Chapitre 4 Chapitre 4

Chloé Parker était partie quand Elivia avait huit ans.

Ce jour-là, c'était l'anniversaire de Jeff. Elivia était joyeuse, pressée de rentrer pour célébrer avec son père. Elle ignorait que le divorce de ses parents l'attendait à la maison.

Elle avait couru après sa mère, dévalant les escaliers, tombant en route. Sans même remarquer qu'elle avait perdu ses chaussures, elle s'était accrochée aux jambes de Chloé, criant : « Maman, ne pars pas ! »

La femme s'était penchée, lui avait caressé les joues et murmuré : « Je suis désolée. »

« Maman, je suis première de ma classe ! Tu n'as pas encore vu mes copies, tu dois les signer. Ne pars pas, maman. Je serai sage, je ne retournerai plus à la fête foraine. Je ne te mettrai plus en colère. Je t'écouterai, s'il te plaît... »

La fillette paniquée avait vidé son cœur, disant tout ce qui lui venait à l'esprit pour retenir sa mère. Mais Chloé s'était contentée de lui dire que son mariage avec Jeff était malheureux et qu'elle avait trouvé ailleurs le bonheur qu'elle cherchait.

Peu après, Elivia avait vu un inconnu aider Chloé à charger ses valises dans une voiture. Sa mère était partie main dans la main avec cet homme. Elivia avait couru derrière la voiture pendant un kilomètre, pieds nus, avant de s'effondrer.

Ses pieds et ses genoux saignaient. Elle fixait la voiture qui s'éloignait, consciente qu'elle ne la rattraperait jamais.

À l'époque, elle ne comprenait pas. Devenue adulte, elle sut que sa mère avait été surprise à tromper son père et avait choisi de divorcer, laissant tout derrière elle, y compris sa fille.

Chloé ne l'avait jamais recontactée, et Elivia la haïssait profondément. Elle souhaitait ne plus jamais la revoir.

Mais le destin en décida autrement. Sa gorge se serra, ses jambes devinrent lourdes.

Chloé, devinant les pensées de sa fille, s'approcha et l'invita à s'asseoir près d'elle. « Je sais que tu me détestes. Tu étais petite. Beaucoup de choses n'étaient pas aussi simples qu'elles le paraissaient, et je n'ai pas pu te les expliquer. »

Elle lui caressa les joues. « Regarde-toi, tu as grandi. Liv, maintenant que je suis de retour, je resterai ici pour de bon. Je sais ce qui est arrivé à la famille Grayson. Peu importe, je prendrai soin de toi. »

Alors Elivia comprit que sa prétendue haine n'avait plus de sens. Sa voix se brisa quand elle appela : « Maman ! »

« Ma chère, puisque tu es là, reste dîner. Chris a pris soin de moi ces dernières années. Il a une fille, un peu plus âgée que toi. Elle vient dîner avec son fiancé. Je te la présenterai. »

Mais Elivia n'avait aucune envie de s'intégrer à cette nouvelle famille. Elle coupa court : « Maman, je suis venue pour papa. Notre famille est ruinée. Il a fait un infarctus et je n'ai pas les moyens de payer son opération. Peux-tu m'aider ? Je te rembourserai. »

Chloé n'avait pas encore répondu qu'une voix familière retentit.

« Madame Grayson, vous êtes vraiment désespérée, au point de venir chez moi pour demander de l'argent ? »

Le choc fut brutal. Elivia se tourna vers la porte, incrédule.

Mélissa et Axel se tenaient là.

Le destin semblait se moquer d'elle. Sa mère était devenue la belle-mère de Mélissa.

Le mari et la mère d'Elivia faisaient désormais partie de la même famille. Et tous deux la surprenaient en train de mendier.

Axel remarqua son trouble, mais resta impassible.

Un cri d'enfant brisa le silence. Une domestique entra, poussant une poussette double. Les bébés se mirent à pleurer, et Axel prit aussitôt l'un d'eux, le berçant avec aisance.

L'image d'une famille parfaite se forma sous ses yeux. Si son propre enfant avait survécu, il aurait eu le même âge.

Elivia regretta d'être venue. Elle se sentait humiliée. L'un des bébés pleurait sans arrêt. La bonne s'affairait, mais rien n'y faisait.

Calme, Axel continuait à bercer l'enfant. « Allons, ne pleure pas. »

Voir cet homme si grand tenir un bébé avec douceur la troubla. Devant cette scène, une idée traversa son esprit.

Elle s'approcha et prit le bébé. Étonnamment, Axel ne s'y opposa pas. Plus surprenant encore, l'enfant cessa aussitôt de pleurer et lui adressa un sourire.

Un léger sourire apparut sur les lèvres d'Axel, et son regard s'adoucit. L'enfant rit et balbutia : « Ama... »

Ses petites mains attrapèrent le pompon de son bonnet, tout sourire, tandis qu'Axel restait figé.

Elivia sentit une douleur la transpercer, brisant le peu de force qui lui restait.

Elle avait cru qu'il l'aimait vraiment. Il avait été attentionné au début de leur mariage.

Elle se souvenait encore de ses mots : « Liv, faisons un bébé. »

Comment aurait-elle pu refuser ?

Elle avait quitté ses études pour tomber enceinte sans hésiter.

Mais maintenant elle comprenait. Chaque fois qu'il partait à l'étranger, il retrouvait une autre femme.

Une nausée la saisit. Elle rendit le bébé à Axel et courut aux toilettes, qu'elle verrouilla aussitôt.

Elle n'avait presque rien avalé. Quand elle vomit, il n'en sortit qu'un mélange de sang et de médicaments. Le rouge emplissait sa vision tandis que des larmes coulaient.

« Parfait, vraiment parfait », pensa-t-elle.

Son mariage n'avait été qu'un mensonge. Tout prenait sens.

Axel avait choisi de sauver Mélissa ce jour-là, pas elle. Il était resté auprès d'elle quand elles avaient accouché prématurément, parce que les enfants de Mélissa étaient les siens.

On frappa à la porte.

« Liv, tu vas bien ? » C'était Chloé.

Elivia nettoya les traces, s'aspergea d'eau et sortit en vacillant.

Ignorante de tout, Chloé demanda : « Tu es malade ? »

« Rien que de les voir me donne la nausée. Maintenant que j'ai vomi, ça va mieux. »

« Tu connais Mélissa ? Elle vit souvent à l'étranger. Il y a un malentendu ? Voici Axel... »

« Je sais », coupa Elivia, la voix glaciale. « Axel Mindy, le président du groupe Mindy. Qui ne le connaîtrait pas ? »

« Oui, un jeune homme brillant et prometteur. »

« En effet. Il n'est même pas encore divorcé qu'il parle déjà mariage. Peu de gens oseraient une telle audace. »

Chloé la regarda, confuse. « Que veux-tu dire ? Il n'est pas marié, pourquoi parler de divorce ? »

Le sourire d'Elivia resta froid. « Vraiment ? Alors dis-moi, monsieur Mindy, qui suis-je, si vous n'êtes pas marié ? »