Le Cycle Infini de Julien et Amélie
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Chapitre 3

[Redémarrage du système. Initialisation du cycle dix.]

La voix mécanique retentit, et le monde se recompose autour de moi.

Plus de vue flottante. Je suis de retour dans mon corps.

Je porte une robe de soirée blanche, élégante et coûteuse. Je suis dans une grande salle de réception, remplie de gens en smoking et robes longues. Des lustres en cristal pendent du plafond. C'est notre fête de fiançailles.

Le dixième cycle a commencé.

Mais quelque chose est différent.

Je me souviens de tout.

L'erreur du système n'a pas seulement bloqué la réinitialisation précédente, elle a brisé le mur entre les cycles. Les souvenirs des neuf morts, la vision de son sanctuaire secret, ses paroles adressées au portrait de Sophie... tout est là, gravé dans ma mémoire, clair comme du cristal.

Julien est à mes côtés, son bras possessif autour de ma taille. Il sourit aux invités, joue le rôle du fiancé parfait.

"Ma chérie, tu es magnifique ce soir," me chuchote-t-il à l'oreille.

Son contact me donne la chair de poule. Sa voix, qui me paraissait autrefois mélodieuse, sonne maintenant comme le sifflement d'un serpent.

Je le regarde dans les yeux, et pour la première fois, je ne vois pas l'homme que j'aime. Je vois le monstre.

Soudain, il y a une agitation près de l'entrée.

Une femme vient d'entrer. Elle est belle, gracieuse, et ressemble étrangement au portrait de Sophie. C'est sa sœur cadette, Clara.

Je ne l'avais jamais rencontrée dans les cycles précédents. C'est un nouvel élément.

Julien se fige. Son sourire disparaît. Il me lâche et ses yeux sont rivés sur elle.

Clara, feignant la maladresse, heurte un serveur. Un plateau de coupes de champagne s'écrase au sol dans un fracas de verre.

Des éclats de verre volent dans toutes les directions. Un morceau pointu atterrit sur le dos de ma main, ouvrant une coupure nette et douloureuse. Le champagne éclabousse le bas de ma robe blanche.

Je pousse un petit cri de douleur, plus par surprise que par souffrance réelle.

Mais Julien ne me voit même pas. Il n'a pas remarqué ma main qui saigne, ni ma robe tachée.

Il se précipite vers Clara, contournant les débris de verre avec une agilité incroyable.

"Clara ! Ça va ? Tu n'es pas blessée ?" demande-t-il, sa voix pleine d'une inquiétude paniquée que je ne lui ai jamais entendue.

Il l'inspecte de la tête aux pieds, écartant une mèche de cheveux de son visage avec une tendresse infinie.

"Non, non, je vais bien," dit-elle en souriant, mais son regard croise le mien par-dessus l'épaule de Julien. Il y a une lueur de triomphe dans ses yeux.

Je reste là, plantée au milieu de la pièce, le sang perlant sur ma main. L'alcool du champagne pique la coupure. La douleur est vive, mais elle n'est rien comparée à l'humiliation publique.

Tout le monde nous regarde. Le silence est tombé dans la salle.

Julien, réalisant enfin qu'il est le centre de l'attention, se retourne vers moi. Son visage n'exprime aucune culpabilité, seulement une irritation glaciale.

Il prend un micro sur la scène voisine.

"Mesdames et messieurs, je suis désolé de devoir interrompre cette soirée," annonce-t-il d'une voix forte et claire. "Il y a eu un malentendu. Les fiançailles sont annulées."

Un murmure de stupeur parcourt la foule.

Je le fixe, incapable de bouger. C'est donc comme ça que ce cycle va commencer. Par une humiliation publique absolue.

Il continue, son regard de glace fixé sur moi.

"Il s'avère que je ne connaissais pas vraiment la personne avec qui je m'apprêtais à passer ma vie. Certaines choses sont impardonnables."

Clara s'approche de lui, lui prend la main.

"Julien, tu n'as pas à faire ça," dit-elle d'une voix faussement douce, mais assez fort pour que tout le monde entende. "Ce n'est pas de sa faute si elle ne peut pas s'empêcher d'être... ce qu'elle est. J'ai vu les messages qu'elle a envoyés à d'autres hommes. J'ai essayé de te prévenir."

Un mensonge. Un mensonge si flagrant, si cruel.

Ils se tiennent là, main dans la main, me peignant comme une traîtresse infidèle devant tous nos amis, toute notre famille.

Il me sacrifie une nouvelle fois, sur un nouvel autel.

Mais cette fois, je ne suis plus la victime ignorante. Je suis l'observatrice qui connaît la fin de la pièce. Et je ne vais pas la jouer selon ses règles.

            
            

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