Brisée mais jamais vaincue
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Chapitre 3

CLARICE POV:

Antoine a claqué la portière de la voiture avec une force inutile. « Pénélope organise une petite fête pour célébrer notre victoire. Il faut y aller. » Ses mots étaient un ordre, pas une invitation. Il m'a jetée dans la gueule du loup, sans un scrupule.

Mon cœur était mort. Je n'avais plus aucune illusion, plus aucune attente. La trahison, la manipulation, la perte. Il avait tout gâché. Le divorce était mon unique horizon, ma seule porte de sortie.

La fête battait son plein. Pénélope, rayonnante dans une robe scintillante, accueillait les invités comme la maîtresse de maison. J'étais là, fantomatique, ma robe de cocktail noire semblant absorber toute la lumière.

Les murmures se sont intensifiés à mon passage. Les regards étaient lourds de jugement, de moquerie. Pénélope, elle, était la reine de la soirée, encensée par tous, son ventre arrondi à peine visible sous le tissu élégant.

« Chérie ! Tu es venue ! » Pénélope s'est approchée, un sourire glaçant sur les lèvres, ses yeux pétillant de malice. Elle a posé une main sur son ventre, un geste subtil, mais ô combien significatif.

« Antoine et moi sommes ravis de vous annoncer... nous attendons un heureux événement. Un petit Moser ! »

Un silence s'est abattu sur la pièce. Puis, une explosion d'applaudissements et de félicitations. Le monde s'est mis à tourner. Le sol s'est dérobé sous mes pieds. Mon propre ventre, vide, a hurlé en silence. La douleur était physique, brûlante. J'ai senti mes tempes battre.

Antoine m'a attrapée par le bras, sa prise douloureuse. « Clarice, tiens-toi droite. Ne fais pas de scandale. » Son chuchotement était un sifflement menaçant. Il craignait le scandale politique, pas ma douleur.

La pièce a vacillé. Je me suis sentie étouffer. Une image. Antoine. Pénélope. Leurs rires. Leurs regards. Et moi, tombant, tombant, dans un abysse de désespoir. J'ai trébuché, mon pied a heurté quelque chose.

Mon équilibre a lâché. Le monde a basculé. Je suis tombée, lourdement, le choc m'arrachant un cri. Une douleur fulgurante a traversé mon corps, venant de mon ventre.

Le temps s'est arrêté. La musique s'est tue. Tous les regards étaient braqués sur moi, étendue sur le sol, ma robe maculée. Une mare sombre s'est formée sous moi. Le sang. Encore.

La panique a éclaté. Des voix se sont élevées. « Elle saigne ! » « Appelez une ambulance ! » Les visages étaient déformés par la peur, la confusion.

Antoine a reculé, son visage blême. Pénélope, elle, s'est figée, un masque de choc et de peur à peine dissimulé par son sourire habituel. Le monde entier était témoin de mon humiliation, de ma chute, de ma tragédie.

Bastien. Il est apparu de nulle part, sa silhouette sombre fendant la foule. Son regard était intense, protecteur. Il s'est agenouillé à mes côtés. « Clarice ? » Sa voix était douce, urgente. Il a posé une main sur ma joue, et cette touche, si simple, a été un baume inattendu dans l'horreur de ce moment.

« J'ai... je saigne... » Les mots ont été difficiles à prononcer, chaque syllabe un effort.

Pénélope est intervenue, sa voix aigre. « Antoine, emmène-la. Elle fait sa crise habituelle pour attirer l'attention. C'est du chantage émotionnel. »

Antoine, son visage blême, a hésité. « Clarice, lève-toi. Cesse cette mascarade. »

J'ai regardé ses yeux froids, son dégoût. Il me laissait tomber. Encore. « Antoine... le bébé... » Ma voix n'était qu'un souffle.

« Le bébé ? » Il a ri, un rire nerveux et cruel. « Quel bébé ? Tu ne m'en as jamais parlé. Tu es juste malade. Monte dans ta voiture et va-t'en. Je ne veux pas de scandale ce soir. »

Mon cœur a cessé de battre. Mon monde s'est effondré. Il ne m'avait jamais aimée. Il n'avait jamais voulu de cet enfant. Il ne me laisserait pas m'en sortir.

« C'est ça l'homme que tu as épousé, Clarice ? » La voix de Bastien était un grondement. Ses yeux noirs fixaient Antoine avec une fureur contenue. « Vous la laissez là, saignante ? »

Antoine a balbutié. « Ce sont nos affaires ! Tu n'as rien à faire ici ! »

« Nos affaires ? » Bastien a ricané. « Un homme digne de ce nom ne laisse pas une femme dans cet état. » Il s'est tourné vers moi, ses yeux emplis de compassion. « Je vais vous emmener à l'hôpital. »

Il m'a soulevée avec une tendresse inattendue, comme si j'étais la chose la plus précieuse au monde. Mon corps, lourd de douleur et de honte, s'est blotti contre lui.

Le monde s'est à nouveau obscurci. Les voix se sont estompées. Je me suis sentie glisser dans les ténèbres, la douleur devenant trop forte, le poids de la trahison trop lourd.

Les flashs. Les bruits. Les voix paniquées. Une piqûre. La douleur. Puis le vide.

Je me suis réveillée dans une chambre d'hôpital, l'odeur antiseptique me prenant à la gorge. Bastien était assis à mes côtés, son visage tiré. Quand il a vu que j'étais consciente, un soupir de soulagement a traversé ses lèvres.

« Mon bébé... » Ma voix était un murmure à peine audible.

Ses yeux se sont emplis de tristesse. « Je suis désolé, Clarice. Ils n'ont rien pu faire. »

Les mots m'ont frappée comme un coup de massue. Le vide. Le néant. Mon bébé était parti. La douleur m'a transpercée, plus forte que toutes les trahisons, plus forte que toutes les humiliations. J'ai serré les draps, des larmes silencieuses coulant sur mes tempes.

La doctoresse est entrée, son visage grave. « Madame Olivier, vous avez subi une fausse couche complète. Le choc et le stress ont été des facteurs aggravants. Vous avez besoin de repos, d'un soutien moral. »

Antoine est arrivé tard, son visage froissé, sa chemise débraillée. Il m'a regardée, ses yeux froids balayant la pièce. « Tu aurais pu éviter ça. Tu aurais dû faire attention. » Il a posé un sac de fast-food sur ma table de chevet.

« J'ai apporté un cheeseburger. Ça te remontera le moral. »

J'ai regardé la nourriture grasse, puis le visage d'Antoine. Il ne comprenait rien. Il ne ressentait rien. Mon enfant était mort. Et il m'apportait un cheeseburger.

            
            

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