"Il fallait que je prenne l'air," répondit vaguement Jean-Luc.
"Sans nous ? On avait dit qu'on prendrait nos prochaines vacances ensemble," dit Sophie, un soupçon de reproche dans la voix. Elle s'accrochait encore aux vestiges de leur pacte, sans voir qu'elle l'avait elle-même piétiné.
Jean-Luc haussa les épaules. "Les plans changent."
Il continua de monter, les laissant perplexes. Plus tard dans l'après-midi, on sonna à sa porte. C'était Antoine, l'air paniqué.
"Jean-Luc, il faut que tu m'aides ! Mon propriétaire m'a mis à la porte, une histoire de fuite d'eau, je n'ai nulle part où aller ce soir !" Son visage exprimait une détresse parfaitement jouée.
Jean-Luc le regarda, sans la moindre trace de sympathie. Il savait que c'était un mensonge, une autre de ses manipulations pour s'incruster davantage.
"C'est dommage pour toi," dit-il froidement.
"Je peux rester chez toi ? Juste pour une nuit ?"
Avant que Jean-Luc ne puisse refuser, les voix de Sophie et Marc résonnèrent dans le couloir. Ils arrivaient, alertés par le bruit.
"Antoine ! Qu'est-ce qui se passe ?" s'écria Sophie.
En deux minutes, Antoine leur avait raconté sa version larmoyante des faits. Immédiatement, ils se tournèrent vers Jean-Luc.
"Bien sûr qu'il peut rester ici !" dit Marc avec conviction. "On a une chambre d'amis, elle ne sert jamais."
"Non," dit fermement Jean-Luc.
"Ne sois pas égoïste, Jean-Luc !" s'emporta Sophie. "Antoine est dans le besoin. Il va rester avec nous. C'est notre ami."
Elle ne parlait pas de l'appartement de Jean-Luc, mais du leur. Ils lui offraient un abri sans même réfléchir. Jean-Luc les observa, Marc posant une main réconfortante sur l'épaule d'Antoine, Sophie lui assurant que tout irait bien. Il ressentit un détachement total, comme s'il regardait une mauvaise pièce de théâtre. Ces gens n'étaient plus ses amis. Il n'éprouvait plus rien pour eux, ni colère, ni tristesse. Juste un vide immense.
Il referma sa porte sans un mot. Il entendit leurs voix s'éloigner dans le couloir, emmenant leur précieux protégé avec eux. Il retourna à ses valises et continua de faire ses cartons. Son téléphone sonna. C'était sa mère.
"Jean-Luc, mon chéri, comment vas-tu ? Ton père et moi, on s'inquiète. Tu n'es pas venu au restaurant."
"Je vais bien, maman. J'ai juste besoin d'un peu de temps."
"D'accord... Au fait, j'ai eu des nouvelles de ta tante Hélène, de Lyon. Tu te souviens de ta cousine, Clara ? Elle a ton âge maintenant. Elle fait une grande école de commerce là-bas. Elle est brillante. Ta tante m'a dit qu'il y avait une vieille promesse entre nos familles... une sorte de fiançailles arrangées quand vous étiez petits. C'est une vieille histoire, bien sûr, mais c'est amusant d'y repenser."
Jean-Luc se figea. Clara. Il se souvenait vaguement d'elle, une fille calme et intelligente lors de rares réunions de famille. Une fiancée ? L'idée était absurde, mais dans le chaos de sa vie actuelle, elle représentait une connexion, un point d'ancrage dans la ville où il s'apprêtait à fuir.
"Je me souviens d'elle," dit-il simplement.
"Peut-être que tu devrais l'appeler quand tu iras à Lyon," suggéra sa mère. "Ça te ferait un contact sur place."
"Peut-être," répéta-t-il, l'esprit ailleurs.
Juste après avoir raccroché, on sonna de nouveau. C'était un livreur.
"Colis pour Monsieur Jean-Luc Dubois."
C'était un set de couteaux de pâtissier japonais qu'il avait commandé il y a des semaines. Un matériel de professionnel, très cher. Il signa et prit le paquet. Alors qu'il refermait la porte, il entendit une autre porte s'ouvrir. C'était Antoine, qui sortait de chez Sophie et Marc.
"Oh, un cadeau ?" dit Antoine avec un grand sourire. "Pour moi ? Vous n'auriez pas dû."
Il tendit la main pour prendre le colis.