J'ai passé la matinée à emballer méthodiquement. Pas seulement ses affaires, mais les miennes aussi. Je quittais Paris. Cette ville, autrefois le foyer de mes rêves avec Damien, me semblait maintenant un mausolée de promesses brisées. Ma sœur avait de nouveau appelé, offrant son soutien, me rappelant l'installation familiale à Lyon. Une nouvelle ville, de nouvelles opportunités, une nouvelle vie. La pensée, autrefois terrifiante, me semblait maintenant une bouée de sauvetage.
Alors que je luttais avec un carton particulièrement récalcitrant de livres d'architecture, ma sonnette a retenti. Mon cœur s'est serré. Ce devait être lui. J'ai hésité, puis j'ai pris une profonde inspiration. C'était ça. La confrontation finale.
J'ai ouvert la porte. Damien se tenait là, l'air débraillé, les yeux rouges et injectés de sang. Il avait l'air de ne pas avoir dormi, un contraste frappant avec son apparence habituellement impeccable. Il avait presque l'air pitoyable. Presque.
« Alix », a-t-il commencé, la voix rauque, « je sais que tu es en colère. Mais Sidonie... elle avait vraiment besoin de moi. Elle était hystérique. Elle pensait que quelqu'un la suivait sur les quais. »
Son explication, destinée à susciter la sympathie, n'a fait que durcir ma résolution. Toujours Sidonie. Toujours son drame qui primait. « Et qu'est-ce que ça a à voir avec nous, Damien ? » ai-je demandé, ma voix plate.
Il a passé une main dans ses cheveux, l'air exaspéré. « Ça a tout à voir avec nous ! Je lui ai dit qu'elle devait prendre ses distances. Elle connaît sa place. Je lui ai crié dessus, Alix. Je lui ai dit qu'elle avait dépassé les bornes. Et elle a pleuré, elle était si bouleversée. » Il a fait une pause, comme s'il s'attendait à ce que je sois impressionnée par sa prétendue fermeté. « Elle s'est excusée. Elle a dit qu'elle comprenait à quel point tu es importante pour moi. »
Compris à quel point je suis importante ? L'ironie avait un goût amer dans ma bouche. Elle comprenait, c'est sûr. Elle comprenait comment le manipuler, comment creuser un fossé entre nous, comment s'assurer qu'elle restait la figure centrale de sa vie. Et lui, dans sa lâcheté pathétique, prenait sa manipulation pour un remords sincère.
« Tu lui as crié dessus », ai-je répété, ma voix vide d'émotion. « Et elle a pleuré. Et ça arrange tout ? »
Il est entré dans l'appartement, remarquant les cartons emballés. Ses yeux se sont écarquillés, une lueur de panique remplaçant son épuisement. « Qu'est-ce que c'est que tout ça ? Alix, qu'est-ce que tu fais ? »
« Je pars », ai-je déclaré, simplement. « Je vends l'appartement. Je déménage. »
Sa mâchoire est tombée. « Déménager ? Où ? Et nous alors ? On est censés se marier. On a une vie ici. » Il a fait un vague geste autour de l'appartement, sa main tremblant.
« On était censés se marier, Damien », l'ai-je corrigé, ma voix d'un calme glaçant. « Mais c'était avant que je découvre que tu as activement saboté notre mariage pendant quatre ans. C'était avant que tu choisisses ton assistante obsessionnelle plutôt que moi, plutôt que notre avenir, encore et encore. »
« Non ! » Il a fait un pas vers moi, les yeux écarquillés, suppliants. « Alix, tu ne comprends pas. Ce n'est pas comme ça. Je t'aime ! Je t'ai toujours aimée. Sidonie... c'est juste une responsabilité. Une obligation. »
Une obligation. C'était son excuse. Mon cœur, qui avait été brisé, se sentait maintenant complètement dégoûté. « Est-ce une obligation, Damien, ou est-ce la femme que tu choisis constamment ? La femme dont les besoins émotionnels l'emportent toujours, toujours sur les miens ? » J'ai montré les cartons. « Tu vois ça ? Ce sont les restes d'une vie que tu m'as promise, une vie que tu as été trop lâche pour construire. »
Il a regardé les cartons, puis m'a regardée, son visage un masque d'incrédulité. « Tu es sérieuse. Tu pars vraiment. »
« Oui. » Ma voix était ferme. « J'en ai fini d'attendre que tu me choisisses. J'en ai fini avec les mensonges, avec la tromperie, avec le fait d'être constamment en deuxième position derrière ton assistante "fragile". »
Avant qu'il ne puisse répondre, son téléphone, qu'il tenait lâchement dans sa main, a vibré. C'était un SMS. J'ai vu l'aperçu sur l'écran. De Sidonie. « Damien, j'ai si peur. Je crois que quelqu'un est devant mon appartement. Je suis toute seule. »
Il a jeté un coup d'œil au message, puis à moi. Ses yeux ont vacillé, une panique familière commençant à s'installer. Il était pris entre sa façade qui s'effritait avec moi et la crise fabriquée de Sidonie. Et à ce moment-là, j'ai su avec une certitude absolue qu'il la choisirait, une fois de plus.
« Alix », a-t-il commencé, la voix tendue, « je... je dois... »
« Y aller », ai-je terminé pour lui, ma voix froide, précise. « Va être le héros de Sidonie. Tu es clairement meilleur à ça qu'à être un fiancé. »
Il a hésité, un regard de profonde culpabilité et d'indécision sur son visage. Il voulait argumenter, plaider, mais les mots de Sidonie, sa détresse fabriquée, l'avaient déjà éloigné. Il s'est retourné, se précipitant hors de mon appartement, laissant la porte entrouverte, me laissant entourée de mes cartons emballés et de la dure réalité de ma solitude.
Alors qu'il courait dans le couloir, j'ai vu un éclair de mouvement devant ma porte. Sidonie. Elle se tenait là, un petit sourire triomphant jouant sur ses lèvres. Elle a croisé mon regard, ses yeux froids, victorieux. Elle n'avait pas du tout été en danger. Elle avait été là, attendant, regardant, orchestrant son départ. Son SMS, sa fausse détresse, n'était qu'une tactique pour l'éloigner, pour s'assurer que je ne pourrais pas porter le coup de grâce.
Un frisson glacial m'a parcouru l'échine. Elle était bien plus manipulatrice que je ne l'avais jamais cru. Et Damien, dans son aveuglement, était complètement son pion.
J'ai fermé la porte, le clic résonnant dans l'appartement soudainement silencieux. Les derniers restes de mon amour pour lui, les derniers vestiges d'espoir, s'étaient finalement évaporés. Il m'avait quittée pour elle, au moment même où j'essayais de mettre fin aux choses. Ce n'était pas seulement une trahison ; c'était une confirmation finale et accablante. J'en avais vraiment, irrévocablement, fini. Mon cœur était un terrain vague, mais ma résolution était solide. Paris était derrière moi. Un nouvel avenir m'attendait.