La cuisine dans laquelle elle se trouvait était une cuisine typiquement Européenne. Autrement dit, la cuisine et le salon était dans la même pièce et une table de longueur moyenne se situant du coté de la cuisine servait de salle à manger. Lorsque la musique s'interrompit, Délice entendit le bruit de la sonnette de la porte vers laquelle elle se rua.
Elle ouvrit la porte et vit un livreur :
- Salut Rémy, lança l'adolescente.
- Salut Dels, fit le livreur qui ne devait pas avoir plus de vingt cinq ans.
Il sortit de son sac à dos un carton emballé dans du papier cadeau qu'il tendit à la jeune fille ainsi qu'un formulaire. La jeune fille s'empara du cadeau puis signa le formulaire.
- Bonne journée Rémy.
- Meilleure à toi.
Délice referma la porte et sauta sur le fauteuil le plus large de la pièce. Elle lut la carte qui accompagnait le cadeau :
<< A mon petit chou d'amour, joyeux anniversaire, ton père qui t'aime. >>
Délice froissa la carte et la jeta dans un coin du salon. Elle ouvrit avec entrain son cadeau. Elle en sortit un ipad qui était accompagnée d'une coque démontable personnalisable.
- Il n'a pas du se casser énormément la tête pour trouver ce cadeau, lança-t-elle méchamment.
Elle mit l'appareil à la charge puis retourna à la cuisine. Elle courut ensuite à l'étage. Là, elle prit une douche rapide puis enfila un jeans gris et une chemise rose bonbon. Elle brossa sa crinière de couleur ébène puis descendit à la cuisine. Elle enfourcha sa sacoche puis s'en alla en fermant au préalable la maison à clé. Elle grimpa sur son scooter stationné au pied de la demeure. Elle préférait de loin son bolide où ses cheveux volaient en toute liberté et le vent caressait son visage à l'emprisonnement qu'elle ressentait à chaque fois qu'elle sortait en voiture. Elle s'immobilisa un quart d'heure plus tard devant une station d'essence.
- Salut Délice, lui lança une femme blonde de forte corpulence.
- Salut Alice, répondit l'adolescente en trainant son scooter près de la dénommée.
- Comme d'hab je présume.
Délice hocha la tête et donna son moyen de transport à la blonde. Elle se dirigea ensuite vers la boutique de la station. Là, deux hommes, des motards sans doute à en juger par leurs tatouages, leurs vêtements et leurs piercings, déjeunaient là. Elle détourna son regard d'eux et s'approcha de la caisse.
- Coucou Jack, fit-elle.
- Salut princesse, répondit jovialement le cinquantenaire qui se tenait là. Que puis-je pour toi aujourd'hui ?
- Je voudrais acheter ce paquet de bonbons, fit Délice en montrant du doigt l'un des emballages de friandises qui ornaient le comptoir.
- Ça fera un euro trente.
L'adolescente sortit la dite somme de son porte-feuilles qu'elle lui tendit. Jack prit l'argent puis lui tendit un reçu.
- Bonne journée Jack, fit elle avant de s'en aller.
- Bonne journée Délice.
Tout en se dirigeant vers Alice, elle ouvrit le paquet de bonbons et en mit un dans sa bouche.
- Merci, fit-elle à Alice après avoir vérifié que le plein avait été fait.
- De rien, tu devrais dire à ton père de s'abonner également ici car il se plaind toujours de perdre du temps à cause de la recherche de sa carte bancaire.
- Ça servira à rien il m'écoute jamais, fit Délice avant de disparaître sur son scooter.
Après près d'une démi heure, Délice immobilisa son engin derrière des buissons avant d'en descendre. Elle s'avança ensuite vers l'entrée du manoir.
Elle se trouvait sur ce qui fut jadis le manoir des Devreaux. En effet, ce manoir qui a été notamment bâtit par un Devreaux en 1675, a vu se succéder depuis des siècles de hauts piliers de la monarchie. Mais malheureusement, une sorte de malédiction s'abattit sur cette famille en 1880. En effet, les hommes envoyés à la guerre se firent tous tués, la tuberculose décima bon nombre d'entre eux ainsi que des accidents qui normalement ne sont pas mortels. Et comme si cela ne suffisait pas, en 1920 l'unique héritié de cette famille, Giles de Devreaux devint un fidèle abonné des clubs de jeux et dilapida donc toute la fortune de sa famille. Ainsi lorsque la seconde guerre mondiale éclata, de famille nombreuse et puissante qu'était celle des Devreaux, elle devint minime et endettée jusqu'au cou. Le manoir fut vendu aux enchères et un politicien l'acheta. Mais il mourut dans des conditions mystérieuses. Il en fut de même pour ceux qui acquérirent la propriété par la suite. Elle fut donc déclarée comme maudite. Aujourd'hui encore, nul n'ose détruire ou rénové le manoir dont l'état se dégrade de jour en jour.
C'est pourtant là que Délice aimait passé tous ses moments libres car il y régnait un calme qu'elle trouvait apaisant, hormis bien-sûr les grincements du parquet et le bruit que faisaient les nuisibles qui y avaient élu domicile.
Elle passa par derrière comme à son habitude. En effet cet entrée était beaucoup plus distraite car cachée par les herbes et les ronces. Et de plus, la porte en bois qui y fut à une époque avait été rongée au fil des années par les termites. Elle sortit une lampe torche de son sac car bien que nous soyons au mois de Mai et qu'il est tout juste quatorze heures, l'intérieur du manoir était très mal éclairé. Elle monta les marches de l'escalier trois par trois car valait mieux pas s'y attarder. Elle arriva dans une chambre. Celle où le dernier Devreaux à y avoir séjourné était Louise de Devreaux, cousine et unique parente de Giles de Devreaux. Elle avait rendu l'âme à huit ans de suite d'une chute de cheval. Délice connaissait presque toute l'histoire de cette famille qui comment dire...la fascinait.
- Il est temps de mettre un peu de gaieté dans tout cela.
Sur ce, elle sortit son téléphone portable, lança la chanson "Cheap Thrills" de la chanteuse Américaine Sia et le volume notamment à fond. Elle se mit à tournoyer au rythme de la musique. Comme à chaque fois, son imagination débordante l'amena faire un voyage dans le temps. Elle imagina cette pièce sans les toiles d'araignée, le bois usé,...bref elle l'imagina à sa belle époque. Elle pouvait revoir les lustres et les meubles scintillants de mille feux. Les jouets d'enfants éparpillés ci et là. Et elle imagina même la petite Louise entrain de dessiner sur sa table d'étude car l'histoire racontait qu'elle avait déjà la fibre artistique.
- Drôle d'endroit pour danser, fit une voix grave qui semblait venir d'ailleurs.
Délice s'interrompit, s'empara de son téléphone et à l'aide de sa lampe torche inspecta autour d'elle et demanda soudain inquiète :
- Qui a parlé ? Où êtes-vous ?
Pour toute réponse, se firent entendre les bruits émis par les rats.
- J'ai vraiment trop d'imagination, pensa-t-elle tout haut. C'est sûrement la centième fois que je viens ici. S'il y'avait quelqu'un d'autre je le saurais.
- Vous parlez toute seule ?
A cette question, Délice sursauta et fouilla la pièce de sa torche.
- Où êtes-vous ? Si c'est une blague elle est de mauvais goût .
- Ça tappe l'incruste et ça accuse, fit la voix.
- Montrez-vous sale lâche, hurla Délice paniquée .
- Ne me donnez pas d'ordre dans ma propre demeure.
Sur ce, un vent violent sortit de nulle part souleva Délice et la fit tomber par la fenêtre.