Enceinte De L'Homme Qui M'a Abandonnée
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Enceinte De L'Homme Qui M'a Abandonnée

Gavin
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Chapitre 1

Cinquante-deux. C'est le nombre exact de fois où Raphaël a repoussé notre mariage. Pour lui, j'avais tout abandonné : mon nom prestigieux, ma fortune et ma famille, acceptant de devenir sa simple secrétaire pour ne pas blesser son ego d'homme ambitieux.

Mais ce soir-là, quand Marie est entrée sans frapper pour s'asseoir sur ses genoux en geignant pour une cheville tordue, Raphaël m'a regardée avec des yeux vides, comme on regarde un vieux meuble.

« Pas ce soir, Claire. Marie a besoin de moi. Tes histoires de robe blanche attendront la prochaine fois. »

C'était la cinquante-troisième fois. L'humiliation de trop. Le pire est arrivé quelques jours plus tard. Alors que je vomissais mes tripes, enceinte de lui sans qu'il le sache, il m'a laissée seule sur le carrelage froid pour courir rejoindre Marie qui avait eu un simple accrochage. Pour elle, il a exigé une suite VIP à l'hôpital ; pour moi, il n'avait que de l'indifférence.

Il m'a lancé avec arrogance avant de partir :

« Tu n'es rien sans moi, Claire. Tu reviendras quand tu auras fini ton caprice. »

Il ignorait tout. Il ne savait pas que la "petite provinciale" qu'il méprisait était en réalité l'héritière du puissant cabinet Delcourt, celui-là même qu'il vénérait comme un dieu.

J'ai signé ma démission, brisé le bracelet qu'il ne m'avait jamais offert et repris ma véritable identité.

Un mois plus tard, quand il a découvert qui j'étais vraiment et qu'il est venu ramper sous la pluie devant ma clinique, tremblant et suppliant pour voir son enfant, je l'ai regardé sans ciller.

« La femme qui t'aimait est morte, Raphaël. Tu l'as tuée. »

Chapitre 1

Claire POV

Cinquante-deux.

C'est le nombre exact de fois où Raphaël a repoussé notre mariage.

Je n'ai pas pleuré. Mes larmes se sont taries quelque part aux alentours de la quarantième annulation. Aujourd'hui, il ne reste que le silence. Un silence lourd, épais, qui sature mes oreilles et étouffe jusqu'aux battements de mon cœur.

Je tends la main vers le cadre photo posé sur le coin de mon bureau. C'est nous, il y a cinq ans. Il me regarde avec cette intensité qui me faisait croire que j'étais la seule personne au monde.

Je retire la photo du cadre. Le geste est lent, chirurgical.

Je la laisse glisser dans une boîte en carton marquée d'un seul mot au marqueur noir : Retour.

Dehors, la ville A gronde. Les voitures, les gens, la vie qui s'obstine. Mais ici, dans ce bureau vitré, le temps s'est figé. Je scrute mon reflet dans la vitre. Je ne reconnais pas la femme qui me fixe en retour. Elle semble calme. D'un calme effrayant. C'est la sérénité de celle qui vient de réaliser qu'elle est morte depuis longtemps.

Un rire traverse la cloison.

C'est un rire aigu, cristallin. Celui de Marie.

Puis, la voix grave de Raphaël. Il rit avec elle.

Ce son me traverse la poitrine comme un éclat de verre. Je ne fais pas partie de leur monde. Je suis devenue un meuble. Une plante verte oubliée dans un coin, qu'on arrose par pure habitude.

La porte de mon bureau s'ouvre. Je ne sursaute même pas.

Marie entre. Elle ne frappe jamais.

Elle presse un dossier bleu contre sa poitrine, mais ses yeux ne sont pas sur le travail. Ils brillent d'une excitation malsaine, prédatrice.

- Raphaël est là ? demande-t-elle. J'ai besoin de lui pour ce dossier. C'est urgent.

Elle ne m'appelle pas par mon nom. Je ne suis que l'obstacle inanimé entre elle et lui.

Elle ne m'attend pas. Elle traverse la pièce qui relie mon bureau au sien.

Une odeur sucrée, écœurante, envahit l'espace. Vanille et musc bon marché. C'est l'odeur de l'intrusion. Elle s'accroche à mes vêtements, à mes cheveux, chassant l'arôme rassurant du vieux papier et de l'encre juridique que j'aimais tant.

Je me lève. Mes jambes sont lourdes, comme du plomb, mais je les force à avancer.

Je m'arrête sur le seuil.

