Des souvenirs douloureux ont refait surface. Mon enfance, passée dans l'ombre de ma sœur aînée, parfaite et brillante. Un jour, j'étais tombée de vélo et je m'étais cassé le bras. En pleurs, je suis rentrée à la maison, cherchant le réconfort de ma mère.
Elle m'avait regardée avec irritation. « Pourquoi es-tu si maladroite ? Regarde ta sœur, elle ne cause jamais de problèmes. Arrête de pleurer pour rien, tu me donnes mal à la tête. »
Mes parents m'avaient toujours comparée, toujours rabaissée. J'étais le brouillon, elle était le chef-d'œuvre. L'arrivée de Victor dans ma vie avait semblé être une bouée de sauvetage. Il était gentil, attentionné, il me disait que j'étais spéciale. J'avais cru à son amour. Maintenant, je savais que ce n'était qu'une autre illusion, une autre comparaison. J'étais juste une copie bas de gamme d'Ambre.
Une froideur s'est installée dans mon cœur, éteignant les dernières braises de chagrin. Si je n'avais jamais été aimée, alors je n'avais plus de dettes envers personne. Plus d'obligations. Plus de sacrifices.
« Système », ai-je pensé, ma résolution se durcissant. « Je vais vivre pour moi, maintenant. »
Le lendemain matin, je suis allée à la banque. J'ai regardé le solde de mon nouveau compte : dix millions d'euros. L'argent de ma liberté. L'argent de ma douleur.
Ce soir-là, je suis entrée dans le casino le plus cher de Paris. J'étais vêtue d'une robe rouge provocante, un contraste frappant avec les tenues modestes que je portais en tant qu'épouse de Victor. Les têtes se sont tournées. J'ai ignoré les regards et me suis dirigée vers la table de poker la plus animée.
J'ai jeté un jeton de cent mille euros sur la table. « Je veux jouer. »
Puis, je me suis tournée vers le barman et j'ai crié pour que tout le monde entende. « Tournée générale ! Ce soir, c'est moi qui régale ! Dépensez sans compter ! »
La surprise s'est rapidement transformée en acclamations. Les gens se sont précipités au bar. J'ai joué, j'ai bu, j'ai ri. C'était vide, superficiel, mais c'était une distraction bienvenue.
Au milieu de la nuit, une main s'est posée sur mon épaule. Je me suis retournée pour voir Victor, son visage contracté par la colère. Leo se tenait à côté de lui, me regardant avec des yeux accusateurs.
« Qu'est-ce que tu fais, Élise ? » a sifflé Victor. « Tu te donnes en spectacle ! Tu essaies de nous faire honte ? »
Leo a ajouté sa petite voix. « Maman, pourquoi tu fais ça ? Tu es méchante avec Papa et Tatie Ambre. Tu es jalouse. »
Je l'ai regardé, lui, mon fils, qui répétait les mots des adultes sans les comprendre. La douleur était là, mais elle était distante, comme si elle appartenait à quelqu'un d'autre.
J'ai ri, un rire froid qui a surpris Victor. « Jalouse ? Victor, tu te donnes beaucoup trop d'importance. Ce que je fais de ma vie et de mon argent ne te regarde plus. J'ai bien dit que je me retirais discrètement de votre vie, pas de la mienne. En fait, attends-toi à me voir beaucoup plus souvent comme ça. »
Son expression a changé. L'arrogance a laissé place à une légère inquiétude. Il avait toujours eu le contrôle. Il ne m'avait jamais vue comme ça, imprévisible et indifférente à son opinion.
« Tu es folle », a-t-il murmuré.
« Peut-être », ai-je répondu en haussant les épaules. « Maintenant, si tu veux bien m'excuser, j'ai une partie à finir. »
Je me suis détournée de lui, le laissant planté là, abasourdi.
Les jours suivants, j'ai continué sur ma lancée. Shopping de luxe, fêtes extravagantes, voyages en jet privé. Les tabloïds se sont régalés. « L'ex-femme délaissée de Victor Dubois perd la tête et dilapide sa fortune. » Les photos de moi, riant avec des inconnus dans des lieux exotiques, étaient partout.
Ma mère m'a appelée, sa voix stridente de colère. « Élise ! As-tu perdu la raison ? Tu salis le nom de notre famille ! Pense à ta sœur ! Sa carrière pourrait en pâtiver ! »
Pas un mot sur mon bien-être. Juste l'inquiétude pour l'image, pour sa fille préférée.
« Ne t'inquiète pas, Maman », ai-je dit d'une voix lasse. « Bientôt, vous n'aurez plus à vous soucier de moi. »
J'ai raccroché avant qu'elle ne puisse répondre.
Je savais que cet argent, bien que considérable, n'était pas infini. Et je ne voulais pas dépendre de la "générosité" de Victor. Je devais assurer mon indépendance financière avant de partir.
« Système », ai-je demandé cette nuit-là, en regardant le plafond de ma suite d'hôtel cinq étoiles. « Montre-moi comment gagner mon propre argent. Beaucoup d'argent. »
La voix mécanique a répondu sans tarder. « Analyse des compétences de l'hôte en cours. Potentiel détecté dans le domaine de la pâtisserie, hérité du père, Jean-Luc Dubois. Suggestion : ouvrir une boulangerie concurrente. »
Mon père. Le légendaire chef pâtissier, dont l'amour pour son art était la seule chose authentique dans ma vie. Mais son testament m'avait laissé avec presque rien, léguant sa boulangerie emblématique à son neveu, Antoine, un homme aussi ambitieux que sans scrupules, encouragé par son propre père jaloux. Une autre trahison familiale.
Un sourire amer s'est dessiné sur mes lèvres. L'idée était ironique, mais parfaite. Utiliser le savoir-faire de mon père pour me venger de tous ceux qui m'avaient trahie.
« Très bien, Système. Faisons-le. »