Une boîte en velours traîne au fond. À l'intérieur, le bracelet en jade qu'il m'avait offert pour nos premiers mois. Il est fissuré. Je l'avais réparé moi-même avec de la colle forte, parce qu'il refusait de le faire réparer.
Je le prends. Je le laisse tomber dans le sac poubelle noir ouvert à mes pieds.
Puis, je vois l'autre boîte. Celle que j'ai récupérée sur son bureau hier. Le bracelet Cartier.
Je l'ouvre. L'or brille, insolent d'innocence.
Je le prends dans ma main et marche vers la cuisine. J'ouvre la trappe du vide-ordures de l'immeuble.
Je ne le jette pas tout de suite. Je le pose sur le sol, puis je prends le marteau que j'utilisais pour accrocher nos photos.
Et je frappe.
Une fois. Deux fois.
L'or se tord. Les petits diamants sautent et s'éparpillent sur le carrelage.
Je ramasse les débris et je les jette dans le conduit sombre.
"Fin de la pièce," dis-je à voix haute. "L'actrice secondaire quitte la scène."
Les semaines suivantes passent dans un flou hyperactif. Je trie, je jette, je vends. Raphaël brille par son absence. Il est occupé avec Marie. Toujours Marie.
La veille de mon départ, je suis prête. Mes valises sont bouclées. L'appartement est vide de mon âme.
Je suis au lit quand mon téléphone vibre.
Raphaël.
"Descends. Je suis en bas. Il faut qu'on parle."
Je me lève. J'écarte le rideau.
Il est là, appuyé contre sa voiture de sport. Il a l'air agité. Il fait les cent pas. Il fume, alors qu'il avait arrêté pour moi.
Il lève la tête. Il me voit. Il fait un geste impérieux de la main. Viens.
Je le regarde. Je ne bouge pas. Je ne descends pas.
Son visage change. De l'impatience à la surprise. Puis, une sorte de peur. Il comprend qu'il a perdu son emprise.
Je laisse retomber le rideau.
Je retourne me coucher. Je ferme les yeux. Je suis épuisée, vidée.
Soudain, une vague.
Pas de tristesse. De nausée.
Je me lève d'un bond. Je cours vers la salle de bain pour la énième fois cette semaine.
Quand je me redresse, je regarde le bâtonnet en plastique posé sur le rebord du lavabo. Je l'avais fait ce matin, sans vraiment y croire. J'avais oublié de regarder le résultat dans la frénésie du départ.
Deux lignes rouges.
Le monde bascule. Le carrelage se dérobe sous mes pieds.
Enceinte.
Je porte l'enfant de l'homme que je suis en train de fuir.
Mes mains tremblent si fort que je fais tomber mon téléphone. Je le ramasse. L'écran s'allume.
Une notification Instagram.
Marie.
Une photo d'elle et Raphaël. Ils sont proches, trop proches. Sa main à lui est posée sur le ventre de Marie.
La légende : "Une petite surprise en route. Tellement hâte. "
Le souffle me manque. Je suffoque.
Un message d'Élodie, la seule collègue qui me parle encore, apparaît en haut de l'écran.
"Claire... tu as vu ? Tout le monde dit que Marie est enceinte de Raphaël. C'est vrai ?"
Je m'assois par terre. Le froid du sol traverse mon pyjama.
Je suis enceinte. Elle est enceinte.
C'est une plaisanterie cosmique. Une cruauté du destin.
J'entends du bruit dans le couloir de l'immeuble. La propriétaire qui passe. Je cache le test de grossesse dans ma poche comme s'il s'agissait d'une arme du crime.
Dehors, le moteur de la voiture de Raphaël vrombit.
Je me relève péniblement et retourne à la fenêtre.
Il est au téléphone. Je vois ses lèvres bouger. Il a l'air inquiet, tendre.
Il raccroche. Il monte dans sa voiture et démarre en trombe.
Il part la rejoindre.
Il court vers elle et son "bébé".
Et moi ? Je suis là, seule, dans le noir, avec son enfant dans mon ventre. Un enfant qu'il ne connaîtra jamais.
Je pose ma main sur mon ventre plat.
"Tu n'auras pas de père," je murmure. "Mais tu n'auras pas de traître non plus."
La nuit est glaciale. Je frissonne.
Tout mon plan était parfait. Partir, recommencer. Mais maintenant... maintenant, je ne suis plus seule. Et ça change tout.
Je ne sais plus où je vais. Je sais juste que je dois partir loin de cet homme qui a détruit ma vie deux fois en une seule soirée.