Elle n'appartenait pas à ces personnes âgées qui se laissent aller, n'ont plus goût à manger et négligent leur apparence et leur mode de vie. Tout au contraire, son intérieur était décoré avec beaucoup de goût, elle accordait une grande attention à ses tenues vestimentaires et la gastronomie était à l'honneur. Elle cherchait de nouvelles recettes, goûtait de nouvelles saveurs et cela en dépit du fait qu'elle cuisinait de petites quantités pour elle seule. Elle était simple, sans prétention mais raffinée dans tous les domaines.
Après avoir rapporté son plateau à la cuisine, elle retournait douillettement dans son fauteuil et prenait son livre qu'elle dégustait comme un bon plat jusqu'à ce qu'elle sente la fatigue.
Ce soir, elle pensait à l'après-midi passée chez M. Platon, à sa gentillesse, sa vivacité d'esprit et sa curiosité, des qualités qu'elle appréciait particulièrement. Elle ne connaissait rien de lui et ne lui avait pas posé de questions. Elle se souvenait qu'il avait emménagé peu de temps après son arrivée et elle l'avait croisé sans jamais l'aborder. Elle avait souvent fait des rencontres inattendues au cours de son existence et avait croisé de bonnes mais aussi de mauvaises personnes. Elle ressentait que M. Platon était foncièrement bon, à l'écoute des autres tout en étant ferme dans ses convictions qu'il n'imposait pas mais expliquait posément.
Ses pensées positives l'accompagnèrent jusqu'à son lit dans lequel elle se glissa avec plaisir. Cette journée avait été riche pour elle qui vivait seule depuis si longtemps et qui avait peu l'occasion d'échanger de manière aussi débridée. Elle avait pourtant eu une vie intense et parfois mouvementée. Elle en appréciait d'autant plus sa tranquillité et ne souffrait pas de sa solitude. Son seul regret était de ne jamais avoir éprouvé la joie d'avoir un enfant. Elle se remémora sa rencontre avec son grand amour, mais, à cette époque-là, la vie lui avait déjà pris ses facultés d'enfanter.
Elle en était là de ses réflexions et de son retour vers le passé, lorsqu'elle entendit frapper à sa porte. C'était un petit toc très discret qu'elle reconnut immédiatement. Elle alla ouvrir et, sans surprise, se trouva devant Camille.
- Bonsoir Camille. Que se passe-t-il ?
- Eh bien... ça m'ennuie de vous demander cela...
- N'aie pas peur. Tu sais que tu peux me parler.
- J'ai un problème pour la garde de Léa demain. Georges est patraque et dans le doute, on préfère qu'il ne garde pas Léa au cas où il serait contagieux.
- Donc tu aimerais que je m'occupe de ta petite en attendant que Georges aille mieux ?
- Oui, c'est ça.
- C'est d'accord. Tu peux la déposer à l'école comme d'habitude et j'irai la chercher l'après-midi. Ça me fait très plaisir au contraire. Je lui préparerai des crêpes pour le goûter car, si ma mémoire est bonne, elle aime bien les crêpes.
- C'est drôlement gentil ! Merci beaucoup. Je vous laisse maintenant. À demain et bonne nuit.
- Bonne nuit Camille et surtout, ne t'inquiète pas et prends ton temps pour rentrer de ton travail demain.
Mme Aksakov savait que Camille en profiterait pour faire quelques courses avant de rentrer. Cela lui permettrait de souffler un peu. Elle avait eu tellement de chance de croiser la route de cette vieille dame au visage doux. Elle lui rappelait sa grand-mère qu'elle avait peu connue, mais qui l'aimait tant. Elle l'aurait comprise si elle était encore en vie, tout comme l'a fait Mme Aksakov.Les rêves de Léa
Moi quand je serai grande, je serai un oiseau et avec mes grandes ailes, j'irai partout dans le monde et j'aurai plein de copains et copines et j'emmènerai ma maman tout autour du monde avec moi, et on sera heureuse et ma maman elle aura un grand sourire.