Raphaël est assis sur le bord de son bureau massif en acajou. Marie a pris place sur sa chaise, sa jambe nonchalamment posée sur les genoux de mon fiancé.

- Aïe, doucement, Raphaël, gémit-elle.

- J'ai dû me tordre la cheville en venant.

Il masse sa cheville. Ses gestes sont précis, attentionnés. Des doigts qui, autrefois, ne touchaient que moi avec cette tendresse.

Il ne me voit pas. Ou pire, il choisit de ne pas me voir.

- Ça va aller, murmure-t-il. C'est juste une petite foulure.

Je sens un goût métallique, le goût du sang, envahir ma bouche. Je m'approche.

- Raphaël.

Il lève la tête. Ses yeux sont vides lorsqu'ils se posent enfin sur moi. Comme s'il parcourait un rapport comptable ennuyeux.

- Quoi, Claire ?

- Tu m'avais promis qu'on parlerait du mariage ce soir. Après le travail.

Ma voix est stable. C'est un miracle. À l'intérieur, mon estomac se tord, formant un nœud serré, douloureux. Une corde invisible qui m'étrangle de l'intérieur.

Il soupire. Un soupir long, exaspéré. Il lâche la cheville de Marie et attrape un dossier au hasard sur son bureau. Il le feuillette sans le lire, fuyant mon regard.

- Oh, le mariage... Pas ce soir, Claire. Marie a un dossier urgent. On doit régler ça. La prochaine fois.

La prochaine fois.

La cinquante-troisième fois.

Marie lève les yeux vers moi. Il y a une lueur de triomphe dans son regard. Elle esquisse un sourire en coin, méprisant.

- Désolée, Claire, dit-elle d'une voix qui dégouline de fausse sympathie. Les affaires de Raphaël sont un peu plus importantes que tes histoires de robe blanche, non ?

Mes doigts tremblent. Juste une fraction de seconde.

Je les dissimule rapidement derrière mon dos. Je serre mes poings si fort que mes ongles s'enfoncent dans ma paume, cherchant la douleur.

La douleur est bonne. Elle me garde ancrée dans le réel.

Je me souviens de Paris. Des pavés humides sous la pluie. De Raphaël à genoux, me promettant un foyer, de l'amour, une vie entière. Il était brillant, ambitieux, animé par cette rage de vaincre qui m'avait séduite. J'ai tout quitté pour cette rage.

J'ai quitté ma famille. Mon nom. Ma vie.

Pour devenir ça. Une spectatrice muette de ma propre humiliation.

Marie n'est pas juste une collègue. Elle est le cancer qui a métastasé dans notre couple. Elle est partout. Dans ses sourires, dans ses priorités, dans ses silences.

Mon regard tombe sur le coin du bureau.

Une petite boîte rouge. Cartier.

C'était censé être mon cadeau pour notre premier anniversaire de fiançailles. Il y a quatre ans. Il ne me l'a jamais offert. Il l'a oublié là, enseveli sous une pile de dossiers, exactement comme il m'a oubliée.

- Bien sûr, dis-je.

C'est tout ce que je dis.

Je me retourne. Je marche vers la sortie. Mon dos est droit, ma colonne vertébrale soudainement d'acier.

Je retourne à mon bureau. Je m'assois devant mon ordinateur. L'écran lumineux me brûle les yeux, mais je ne cille pas.

J'ouvre un nouveau document.

Je tape trois mots.

Lettre de démission.

Mes doigts volent sur le clavier. Chaque mot est un coup de marteau qui brise les chaînes invisibles qui me retenaient ici. Je ne demande pas de négociation. Je ne demande pas d'explication.

Je démissionne de ce poste. Je démissionne de cette vie. Je démissionne de lui.

J'imprime la feuille. Le vrombissement rythmé de l'imprimante est le plus beau son que j'ai entendu depuis cinq ans.

Je signe mon nom au bas de la page. L'encre noire brille sous la lumière artificielle.

Ce n'est pas juste du papier. C'est un passeport.

- Ça suffit, Claire, je murmure à la pièce vide.

Ma voix ne tremble plus.

- Tu lui as donné cinq ans. Tu t'es cachée pendant cinq ans. Tu te dois un nouveau départ.

Je regarde par la fenêtre. Au loin, j'imagine les lumières de Paris. Là-bas, il y a mes parents. Il y a ma fierté. Il y a la femme que j'étais avant de devenir l'ombre de Raphaël.

Je ne suis plus triste.

Je suis prête.

            
            

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