- Je suis un revenant. Vous n'avez pas idée de l'effort et du nombre d'années d'entrainement que me demande le fait de me matérialiser ainsi devant vous. Ça fait pratiquement un siècle que j'essaye de mettre la main sur cette personne.
- Ne me dis pas que je dois chercher un autre fantôme, fit Délice.
- Non rassurez-vous. C'est bien un humain. Il s'agit du dernier descendant de ma famille.
- Je croyais ta lignée éteinte, fit Délice en croisant les bras.
- C'est ce que tout le monde pense. Hors, ma tante était tombée enceinte très jeune et mon grand-père l'avait renié...
- C'est donc pour cela que l'histoire ne la mentionne pas, fit Délice. Selon l'histoire votre grand-père n'avait que votre mère pour famille.
- Oui. Il a effacé la soeur de ma mère de l'arbre généalogique. Mais ne me demandez pas comment mais je sais qu'elle a laissé dans ce bas monde un seul et unique arrière petit fils. Malheureusement j'ignore tout de lui.
- Et comment suis-je sensé vous aider ?
- Vous êtes intelligente et je suis certain que vous y parviendrez.
Délice se mit à faire les cent pas.
- C'est une histoire de fou, dit-elle. Non je ne ferais pas cela.
- Vous m'aviez donné votre parole, fit Giles piqué.
- J'étais en danger n'importe qui aurait promis n'importe quoi pour être aidé. Je peux même t'accuser d'avoir profité de la situation.
- Tiens donc. N'est-ce pas vous qui m'avez supplié de vous venir en aide avant que je vous propose quoi que ce soit ?
- Tes arguments me sont inutiles car ma décision est prise. T'es un fantôme. Donc débrouille-toi avec ton descendant.
Délice enfourcha son sac à dos.
- Je n'en suis pas un, marmonna Giles.
- Pardon ? Fit Délice qui n'avait pas compris ce qu'il disait.
- Un fantôme. Je n'en suis pas un.
- C'est ça ouais. Et moi je suis la réincarnation de Cléopâtre.
- Je ne plaisante pas.
- De toute façon que tu sois un fantôme ou pas ne me concerne pas. Je fais ma vie de mon côté et toi ta...mort de l'autre et on se dit adieu.
- Je crainds que cela soit impossible, fit Giles d'un calme troublant.
- Comment ca ?
- Je vous ai prévenu que vous ne pourrez pas faire marche arrière mais vous avez tout de même accepter. Ce pacte est irrévoquable.
Délice lui lança un regard mauvais puis sortit des toilettes. Elle rentra dans sa classe. Lorsqu'elle franchit le pas de la porte, elle fut prise de vertiges. Son professeur se précipita vers elle.
- Qui y'a-t-il ?
- Je me sens pas bien.
Claire vint également à sa rencontre.
- Dels, ça va ? Que t'arrive-t-il ? Fit la blonde très inquiète.
Le professeur appela deux gaillards pour qu'ils la conduisent à l'infirmerie.
- Je peux les accompagner ? Demanda Claire. C'est ma meilleure amie.
Le professeur accepta. Délice, soutenue par deux garçons, était conduite à l'infirmerie sous la surveillance de Claire. Et là un truc pour le moins surprenant se produisit. Beaucoup plus surprenant que sa rencontre avec un fantôme ? Et bien oui.
Un être invisible semblait tirer sur les jambes de Délice. Car ses jambes lévitèrent vers l'avant et une force invisible semblait tirer dessus. Les deux garçons se mirent à tirer Délice par les bras dans le seuns inverse. Cette dernière hurla de peur.
- Que se passe-t-il ? Fit Claire abasourdie.
- Aide-nous, fit l'un d'eux.
Claire saisie Délice par la taille et la tira également vers l'arrière. Alarmés par les cris émis par Délice et ceux qui étaient avec elle, certains professeurs et élèves un peu trop curieux vinrent à leur rencontre. Tous restèrent bouche bée devant ce spectacle hors du commun. Les trois adolescents commencèrent à lâcher prise. Et là, leur professeur de mathématiques ainsi que quelques élèves vinrent leur donner un coup de main. Mais ils ne furent pas assez forts car la force invisible l'emporta et Délice dévala le lycée les jambes en l'air et vers l'avant et le reste du corps au sol. L'on se mit à courir après l'adolescente qui criait à l'aide. Mais la force était trop rapide. Délice sortit donc de l'établissement dans cette posture et disparue au loin sous le regard impuissant de l'assemblée.
