Le choc me laissa sans voix pendant une seconde. Le son de la gifle résonnait encore dans l'air, lourd et brutal. Ma joue brûlait. J'étais Émilie Dubois, et cette jeune femme venait de me frapper devant mes propres employés.
Chloé me regarda avec un sourire mauvais, savourant son effet.
« Alors, la vieille ? Ça t'apprendra à te mêler de ce qui ne te regarde pas. Tu es sûrement la complice de ce jardinier. Peut-être même sa maîtresse ? »
Ses mots étaient du poison, conçus pour blesser et humilier. Les autres mannequins ricanèrent, se délectant du spectacle.
« Une vieille femme à la retraite, délaissée, qui ose avoir une liaison avec un jardinier ? Quelle honte ! »
Je la regardai droit dans les yeux, la douleur de ma joue se transformant en une froide colère.
« Vous ne savez pas à qui vous parlez. Je suis... »
« Ta gueule ! » me coupa-t-elle sèchement. « Je me fiche de qui tu es. Aujourd'hui, je vais te montrer ce que c'est que la décence ! »
Elle se tourna vers ses gardes du corps, son visage déformé par la rage. Son regard se posa sur Jean, qui pleurait silencieusement à ses pieds.
« Et pour commencer, tuez-moi cet insecte. Il a osé me regarder de travers. »
Le mot "tuez" fut prononcé avec une telle désinvolture que j'en eus froid dans le dos. Ce n'était plus de l'arrogance, c'était de la pure cruauté.
Les deux gardes du corps s'avancèrent vers Jean sans la moindre hésitation.
« Non ! » criai-je, essayant de m'interposer.
Mais il était trop tard. L'un des hommes attrapa Jean par les cheveux et lui tordit le cou d'un geste sec et professionnel. Il y eut un craquement sinistre. Le corps de Jean s'affaissa mollement sur l'herbe, ses yeux vides fixant le ciel.
Le silence qui suivit fut plus terrible encore que les cris. J'étais pétrifiée d'horreur. Le sang se glaça dans mes veines. C'était un meurtre. Un meurtre commis de sang-froid, dans mon propre jardin.
Je regardai Chloé. Le visage angélique que Léo m'avait décrit avait disparu, remplacé par le masque d'un monstre. Elle regarda le corps de Jean sans la moindre trace d'émotion, comme si elle venait d'écraser un moustique.
Cette fille n'était pas seulement ambitieuse. Elle était dangereuse. Instable. Et mon fils, mon Léo, était sous son emprise.
Chloé reporta son attention sur moi, visiblement satisfaite.
« Tu vois ce qui arrive quand on me contrarie ? » dit-elle d'un ton mielleux. « Léo m'aime plus que tout. Il me pardonnera tout. Il dit toujours que je suis la seule qui le comprenne vraiment. »
Une des mannequins à ses côtés ajouta avec une voix pleine de flatterie :
« Bien sûr, Chloé. Tu es la future Madame Dubois. Ce n'est qu'un simple jardinier. Sa vie ne vaut rien comparée à ton bonheur. »
Leur conversation me donnait la nausée. Ils parlaient de la vie et de la mort comme s'il s'agissait d'un jeu. Je sentis une vague de désespoir m'envahir. Comment Léo avait-il pu être aveuglé à ce point ?
Rassemblant le peu de force qu'il me restait, je fis un pas en avant, le corps tremblant de rage et de chagrin.
« Vous allez le regretter, » murmurai-je, ma voix rauque. « Vous ne savez pas ce que vous avez fait. Je suis sa mère. Je suis Émilie Dubois. »