CLARICE POV:
Antoine s'est penché sur moi, le visage déformé par la rage. « Tu crois que tu vas me faire chanter avec tes histoires de 'choix' et de 'bébé mort' ? » Son rire était sec, dénué de toute chaleur. « Le divorce, ce sera réglé en un coup de cuillère à pot. Et tu n' auras rien. »
Il a donné un coup de pied dans le pied de ma table de chevet, faisant tinter les ustensiles. L'image d'un enfant en colère, incapable de maîtriser ses émotions, m'est venue à l'esprit.
Je l'ai regardé, un soupir s'échappant de mes lèvres. C'était donc ça, notre fin. Une scène pathétique, avec un homme incapable de regarder la vérité en face.
« Non, Antoine. » Ma voix était calme, posée. « Je ne te demande rien. Pas d'argent. Pas de pension. Juste ma liberté. »
Il m'a regardée, confus. « Mais... pourquoi ? Pourquoi tout ça ? » Sa voix était remplie d'un étonnement sincère, comme s'il ne pouvait concevoir qu'une femme puisse le quitter sans un motif financier.
Comment lui expliquer la douleur de l'âme ? La mort de l'espoir ? Les trahisons silencieuses qui rongent plus profondément qu'une blessure physique ? Les mots me manquaient.
« Parce que je ne peux plus vivre avec un homme qui me méprise, qui me trompe, qui me laisse saigner sur le sol de sa propre fête, » ai-je dit, chaque mot pesant une tonne. « Parce que la femme que tu as aimée est morte. »
Son visage est devenu livide. Il n'avait aucune réplique. Puis, un rire amer lui a échappé. « Tu as toujours été dramatique, Clarice. » Il s'est détourné, son regard fuyant le mien. « Je ne signerai jamais ça. Tu es à moi. »
« Si tu refuses, Antoine, j'irai voir la presse. » Ma voix était un murmure, mais sa puissance a fait tressaillir Antoine. « Je raconterai tout. Vos projets communs. Les faveurs politiques. La façon dont tu as traité ta femme enceinte. »
Ses yeux se sont écarquillés. « Tu n'oserais pas. »
« Oh, j'oserais. » Un sourire froid a étiré mes lèvres. « Imagine les gros titres. Le maire modèle, père d'un enfant illégitime, trompant sa femme enceinte, la laissant pour morte. Ta carrière serait finie avant même d'avoir vraiment commencé. »
La peur a envahi ses traits. Il a vacillé, le teint vert. Bastien s'est approché, posant une main sur l'épaule d'Antoine. « Il est temps de partir, monsieur. »
Antoine a jeté un dernier regard haineux à Bastien, puis à moi. Sans un mot de plus, il s'est précipité hors de la chambre.
Un profond soupir de soulagement m'a échappé. J'étais libre. D'une certaine manière, je l'étais enfin.
Après ma sortie de l'hôpital, je n'ai pas pu retourner dans notre appartement. Chaque recoin me rappelait Antoine, ses mensonges, ma douleur. Bastien m'a aidée à trouver un petit studio en ville, loin de tout souvenir.
Il a même aidé à transporter mes quelques affaires, sans jamais poser de questions. Il était là, un roc silencieux, me permettant de reconstruire mon monde.
Un jour, il m'a présenté à un de ses amis. « C'est un architecte très respecté. Il a un projet passionnant, un centre culturel pour la ville. Il cherche quelqu'un avec de la vision. »
J'ai pris le poste, me jetant à corps perdu dans le travail. Les plans, les dessins, les maquettes. C'était une thérapie, un moyen de retrouver la Clarice que j'avais perdue. Je me suis reconstruite, pièce par pièce, brique par brique. Bastien était souvent là, à me soutenir, à m'écouter sans jugement.
Je ne savais rien de ses activités professionnelles, de son passé. Je savais seulement qu'il était mon voisin, celui qui m'avait sauvée, celui qui m'aidait à me relever.
Je ne me doutais pas que le projet culturel dont il avait parlé était le même que celui d'Antoine et Pénélope, ni que ma nouvelle vie allait m'emmener sur le chemin de leur destruction.