Ndèye est revenue dans la chambre presqu'une heure après avec une dame qui avait le même âge qu'elle. Omar est sorti avec Ndèye pour laisser la femme s'occuper de son épouse. Omar a entendu un cri puis un autre. Il a compris que Khar avait mal et il s'est senti coupable. Et pendant des minutes qui lui semblaient interminables, la guérisseuse est sortie de la chambre. Il lui a conseillé de recommencer tout de suite avant de partir. Omar l'a payé et Ndèye l'a raccompagnée...
Dans la chambre, Khar avait l'air calme mais son visage était visiblement triste. Omar a eu pitié d'elle. Il s'est donc couché derrière elle avant de serrer son corps avec ses mains. Soudain Khar s'est tournée et d'une toute petite voix, elle lui a dit que la dame lui avait conseillé d'être forte car c'est le moment propice pour consommer ce mariage. Elle lui a dit qu'elle essaiera de tenir bon. Omar a loué son courage avant de lui rappeler à quel point il l'aime et ne veut que rien de mal lui arrive.
Cette fois était la bonne. L'amie de Ndèye n'a pas eu tort. Khar a certes crié mais c'était parce que son hymen venait de se faire déchirer. Omar l'avait dans ses bras pendant qu'elle pleurait encore et encore.
Quand il a senti qu'elle était calme, il a demandé à Ndèye de venir s'occuper d'elle pendant qu'il allait chercher la mère de Khar. Cette dernière était émue jusqu'aux larmes quand le jeune Omar lui a appris qu'il a trouvé sa fille comme elle devait être.
Omar a offert quelques billets en guise de gnenguenaye* à Khar et les soirs, elle se faisait masser le corps en entier par une connaissance de sa mère. Khar n'a pas accepté qu'on organise un laaban* pour elle. Selon elle, le gaspillage du mariage suffit amplement et à vrai dire, elle n'avait pas d'amies à part ses soeurs qui sont elles aussi mariées.
Les jours devenaient des semaines, les semaines se transformaient en mois et les mois aboutissaient aux années. Khar et Omar? Toujours plus amoureux. Un couple hors pair. Certes avec quelques bisbilles de temps à autre, mais ils vivent toujours cette complicité. Les choses évoluent normalement. Par exemple, Omar est passé d'apprenti à chauffeur de car rapide, quelques mois après avoir obtenu son permis de conduire payé par son beau-père avec qui il entretient désormais une relation exemplaire. Avec ce qu'il a gagné, ils ont déménagé dans un autre quartier plus éloigné. Il a donné de l'argent à un de ses amis menuisier qui lui a fait un lit simple pour deux personnes. Le placard s'est fait remplacé par une armoire à deux portes. Khar continuait de vendre ses jus et avec son bénéfice, elle a obtenu un autre réfrigérateur. Maintenant, elle vend du ngalax* et du thiakry avec du lait caillé. Le matin, après avoir bien pris soin de son mari, elle balaie sa chambre, range bien, fait sa toilette puis s'occupe de sa vente. Elle va au garage et lorsqu'elle a écoulé toute sa marchandise, elle retourne chez elle et après 17 heures, elle se fait belle pour attendre son mari, l'odeur d'encens se répand petit à petit dans la chambre. De temps en temps, des personnes viennent acheter ce qu'elle garde dans son congélateur.
Khar se sent lourde. En vérité, elle est presque au terme d'une grossesse. Maintenant il lui est même difficile de faire son commerce. Son mari lui a donné l'ordre d'arrêter, il lui a dit qu'il pourra tout assurer, qu'elle ne devait pas s'en faire.
-Win win. Ça c'est le cri du petit Ass. Il vient d'avoir 6 semaines. Il fait le bonheur et la fierté de ses parents. Il développe une énorme ressemblance avec son père qui n'a cessé de le dire. Celui-ci lui a donné le nom de son propre père en guise d'hommage.
C'est un petit bonhomme très beau mais qui passe ses journées à pleurer. Il est terrible et en fait voir de toutes les couleurs à sa mère.
3 ans après la naissance de Ass. Khar et Omar ont eu un autre petit garçon du nom de Amadou. L'homonyme du père de Khar. L'enfant est né et n'a apporté que félicités et énormément de bien-être... La situation d'Omar allait super bien. Il a fait un prêt pour acheter un taxi jaune noir. Après quelques mois, le remboursement était terminé et il pouvait dormir tranquillement.
