'à genoux de rejoindre la maison de mon mari.
La nuit était déjà tombée lorsque j'étais partie de chez elle de peur qu'ils ne viennent me kidnapper pour me ramener de force chez le vieux Abba. J'avais erré un moment dans la ville avant de prendre le chemin du bord de mer avec le projet d'en finir avec ma vie, parce que je préférais de loin la mort plutôt que d'être la quatrième femme de cet homme. Je demande encore pardon à Allah le Miséricordieux pour cette pensée infâme.
C'est ce soir là que ma route a croisé celle de Princesse Ytu, mon ange. Et elle m'a prise sous son aile. Quand je repense à cette époque, j'ai toujours dans ma tête, cette image d'un oiseau qui bien que blessé, prend un autre sous son aile. C'est grâce à elle que j'ai appris que le mariage forcé était une infraction punie par la loi gabonaise. Quand j'ai menacé les miens de porter plainte, j'ai eu la paix mais mon père m'a renié devant la communauté et m'a interdit de fouler le pas de sa porte.
Je ferme les yeux en expirant.
Lorsque Princesse est rentrée dans ma vie, tout s'est enchaîné tellement vite mais dans le bon sens. Elle me faisait voir la vie autrement. Ce qui m'a permis de dépasser mes limites ainsi que les préjugés que j'avais hérités des miens.
Nous avions presque le même âge (elle est mon aînée de deux ans) mais je voyais cette niaque qu'elle mettait à monter son propre business. Elle voulait rendre son père fier et sa mère, quelque peu honteuse.
Sa rigueur et cette discipline qu'elle mettait même dans les petites choses, m'ont poussé à reprendre mes études. C'est encore avec son aide que je me suis inscrite à Bactech. Mon bac stt option acc en poche, je me suis inscrite dans une école supérieure pour un bts en gestion administrative et commerciale.
J'intégrais la société de grande distribution de Terry Étienne SIBI avec l'aide du père de Princesse, quatre mois après l'obtention de mon diplôme.
.
De légers coups donnés sur la vitre de la portière coté passager, me font sortir de ma rêverie. C'est ma mère. Je déverrouille les portières afin qu'elle monte. Son neveu Ossaini s'est assis à la terrasse du boutiquier. Il ne peut pas bien me voir car mes vitres sont un peu teintées.
- Assalamou alékoum ma fille.
Je penche la tête en avant en signe de respect.
-...
Elle a un large sourire pourtant je remarque les grosses cernes et ses yeux bouffis, signe qu'elle a beaucoup pleuré mais je me garde de lui poser la question avant de connaître la raison de son appel.
- Ça va ? Ça fait longtemps.
Je hoche la tête alors qu'elle se met à me dévisager minutieusement.
- Tu as bonne mine. Je suis contente de te voir.
Je souris.
- Moi aussi maman.
- Cette affaire d'airtelmoney est venue tout gaspiller. Avant ça, je pouvais espérer te voir au moins une fois par mois quand tu venais déposer l'enveloppe de ta petite-sœur.
- Je travaille. Je travaille énormément pour être une grande dame dans ce pays et ainsi, te rendre fière.
- Je sais.
Je vois de la tristesse dans son regard.
- Mais je tiens compte de ta remarque et, te promets de faire plus d'effort à l'avenir.
- Enlèves ton voile stp.
Je m'execute.
- J'espère que tu ne le portes pas seulement quand tu viens me voir.
- Non. Je le porte tout le temps.
- Merci.
Je la regarde.
- Je le fais d'abord pour moi-même, pour ma propre foi et pour personne d'autre. Tu n'as pas besoin de me remercier pour ça.
Je la vois souffler avant de se prendre la tête entre les mains. Je pose la main sur le haut de sa cuisse.
- Qu'y-a-t-il maman ?
Elle relève la tête et se met à me fixer, de nouveau.
- Tu as toujours été très spéciale Lala, depuis petite. Ça ne m'étonne qu'à moitié que ta vie ait pris cette trajectoire.
-...
- Tu as toujours détesté que l'on choisisse pour toi même quand c'était pour ton propre bien. C'est quelque chose que ton père et moi, avions remarqué très tôt chez toi. Tu as toujours su ce que tu voulais même si Tidjani (mon père) veut aujourd'hui, te faire passer auprès de notre entourage, pour quelqu'un d'insensé.
- Qu'y-a-t-il maman ?
- Ton père a décidé de donner Aïsha à Abba afin de laver l'affront que tu lui as fait... si tu ne repars pas chez ton mari. Ce dernier considère t'avoir laissé assez de temps pour reprendre tes esprits.
J'ai eu un rire nerveux.
- Quoi ?! Dis-moi que tu plaisantes.
Elle s'est mise à pleurer.
J'ai voulu ouvrir la portière pour aller dire mes quatre vérités à mon père mais elle m'a retenue par le bras.
- Calmes-toi Lala.
- NON ! JE NE ME CALME PAS !
- Faire un scandale ne servira à rien, mon enfant.
