Chapitre 6 Chapitre 6

Le décor autour d'elle respirait la tranquillité et la richesse. Tout, dans ce paysage, rappelait les quartiers aisés : les jardins parfaitement entretenus, les grands arbres alignés, l'air paisible. On devinait d'un simple regard qu'ici, seuls vivaient les privilégiés.

Les domestiques accueillirent Elena et ses deux enfants avec déférence. Ils les guidèrent à travers la cour, silencieux mais respectueux, jusqu'à l'entrée principale.

« Elena, enfin te voilà... »

Madame Lopez se tenait là, droite malgré son âge, attendant depuis longtemps déjà. En voyant Elena s'avancer, son regard se troubla. Devant elle, ce n'était plus seulement sa petite-fille qu'elle voyait, mais l'ombre de sa propre fille disparue trop tôt. La douleur d'avoir perdu son enfant ressurgit, mêlée à la compassion qu'elle éprouvait pour la vie difficile d'Elena et pour la fragilité de Clémence, la petite arrière-petite-fille marquée par les épreuves.

« Grand-mère... »

Elena posa son front contre l'épaule de la vieille dame. Elle resta immobile, profitant de cet instant rare de réconfort. Hormis ses enfants, il n'y avait qu'une seule personne qu'elle aimait profondément : cette femme qui l'avait toujours soutenue.

Depuis quatre années, Elena vivait loin, dans une petite ville à l'étranger. Sa grand-mère n'avait cessé d'envoyer des émissaires pour tenter de la convaincre de revenir. Mais Elena avait hésité, sachant que la majorité des Lopez ne verraient pas son retour d'un bon œil. Elle avait repoussé l'échéance, encore et encore.

« Alors, vous êtes Evan et Clémence... » dit Madame Lopez en se penchant vers les enfants. « Vous êtes vraiment adorables. »

Elle effleura leurs visages du bout des doigts. Evan répondit par un sourire doux.

« Arrière-grand-mère. »

Clémence, elle, recula d'un pas. Ses grands yeux s'assombrirent et son joli visage se referma dans une expression distante.

La vieille dame savait déjà tout de leur situation. Elle soupira doucement.

« J'ai pris les devants et contacté un médecin. Il viendra examiner Clémence dans quelques jours. »

Elena ne nourrissait pas beaucoup d'espoir. Les blessures de sa fille ne se guérissaient pas par une simple visite médicale. Pourtant, elle hocha la tête, reconnaissante malgré tout, et conduisit les enfants à l'intérieur.

Le manoir principal rassemblait la lignée directe des Lopez. Dans le grand salon, ils étaient tous présents : oncles, tantes, cousins. L'ambiance était feutrée mais lourde d'attente.

« Maman, pourquoi grand-mère nous a-t-elle réunis aujourd'hui ? » demanda Clara Lopez, nerveuse. Vingt-huit ans, mariée et installée ailleurs, elle n'aurait normalement pas dû être ici. Le rappel de sa grand-mère avait éveillé sa curiosité.

L'aînée de la famille but une gorgée de thé, lente et posée.

« Ta grand-mère est âgée. Si elle insiste autant pour nous rassembler, je crains que ce ne soit en rapport avec son testament. »

« Son testament ? » répéta Clara, les yeux soudain brillants. Mariée dans une autre maison, elle s'était détachée du manoir principal. Pourtant, si sa grand-mère la faisait revenir, cela pouvait signifier qu'elle n'était pas oubliée dans la répartition de l'héritage. L'idée seule suffisait à exciter son imagination.

Elle n'était pas la seule. Tout autour d'elle, les autres Lopez calculaient déjà ce que cela pouvait impliquer. Les regards se croisaient, emplis d'avidité silencieuse. Chacun songeait à sa part éventuelle, à l'influence que ce testament pouvait leur apporter.

Mais la conversation s'interrompit lorsque Madame Lopez entra enfin dans la pièce. À ses côtés marchait une jeune femme en jean et chemise, les cheveux longs tombant librement dans son dos. Simplement vêtue, elle dégageait pourtant une élégance rare. Une beauté saisissante, naturelle, qui frappait de plein fouet tous ceux présents. Son allure, à la fois distinguée et détachée, ne ressemblait à aucune autre dans toute Sea City.

Clara la fixa. Une impression de déjà-vu l'envahit. Et soudain, elle comprit.

« Elena, voici tes oncles et tantes, » dit calmement Madame Lopez. « Va les saluer. »

Elena s'avança, le sourire paisible.

« Oncle Martin, tante Lydia, oncle Victor, tante Clara... »

Elle inclina la tête vers chacun. Le silence retomba aussitôt dans le salon. Tous la regardaient, figés.

« Elena ? » souffla Clara, incrédule. « Elena Dalton ? Mais... tu n'étais pas morte depuis quatre ans ? »

« Quelle absurdité ! » trancha Madame Lopez avec fermeté. « Elena ne voulait simplement pas attirer les regards. Je ne vous ai rien dit, voilà tout. »

Les Lopez restèrent bouche bée. Leurs yeux s'arrondissaient de stupeur. Comment rester impassible face au retour d'une disparue supposée morte ? Pourtant, à voir l'assurance de Madame Lopez, il était évident qu'elle avait toujours su. Elle avait choisi le silence.

Le regard de Lydia glissa sur les deux enfants derrière Elena. Sa bouche se tordit de mépris.

« Alors, Elena, tu es revenue avec deux autres bâtards ? »

Le mot fit jaillir la colère dans les veines d'Elena. Elle releva la tête, ses yeux lançant des éclairs.

« Tante Lydia, permettez-moi de vous rappeler que lorsque vous avez épousé dans la famille Lopez, vous étiez déjà enceinte de Clara. Dois-je aussi traiter votre fille de bâtarde ? »

« Toi ! » siffla Lydia, rouge de rage. Elle fulminait, prête à bondir. « Insolente ! »

Son passé lui revenait en pleine figure. Une grossesse avant le mariage, dans la haute société, avait suffi à la couvrir de honte pendant des années. On avait fini par oublier cette histoire, mais aujourd'hui, Elena venait de la ramener au grand jour. Le coup était brutal.

Clara se leva à son tour, furieuse.

« Elena ! Comment oses-tu m'insulter dans le manoir des Lopez ?! Tu n'as pas ce droit ! »

« Assez ! » tonna Madame Lopez.

Sa voix résonna dans tout le salon. Le silence se fit aussitôt. Elle passa son regard sévère sur chacun, un à un.

« Que personne ne se permette plus jamais d'appeler les enfants d'Elena des bâtards. Celui qui osera sera puni. »

L'avertissement claqua comme un coup de fouet. La jeune génération baissa la tête, vexée mais résignée. Pourtant, au fond d'eux, l'amertume grandissait. Pour eux, c'était une injustice flagrante.

Ils n'avaient pas oublié. La mère d'Elena, fille unique de Madame Lopez, avait toujours été traitée comme un trésor. À son mariage, elle avait reçu une dot colossale, vingt millions de dollars pour lancer la Dalton Corporation. Rien n'était trop beau pour elle. Et après sa mort, ils avaient cru que la vieille dame reporterait son affection sur eux. Mais non. C'était Elena qui avait pris cette place, devenue le centre de toute son attention.

Qu'avait-elle bien pu recevoir de sa grand-mère au cours de ces quatre années ? Personne ne le savait. Mais leur jalousie enflait, se muant en rancune.

Elena voyait clair dans leurs pensées. Elle les observait un à un, les jalousies mal contenues, les rancunes à peine masquées. Pourtant, elle se contenta de sourire, calme et silencieuse.