La fête battait toujours son plein. Tout ce qu'elle avait à faire était d'éviter Giles. Elle se fondit donc dans la masse pour s'en extirper ensuite discrètement et grimper sur le pont.
Le soleil se couchait. Le port était à une heure de nage du bateau. Un marin lustrait le parquet.
- Où se trouvent les canaux de sauvetage s'il vous plait ?
- Que feraient-ils sur un bâteau pareil ? Demanda le marin en levant les yeux vers elle.
Il n'avait pas de pupilles. Cela glaça le sang de Délice. Elle regarda autour d'elle. Le port était encore visible. À la nage elle pourrait le rejoindre. Elle décida de prendre le taureau par les cornes. Elle inspecta son cartable. Par chance, il était en cuir et par conséquent imperméable. Elle compta jusqu'à trois puis se jeta d'un coup à l'eau.
- Purée ! Hurla-t-elle au contact de l'eau froide.
Mais il était trop tard pour faire marche arrière. Elle se mit donc à nager de toutes ses forces en espérant que les cours de natation intensifs qu'elle avait pris lors de son séjour à Marseille l'été dernier puisse lui être utiles.
Mais, elle qui croyait avoir fait le tour de phénomènes étranges, voilà qu'elle en tombait sur un de plus. Lorsque la nuit tomba, des canaux de sauvetage remplirent l'étendue d'eau. Des cris et des pleures résonnèrent. Elle se tourna et vit le yatch chavirer. Elle se retourna à nouveau mais le port avait disparu et des morceaux d'icebergs flottaient ci et là.
- C'est quoi ce beans ? Jura-t-elle.
Les hurlements perçaient la nuit et brisa le cœur de Délice. Elle avait pleuré en voyant le film. Mais vivre le naufrage du Titanic était bien plus déchirant. Elle assistait impuissante à la mort des êtres qu'elle venait de côtoyer. Elle se remit à nager les larmes aux yeux. Mais elle était déjà trop gelée pour aller bien loin. Elle sentit peu à peu ses forces l'abandonner.
C'est à ce moment là qu'elle aperçut Giles flottant au-dessus de l'eau --et non elle n'hallucinait pas- pour venir vers elle. Il était très sexy et ses yeux bleux brillaient comme deux billes fluorescentes dans le noir.
- Je ne peux vraiment pas vous laissez seule, dit-il parvenu à sa hauteur.
Il la toucha et d'un coup, elle se retrouva dans la chambre qu'elle avait quitté plus tôt. Avait-elle rêvé ? Non vu qu'elle était devant la coiffeuse de la chambre et que Giles se tenait debout derrière elle et lui séchait les cheveux à l'aide d'une serviette. Et elle même était enveloppée d'un peignoir. Ses vêtements pendaient près d'elle, suspendus à des cintres.
- Que s'est-il passé tout à l'heure ?
- Chaque nuit les passagers revivent leur mort. Mais tant que l'on reste dans cette chambre on est protégé, répondit Giles.
- Pourquoi ne pas me l'avoir dit ?
- Comment aurais-je pu savoir que vous étiez assez bête pour sortir toute seule ?
Vexée, elle le repoussa et alla bouder sur son lit.
- Il faut que vous appreniez à me faire confiance. Je ne vous veux aucun mal. Retrouvez mon héritier et je vous laisserai partir.
- Sauf que moi je veux retrouver les miens. Ils doivent être morts d'inquiétude. Et comment pourrais-je croire un accro des jeux d'argent ?
- Pardon ?
- Oui, ne faites pas l'innocent. J'ai fait mes recherches et je sais que votre famille s'est endettée à cause de vous. Vous avez gaspillé la fortune de votre famille dans vos paris et jeux stupides. C'est sûrement pour vous racheter que vous faites tout cela. Attendre sa mort pour réparer ses fautes. La bonne blague. Cela ne sert à rien. Vous avez toujours été et resterez un incapable et moins que rien.
Giles jeta la serviette qu'il tenait sur l'adolescente. Elle l'ôta de son visage pour regarder Giles. Elle s'attendait à ce qu'il se mette en colère mais au lieu de cela, une infinie tristesse se peignit sur ses traits.
- Dormez sur vos deux oreilles. Je viendrais moi-même vous réveillez. Faites de beaux rêves.
Sur ce, il sortit. Délice regretta aussitôt ses paroles. Comprenez la : les hormones, son agression, les fantômes, sa présence involontaire sur ce paquebot, tout cela la mettait dans une rage folle. Elle voulut rattraper Giles mais dès l'instant où elle ouvrit la porte, elle vit les passagers hurlés comme des damnés et se bousculer pour rejoindre le pont. Elle referma rapidement la porte.
- Je le verrai demain, fit-elle en sautant sur le lit.
Elle s'effondra de sommeil presque aussitôt. Le lendemain, elle fut réveillée comme convenu par Giles.
- Bonjour Giles, fit-elle en s'étirant paresseusement.
- Bonjour gente demoiselle. J'espère que vous êtes de meilleure humeur ce matin.
Délice rougit puis voulut s'excuser mais Giles l'interrompit:
- Je préfère que vous fassiez vos excuses une fois que vous cesserez définitivement de me voir comme un vaurien.
Délice rougit de nouveau mais n'ajouta rien. Bien qu'il ne s'agisse là que d'une métaphore car elle ne pouvait rougir ayant une ascendance Africaine. Après avoir déjeuner, elle prit un bain mais vu qu'elle avait comme unique vêtement ce qu'elle portait sur elle, Giles avait eu l'amabilité de lui offrir deux ou trois tenues. Une fois prête, elle le rejoignit sur le pont. Ensemble, ils quittèrent le titanic pour explorer la ville dans laquelle ils se trouvaient :
- Au fait où sommes nous ? S'enquit Délice.
- En Grèce, fit joyeusement Giles.
- Quoi ? Hurla-t-elle qui fit se retourner des passants. Mais es-tu devenu fou?
- Non mais vu votre manière de vous mouvoir je dirais que vous si.
- Et il se paye ma tête en plus.
Enervée, Délice séloigna de lui rapidement. De ses longues jambes, il la rattrapa en quelques enjambées.
- Délice je ne vois pas l'interêt de s'énerver de la sorte.
- Tu te rends compte? Tu m'as fait quitter la France sans mon consentement. C'est du kidnapping ou mieux du détournement de mineur. Je pourrais appeler la police.
Giles leva les yeux au ciel.
- Vous m'avez fait une promesse ne l'oublier pas. Alors si vous ne voulez plus être trimbalée d'un endroit à un autre, je vous conseille de réaliser votre promesse rapidement.
Sur ce, il tourna les talons et parti dans la direction opposée.
<< Abruti ! >> Murmura-t-elle avant de courir vers lui.
- Où allons-nous ?
- Nous allons à la rencontre du professeur Jacobsky.
- Qui? Fit Délice.
- Un professeur d'histoire très respecté, récompensé et diplomé d'Oxford.
- Euh...et pourquoi ?
Il s'immobilisa, se tourna vers elle lentement et la dévisagea en disant :
- Finalement vous n'êtes pas si intelligente que ça.