- Aïsha est autiste maman ! Elle est autiste ! Que va-t-elle faire avec un vieux qui peut être son grand-père et en plus dans un foyer polygame ?
- Je sais.
Je me suis mise à pleurer à mon tour.
- Non tu ne le sais pas sinon tu te serais opposée à toute cette mascarade et avec la derrière énergie !
- Lala...
- Vous comptiez me faire plier avec ça pour que je retourne chez Abba ? C'est ça ?!
- Lala non...
J'ai remis le contact en m'essuyant les yeux du revers de la main.
- Ok. Je sais ce qui me reste à faire.
- Que vas-tu faire ?
- Je vais déjà me rendre à l'institution qui aide Aïsha afin de rencontrer la directrice. Je lui dirais tout.
J'éclate à nouveau en sanglots.
- Quand je pense qu'elle a fait beaucoup de progrès depuis qu'elle y va. Eh Allah...
- Lala...
J'essuie mes larmes avec un bout de mon voile.
- Cette fois, j'irai à la police pour déposer une plainte contre papa et son ami.
- Ne fais pas ça ma fille stp. Ne jettes pas encore plus l'opprobe sur moi.
J'ai donné un coup sur le volant.
- Alors fais quelque chose pour arrêter cette absurdité. Prends un peu exemple sur ta coépouse en ce qui concerne la défense de ses enfants. Jamais papa ne lui ferait le quart de ce qu'il te fait, à toi !
Elle a repris sa tête entre ses mains.
- Il est temps de défendre ta progéniture maman. En plus d'être autiste, Aïsha n'a que 14ans.
- J'ai compris Lala.
.
C'est complètement lessivée que je rentre chez moi. Je loue un petit studio à Glasse. Il y a un petit portail. C'est en bordure de route et ça va question sécurité.
Je me déchausse dès que je passe la porte d'entrée et, mets mes babouches d'intérieur. Je vais déposer mes sacs sur le premier fauteuil que je rencontre puis je fonce dans la cuisine, où je me lave les mains avant d'ouvrir la partie congélo de mon frigo pour sortir deux tupperwares que je plonge dans une petite cuvette en plastique dans laquelle je mets un peu d'eau.
C'est de la nourriture que Princesse me fait livrer. La meuf me connaît tellement qu'elle sait que sans ça, je ne vais pas me nourrir convenablement.
Je souris.
Je repasse par le petit séjour où je sors le téléphone de mon sac à main pour vérifier si elle ne m'a pas appelé entre temps. Je vois qu'elle l'a fait en matinée, sûrement avant de prendre son vol mais depuis plus rien.
Je lui fais un message whatsapp dans lequel je lui demande de m'envoyer l'adresse complète de son hôtel ainsi que le numéro direct de la réception. On le fait toujours quand Anckel, elle et moi, nous déplaçons. Elle doit être épuisée et, a dû oublier.
Je vérifie mes autres appels et messages avant de mettre le téléphone en charge. Je finis par rejoindre la salle de bains dans ma chambre. Je prends une douche, porte une tunique, fais mes ablutions, porte mon voile. J'ai des prières à rattraper.
Je reviens à la cuisine, rechauffe le contenu des tupperwares directement à la gazinière. Ça fait deux mois que mon micro-ondes m'a lâché. Dieu merci, la hotte fait bien son travail sinon bonjour les odeurs dans tout le studio.
.
Le lendemain...
Je suis surprise en stationnant sur ma place de parking, de retrouver la voiture de l'homme des cavernes, à sa place. Je regarde sur le tableau de bord. Il est à peine 7h15mn. Ce ne sont pas ces heures habituelles. Lui, il se ramène plutôt vers les 10h par là.
Je tords la bouche et hausse les épaules en récupérant mes sacs à l'avant. Je descends et contourne le véhicule pour sortir les deux cartons empilés que j'ai ramenés avec moi pour ranger mes affaires. Je verrouille les portières de la voiture et m'éloigne du parking avec mes cartons vides.
Je monte quelques marches avant d'atteindre le perron et de passer les grandes portes vitrées et coulissantes. Je traverse le hall en ne manquant pas de saluer les agents de sécurité ainsi que les quelques collègues que je rencontre tout au long du chemin menant vers mon bureau. À l'intérieur du quel, je dépose les cartons à l'entrée et pose mes sacs sur ma table de bureau. Je vais ouvrir grand les baies vitrées pour aérer, bien que l'odeur d'hier qui m'a value l'humiliation du siècle, se soit complètement estompée
Je referme après une bonne dizaine de minutes, mets la climatisation en marche, ainsi que tous les appareils qui me facilitent la vie dans cet espace, avant de prendre place derrière mon bureau quand on manque de défoncer la porte de mon bureau. Le goujat en personne, apparaît dans l'embrasure et me pointe le doigt...
- VOUS ! DANS MON BUREAU !
Il repart comme il est venu sans oublier de claquer la porte. Je hausse les épaules.
- C'est ta société donc ce sont tes portes. Pour moi quoi ?