Pour Khar aussi, elle rend grâce à Dieu. Grâce à sa nouvelle voisine qui a de bonnes relations avec le directeur d'une école qui se trouve en plein centre-ville, elle y va aux environs de 7 heures pour vendre des bonbons pour enfants, tout ce qui peut servir de goûter à ces élèves de bonne famille. Et avant treize heures, elle revient de chez elle avec deux grosses glacières de jus et crèmes glacées. Les enfants en achètent tellement qu'elle s'est demandée pourquoi elle ne connaissait pas ce milieu plutôt. C'était tout le temps des "tata Khar, bouye", "tata Khar bissap", tata Khar cocktail" à n'en plus finir. Le jus était si délicieux que ce n'était pas seulement les élèves qui achètent, les professeurs aussi et même des personnes qui travaillent aux alentours. Un jour, un d'entre eux lui a révélé que quand il l'a vu au loin, il n'a pas cru qu'elle est celle qui vendait. Il lui a dit à quel point elle est belle et soignée. Pour éviter que la séance de drague ne continue, elle lui a dit en souriant qu'elle était mariée et maman de deux petits garçons qui fréquentent l'école publique qui est juste derrière.
C'était ainsi, Ass qui était âgé de 8 ans et Amadou 5 ans suivaient leur cours dans cette école. Le matin, avec leur mère, c'est Omar qui les dépose avec son taxi avant de faire sa ronde pour avoir des clients. Et le soir, il faisait tout pour venir les chercher avant de poursuivre son travail jusqu'à très tard.
Khar avait comme client favori un petit qui avait sensiblement le même âge que Ass. Il se faisait déposer par un chauffeur dans une non mais, une voiture luxueuse. Le mot même semble trop petit pour qualifier cette auto. Il ne se nourissait que de crèmes glacées et de petits biscuits au chocolat vendus par Khar. Le soir, étant donné que le chauffeur du petit ne venait pas tôt, il restait jouer avec Ass et Amadou alors que tous ses camarades sont rentrés depuis belle lurette. Ils glissaient leurs chaussures à l'aide des carreaux, couraient par ci et par là. À cause des fils de Khar qui l'appelaient Maman, lui aussi a pris cette habitude. Il disait tout le temps Maman Khar. Même quand Omar venait chercher sa petite famille, ils ne partaient pas tant qu'on n'est pas venu chercher Issa.
Ce jour-là, le petit Issa n'allait pas bien. Il n'a voulu ni manger ni boire du jus. Il se plaignait juste de douleurs à la poitrine. Ses camarades disaient même qu'il a vomi après la récréation et qu'il a passé tout le reste de la journée à l'infirmerie. Khar, comme une mère lui a demandé ce qui se passait et pourquoi l'administration n'a pas appelé ses parents. Il a répondu que c'edy lui qui leur a dit que ces derniers sont en voyage car ils passent le plus clair de leur temps à se disputer, qu'ils claquent des portes et sa grande sœur et lui ne sont pas heureux. Il a pleuré un bon moment dans les bras de Khar qui avait fini sa vente. Elle s'est rendu compte du fait que des enfants naissent dans la richesse et pourtant ne sont pas heureux. D'un autre côté, il y a l'exemple de ses fils qui n'ont pas de parents aisés, qui ne se font pas déposer par des voitures et qui sont dans une école publique. Toutefois, ils sont les trésors de leurs parents. Des parents qui savent se rendre heureux et protéger leur progéniture.
Khar a fini par lui faire sortir un sourire puis elle lui a fait des chatouilles. Il riait aux éclats quand les enfants de Khar sont arrivés. Leur maman leur a remis les bouteilles qu'elle a gardé pour eux et ils l'ont partagé avec Issa.
Cette fois, le chauffeur de ce jeune Issa est venu plus tôt que les autres jours. Avant de monter dans la voiture, il est allé prendre affectueusement Khar dans ses bras.
C'est quelques instants après qu'Omar à garer son taxi et a aidé sa femme à ranger ses glacières dans la malle.
Le lendemain! Khar et ses enfants ont effectué la même routine. Celle de tous les jours. Alors qu'elle mettait en ordre sa marchandise avec l'aide de son fils aîné Ass, vendant en même temps, petit à petit, une dame est arrivée d'on ne sait où et sans préambule, elle a jeté au loin la petite table de Khar.
De nature Calme et pas du tout nerveuse pourtant, Khar a oublié les bonnes manières. Elle a pris ses mèches qu'elle a tirées très fort, obligeant la dame de crier et d'essayer d'enlever ses mains. Avec son genou, elle donnait des coups difficiles à supporter aux fesses. Khar ne s'occupait pas de tout cet attroupement qui s'est formé et ces deux gros gaillards qui tentaient si bien de l'arrêter.
