« Maman, Chloé m'a encore parlé de la maison de ses rêves. Elle a vu une annonce, c'est hors de prix. Elle me met une pression terrible. Elle dit que si on ne peut pas avoir ce train de vie, elle ne voit pas l'intérêt de se marier. »
Il soupirait, se passait la main dans les cheveux d'un air accablé. C'était un spectacle bien rodé.
Mais maintenant, je voyais clair. J'entendais la jubilation derrière sa fausse détresse.
[Encore un petit effort. La vieille est presque convaincue que Chloé est une sangsue. Dès que je sors l'argent, Sophie et moi on signe pour l'appartement. Fini la vie de merde.]
J'ai fait semblant de le croire, hochant la tête avec un air triste.
« C'est terrible, mon chéri. Je suis si déçue par elle. »
Pendant ce temps, mes pensées tournaient à plein régime. J'ai repensé à toutes les fois où Chloé avait essayé de se rapprocher de moi. Ce petit foulard en soie qu'elle m'avait offert pour mon anniversaire, que Marc avait qualifié de "cadeau bon marché et sans goût". Ce jour où elle avait proposé de passer le week-end à m'aider à repeindre la cuisine, et où Marc avait décliné en disant que "je préférais être seule".
Chaque souvenir était maintenant teinté de la couleur de sa trahison. Il l'avait systématiquement isolée, l'avait dépeinte comme un monstre pour mieux me voler.
La rage et le chagrin se mélangeaient en moi. Comment avais-je pu être si aveugle ? Comment avais-je pu laisser mon amour pour lui occulter la vérité à ce point ? J'avais élevé un manipulateur, un menteur, un voleur. Et pire encore, un homme qui était prêt à tuer sa propre mère pour un appartement et une maîtresse.
Le choc était si violent que j'ai senti une douleur aiguë dans ma poitrine. C'était plus qu'une peine de cœur, c'était une douleur physique. J'ai appuyé sur le bouton d'appel de l'infirmière.
Quelques heures plus tard, le médecin est entré dans ma chambre, le visage grave. Il tenait des résultats d'analyse à la main.
« Madame Dubois, je ne vais pas vous mentir. Votre chute a révélé autre chose. Les examens montrent une anomalie au niveau de votre cœur. C'est assez sérieux. Nous devons faire plus de tests, mais vous allez devoir suivre un traitement lourd et probablement subir une intervention chirurgicale. »
La nouvelle m'a frappée comme un second coup de poing. Une maladie grave. Comme si la trahison de mon fils ne suffisait pas.
Le médecin a continué à parler de pronostics, de traitements, de protocoles. Mais je n'entendais plus. Une seule pensée occupait mon esprit : le temps m'était compté.
Cette maladie, aussi terrible soit-elle, était aussi un catalyseur. Je n'avais plus le temps de pleurer sur mon sort. Je devais agir, et vite. Pour me protéger, pour récupérer ce qui m'appartenait, et pour faire éclater la vérité.
Quand Marc est revenu plus tard, je lui ai annoncé la nouvelle. J'ai observé sa réaction attentivement.
Il a d'abord affiché un air choqué et dévasté.
« Oh, Maman... non... c'est pas possible. »
Il m'a prise dans ses bras, mais son étreinte était vide, sans chaleur. Et ses pensées criaient une tout autre histoire.
[Une maladie grave ? C'est... c'est parfait. C'est encore mieux que la chute. Si elle meurt naturellement, personne ne posera de questions. L'héritage sera à moi, sans aucun risque. Il faut juste que je récupère l'argent de la "dot" avant.]
Il s'est reculé, les yeux brillants de larmes feintes.
« Ne t'inquiète pas, Maman. On va se battre ensemble. Je suis là. Mais... ça veut dire que les frais médicaux vont être énormes. On a encore plus besoin de cet argent. Pour toi. Pour tes soins. »
Il a osé. Il a osé utiliser ma maladie, ma possible mort, comme un levier pour son plan sordide.
À cet instant, la dernière once d'amour maternel que je pouvais encore ressentir pour lui s'est éteinte. Remplacée par une détermination de fer.
« Tu as raison, Marc, » ai-je répondu, ma voix était étrangement calme. « On a besoin de cet argent. Il faut agir vite. »
Il m'a souri, un sourire de triomphe. Il pensait avoir gagné.
Il ne savait pas que le véritable combat venait à peine de commencer. Je n'étais plus une mère naïve et aimante. J'étais une femme qui se battait pour sa vie, pour sa dignité, et pour la justice. Et je n'avais absolument plus rien à perdre.