Moi, je suis trop space à l'heure là. J'ai fait mes calculs et je peux encore tenir pendant trois mois. J'ai même appelé Ibou pour lui dire que les mois qui suivent, vont être un peu durs. C'est lui qui à mon grand étonnement, m'a plutôt rassuré et donné des pistes sur comment chercher du taff après ma dém.
Je prends tout mon temps avant de sortir de mon bureau que je verrouille derrière moi. J'emprunte l'ascenseur jusqu'au dernier avec le parapheur de la gloire contre ma poitrine. Quand je suis à l'étage de l'impoli en chef, je suis surprise d'y trouver du monde entrain de bosser. Ils aménagent une pièce en bureau. Je n'ai pas le temps de comprendre ce qui se passe, que l'impoli en chef apparaît devant moi et me demande de le suivre.
Lorsque les portes de son bureau se referment derrière nous...
- Mr SIBI, je voudrais...
Il m'arrête en me présentant sa paume droite.
- Je vous présente mes plus plates excuses pour hier Mlle HAMAMATA. J'avais passé une très mauvaise matinée et comme un lâche, j'ai déversé ma frustration sur vous.
Il le dit en posant la main sur le cœur. Je suis tellement choquée que le seul son qui sort de ma bouche est...
- Hein ?!
- Nous sommes entrain de finaliser les travaux de votre bureau et j'ai pensé à vous augmenter.
- À...à... quoi ?!
La surprise veut tellement me terrasser que je me vois obliger d'aller prendre appui sur la grande table de réunion qui trône au milieu de la pièce.
Mr SIBI sourit et des jolies fossettes creusent ses joues. Mon cœur fait des sauts périlleux dans ma poitrine alors que ma raison se met à afficher de gros « DANGER » un peu partout dans mon esprit. Le souvenir de quand Princesse et moi, l'avions surnommé « Hot Chocolate», me revient en mémoire avec force.
Sa voix me ramène à la réalité...
- Vous êtes tellement patiente avec moi, Mlle HAMAMATA. Vous avez supporté mon caractère de cochon pendant plus d'une année sans jamais rechigner.
-...
Ah donc il le sait quoi ? Ce qu'il le faut exprès alors ?
- Hier, quand vous êtes partie, j'ai compris que j'étais allé trop loin. Désolé...
-...
Je n'arrivais pas à ouvrir la bouche. J'avais l'impression que ma langue était collée à mon palais et que mes lèvres étaient scellées par de la super glue.
-...
- Je ne vois personne à votre place. Vous m'êtes d'un très grand apport. Je ne cesse de remercier Raoult-Sylvain (le père de Princesse) à chaque fois que je le croise.
Dites-moi que je rêve ! Non, les extraterrestres ont sûrement dû me l'échanger. Ça ne peut pas être mon patron.
- Je ferai tout pour vous garder. C'est pour cela que j'ai vu la comptabilité pour que vous bénéficiez de...
C'est le moment que choisit la sonnerie de mon téléphone portable pour remplir la pièce. Je ne savais même pas que je l'avais sur moi.
- Répondez svp.
- Hein ? Ah... oui...oui.
C'était Anckel. Que me veut-elle matin bonheur comme ça alors que mes oreilles écoutaient déjà de bonnes choses ? S''il pouvait ajouter trois cent milles francs, sur mon salaire net. Ça arrangerait tous mes problèmes walah.
Je perçois une légère irritation dans sa voix lorsqu'il me dit...
- Vous pouvez décrocher Mlle HAMAMATA. Ça paraît urgent.
- Eh Allah, je me dis intérieurement en décrochant alors qu'il avait maintenant les yeux braqués sur moi.
Je me racle la gorge.
- Allô ?
-...
- Quoi ?!
-...
Un rire nerveux m'a échappé.
- Non, c'est une blague ?
-...
J'ai pressé l'appareil contre mon oreille en serrant les dents tout en laissant un regard furtif à Mister « Hot Chocolate ».
- Anckel arrête ça. C'est pas une blague à faire, toi aussi.
-...
- Je le dis parce qu'aux dernières des nouvelles, Cyr était à N'Djamena. C'est de là-bas qu'il est censé rejoindre Princesse aujourd'hui même. Dans quel coup tu dis qu'il se marie aujourd'hui ?
-...
- Ok...ok... j'attends le faire-part.
C'est en soufflant que je raccroche avant de lever mes yeux vers le plafond.
- Non je ne peux pas le croire. Il n'a pas pu lui faire ça. Non, je n'y crois pas mais Anckel ne peut pas mentir.
- Un problème Mlle HAMAMATA ?
J'avais complètement oublié sa présence. Je voulais lui répondre quand le « ping » notifiant l'arrivée du message d'Ankel, a retenti. Mes mains se sont mises à trembler en pianotant sur mon téléphone. J'ai manqué de m'évanouir en ouvrant le message. Sur le faire-part, il y avait les prénoms de Lilas et de Kenneth avec la date d'aujourd'hui et l'adresse des parents de Cyr. J'ai jeté mon téléphone loin de moi comme s'il s'agissait d'un serpent.
- Astaghfirullah !