Elle était révoltée et énervée. Comment se fait-il qu'une simple conne ait l'audace de l'insulter et insulter son travail en jetant toutes ses affaires. Alors que c'est la première fois qu'elle la voie.
Chacun des hommes avait maintenu les deux mains des deux bagarreuses mais Khar lançait ses pieds afin qu'ils la frappent.
La femme insultait. Des insultes graves. Fortes! Qui ont piétiné l'honneur de Khar. Elle en voulait à cette femme mais pas plus que cet homme qui ne veut pas la laisser régler son compte à cette poupée.
-Deum bii, sorcière. Crie encore la dame. Nga lek sama Dome bii. Tu as mangé mon enfant. Deum kharamata Ndiaye bi nga done. Espèce de sorcière de merde. Il n'est qu'un bébé. Il ne t'a rien fait. Tu l'as mangé. Sorcière. Je te déteste.
-Je ne suis pas une sorcière. Hurle Khar en voulant atteindre son visage pour en faire une ratatouille mais il y a toujours ce "lutteur" qui l'en empêche.
Je n'ai mangé personne. Je ne sais même pas à quoi ressemble un sorcier.
-Alors explique-moi pourquoi hier, à la descente, Issa a vomi ton maudit jus puis tout de suite après une mare de sang est apparue car il venait de sortir ça. C'est toi la cause de cette maladie. Il est devenu inconscient et quand on a réussi à le réveiller, il ne cessait de murmurer ton maudit nom <>. À n'en plus finir! Toute la nuit! Pourquoi tu as mangé le petit cœur de mon fils? Pourquoi tu l'as fait? Dit-elle cette fois en pleurant.
-Je vous dis que je ne suis pas une sorcière. Issa, je le considère comme mon fils...
-C'est faux, sinon tu ne l'aurais pas mangé. Dit-elle hystérique.
-Arretez de parler de manger. Douma deum. Je ne suis pas une sorcière. C'est vrai que j'aime beaucoup Issa et que c'est moi qui lui ai donné du jus hier mais c'est ce même jus que j'ai vendu à mes clients et même mes enfants l'ont bu.
Elle s'est approchée de la dame qui s'est assise au sol, la mine complètement défaite, pleurant comme un enfant. Khar lui parlait doucement.
-Vous devez me croire. Demandez à votre médecin qu'elle est la maladie de votre fils, moi je n'y suis pour rien.
Elle lui presse doucement la main.
-Ne me touche pas. Sorcière! Tu veux me manger aussi. Sache que je suis une bambara, c'est mon fils que tu peux toucher car il n'a pas reçu cette éducation à l'ancienne qui te protège des sorciers comme toi. Si je savais...si je savais, j'allais l'amener chez moi pour le protéger ne serait-ce qu'un peu. Il a rencontré une sorcière qui n'a pas hésité à bouffer son cœur. Par ta faute, il n' y a plus d'espoir.
-Mais madame, intervient une dame d'un âge assez avancé. Vous ne pouvez pas accuser quelqu'un sans preuves. Et ceci est une grosse accusation.
-J'ai parlé à notre marabout familial et il a confirmé mes dires. Madame, je suppose que vous avez des enfants. Si ces enfants tombent malades un jour et se retrouvent dans une situation catastrophique, ne cessant de dire le nom de la dernière personne qui lui a donné à manger. Ne serez-vous pas certaine que c'est cette personne qui peut vouloir du mal à votre progéniture? Répondez maintenant.
-Khar est une vendeuse propre et ces jus n'ont jamais fait de mal à personne. C'est juste la volonté divine. Continue de défendre la dame.
-La volonté divine? Vous m'en direz tant. Il y a juste que ce n'est pas à vous que cela arrive
Je ne vous parle pas d'hygiène. Nous sommes dans un pays africain, les choses ne vous sont pas méconnues. Les sorciers, il y en a partout et sous toutes les formes. Je te jure Khar. Je suis venue te prévenir, s'il arrive quoi que ce soit de fâcheux à mon petit Issa, ta famille de sorciers et toi allez en payer les pots cassés. Parole de Seynabou Keïta.
Elle s'est levée, a trouvé Khar là où elle s'est assise serrant ses deux enfants pour lui jeter à la figure un bonbon qu'elle a ramassé.
-Deum yii nguen done. Vous n'êtes que des sorciers.
La fameuse Seynabou Keïta est montée dans sa belle voiture, une différente de celle qui dépose Issa et tout de suite après, le chauffeur a démarré.