Délice ouvrit lentement les yeux. Elle voyait un lustre au-dessus de sa tête. Elle se mit rapidement sur ses pieds. Elle était dans une magnifique chambre aux nuances contemporaines et un filet de lumière pénétra par...elle n'en croyait pas ses yeux. Un hublot. Elle sortit précipitamment de la chambre. Elle se retrouva dans un immense couloir dont les murs étaient pavés de tableaux anciens connus et le sol tapissé d'un tapis en velours. Il y'avait deux femmes vêtues de robes somptueuses et le cou orné de perles. Délice passa près d'elles avec une démarche rapide et déterminée. Elle se dirigea vers la source de la musique qui flottait dans l'air. Elle parvint dans une vaste salle où dansaient des hommes et femmes richement vêtus sous la coordination d'un orchestre qui jouait ces si merveilleux airs musicaux. On se serrait cru cent ans en arrière.
Un homme était en face d'elle et lui tournait le dos. Elle voulut le toucher mais sa main - croyez le ou non - passa au travers de l'inconnu. Paniquée, elle voulut se tourner mais elle tomba au travers d'une femme.
- Des...des...des fantômes.
Délices se leva et courut jusqu'au couloir. Là, elle se heurta à quelqu'un et tomba avec délicatesse sur les fesses.
- Aie ! Se plaignit-elle.
- Vous ne tenez donc jamais en place ? Fit l'homme en face d'elle.
- Giles, lâcha-telle sans même lever la tête.
Il l'aida à se remettre debout.
- Il y'a des fantômes parmis les invités et...
Elle fit une pause, réfléchit et poursuivit :
- Pourquoi je peux vous sentir ?
- Parce que je suis pas un fantôme au cas où vous l'auriez oubliez, fit Giles. Et pour votre gouverne toutes les personnes ici, excepté vous et moi, sont des fantômes.
- Quoi ? Ce n'est pas possible. Il faut que je sorte d'ici.
- Et où iriez-vous ? Fit Giles. Nous sommes en plein océan.
- Quoi ? Hurla Délice en regardant autour d'elle. Je suis sur un navire c'est ça ? Vous m'avez mise dans un putain de bâteau.
- Surveillez votre langage, fit calmement Giles. Et ce n'est pas n'importe quel bâteau mais le fameux bâteau.
Comme Délice était longue à la détente, il ajouta :
- C'est le Titanic.
Le regard de Délice s'illumina.
- Le...
- Oui, répondit Giles.
- Waouh ! Cria Délice joyeuse. Je vais pouvoir voir Jack. Est-il aussi beau que Leonardo DiCaprio ?
- J'en sais rien, fit Giles amusé. Mais c'était juste un film vous savez. Je doute sincèrement de son existence.
- Vous connaissez tous ceux présents ici peut-être ?
- Non en effet, avoua Giles. Voulez-vous que je vous fasse visiter ?
- Et comment.
Délice et Giles firent le tour du paquebot puis passèrent des heures à danser. Enfin...sur ce navire on perdait la notion du temps donc ça aurait aussi bien pu être une journée entière ou une nuit. Délice avait pu se rendre compte qu'en plus de pouvoir passer au travers des objets, les fantômes n'avaient pas de pieds et flottaient au-dessus du sol contrairement à Giles qui était tout l'inverse.
<< Il n'est vraiment pas un fantôme. >>
Au bout d'un moment, Giles la raccompagna dans la chambre dans laquelle elle s'était réveillée.
- Reposez-vous. On accostera demain.
- Où dormiras-tu ?
- Nous autres revenants ne dormons jamais, fit-il.
- Comment fais-tu pour ne pas être fatigué ?
- Tout comme les fantômes je ne suis jamais fatigué, je n'ai non plus ni faim ni soif. Mais cette existence vide de sens nous rempli de lassitude et rend notre séjour sur terre pénible.
- Pourquoi ne quittez-vous donc pas ce monde ? Vous pourriez aller vers...la lumière.
- La lumière ? Rien que ça ? Fit Giles en éclatant de rire.
<< Il est adorable quand il rit. Il est moins...austère et moins...mort. >> Pensa Délice en prétant pour la première fois attention à son rire.
- Ils sont morts dans des circonstances atroces et leurs âmes ne peuvent reposer en paix, fit Giles redevenu sérieux. Et moi j'ai avant tout une mission à accomplir avant de me reposer. Bonne nuit gente demoiselle.
Tout en prononçant sa dernière phrase, il s'inclina devant elle puis lui baisa la main.
- Bonne nuit également à toi Giles.