« Oh, Ambre, tu es là ! » a gazouillé Estelle, sa voix dégoulinant d'une fausse douceur. « Viens, rejoins-nous ! Julien a préparé tout ça pour toi. »
Le mensonge était si flagrant, si insultant.
« Je n'ai pas faim, » dit Ambre, sa voix froide.
Le visage d'Estelle s'est décomposé. Des larmes ont instantanément rempli ses yeux. « Oh, Ambre, je sais que tu es en colère contre moi. Mais je te jure, Julien et moi ne sommes que des amis. Je ne me mettrais jamais en travers de ton bonheur. Je vous souhaite à tous les deux le meilleur. »
Elle s'est levée et a essayé de prendre la main d'Ambre. « S'il te plaît, ne me laisse pas gâcher ton dîner. Je vais partir. »
Ambre a retiré sa main comme si elle s'était brûlée.
Estelle a reculé en trébuchant, poussant un cri théâtral en s'effondrant sur le sol. « Ma cheville ! Celle que je me suis blessée au gala ! Je crois que tu l'as ré-blessée ! »
Le visage de Julien s'est assombri de colère. Il s'est dressé au-dessus d'Ambre. « Quel est ton problème ? Tu ne vois pas qu'elle essaie de faire la paix ? »
Le cœur d'Ambre semblait être un poids de plomb dans sa poitrine. « Julien, » a-t-elle demandé, sa voix tremblant légèrement. « Y a-t-il quelque chose sur cette table que je puisse manger ? »
Elle a vu une lueur de reconnaissance dans ses yeux alors qu'elle mentionnait ses allergies. Le bar. Le homard. Il se souvenait. Pendant une seconde, sa façade en colère s'est effritée, remplacée par un air de culpabilité.
« J'ai... j'ai oublié, » a-t-il balbutié.
Il a tendu la main vers elle. « Viens. Je t'emmène dîner. On ira où tu veux. »
C'était une tentative pathétique de trêve, mais avant qu'elle ne puisse répondre, un grand bruit est venu du sol. Estelle s'était « évanouie », renversant une chaise.
Julien a lâché la main d'Ambre comme si elle était un fer rouge. Il s'est précipité aux côtés d'Estelle, son visage gravé d'inquiétude. « Stel ! Réveille-toi ! »
Les yeux d'Estelle se sont ouverts en papillonnant. « Julien... je suis tellement désolée... je crois que je suis juste faible à cause du stress... »
Il l'a soulevée dans ses bras. « Je t'emmène à l'hôpital. »
Alors qu'il la portait devant Ambre, Estelle a ouvert les yeux. Elle a regardé directement Ambre et lui a adressé un petit sourire triomphant.
Le message était clair. Je gagne. Je gagne toujours.
Ambre les a regardés partir, les larmes coulant enfin. Des larmes chaudes et silencieuses de défaite totale. Il choisirait toujours, toujours son obsession toxique plutôt que la femme qui lui avait sauvé la vie.
Une heure plus tard, son téléphone a vibré. C'était un SMS de Julien. « Estelle va bien. Le médecin veut la garder en observation pour la nuit. Il pense qu'elle pourrait avoir une commotion cérébrale suite à la chute. Viens à l'hôpital. »
Une commotion cérébrale ? D'une chute sur un tapis moelleux ? Le mensonge était presque risible. Mais un nœud froid d'effroi s'est resserré dans son estomac. Malgré tout, une partie d'elle, la partie soignante, s'inquiétait pour Julien.
Elle a conduit jusqu'à l'hôpital, son esprit un brouillard engourdi. Elle a marché dans le couloir de l'aile privée et s'est arrêtée devant la chambre d'Estelle. La porte était légèrement entrouverte.
Elle les a vus. Julien était assis sur le bord du lit. Estelle avait ses bras enroulés autour de son cou, le tirant vers elle pour un baiser. Ce n'était pas le baiser d'un ami.
« Tu m'aimes, Julien ? » a murmuré Estelle, sa voix rauque.
Il a hésité une fraction de seconde. « Oui, » a-t-il dit. « Je t'aime. »
« Et elle ? » a demandé Estelle, une pointe de cruauté dans la voix. « Et Ambre ? »
« Ne parle pas d'elle, » a dit Julien, sa voix plate. « Elle n'a pas d'importance. »
Les mots ont percuté Ambre, lui coupant le souffle. Ses jambes semblaient être en pierre. Elle ne pouvait pas bouger, ne pouvait pas respirer. Elle est juste restée là, cachée dans l'ombre du couloir, alors que l'homme pour qui elle avait tout donné brisait le dernier morceau de son cœur.
Elle s'est mordu le dos de la main, étouffant un sanglot. La douleur était un ancrage, une ancre physique dans une mer d'agonie émotionnelle.
Elle s'est retournée et s'est enfuie, courant dans le couloir de l'hôpital, loin du son de leurs rires, loin des ruines de sa vie.