Mon cœur, qui aurait dû fondre devant ce geste, était de glace. La confiance, ce lien si fort qui nous unissait, s'était brisée en mille morceaux. Chaque mot, chaque geste de sa part était maintenant suspect.
« Où est Chloé ? » j'ai demandé, ma voix était rauque mais ferme.
Il a eu un léger mouvement de recul, surpris par ma question directe.
« Oh, euh... elle travaille. Tu sais comment elle est, toujours en train de courir pour gagner trois sous. Elle m'a dit de t'embrasser. »
[Encore cette Chloé. Pourquoi elle demande après elle ? Je lui ai dit qu'elle était au travail, mais en réalité, je lui ai dit de ne pas venir. Elle risquerait de gaffer avec sa sincérité à la con. Je dois contrôler la situation.]
Le mensonge était si flagrant, si facile pour lui. Mon estomac s'est noué.
« C'est étrange, » j'ai dit lentement, en le fixant droit dans les yeux. « Son patron m'a appelée ce matin pour prendre de mes nouvelles. Il m'a dit qu'il lui avait donné sa journée pour qu'elle puisse rester avec moi. »
J'ai bluffé. Je n'avais reçu aucun appel. Mais je voulais voir sa réaction.
Le sourire de Marc s'est figé. Une fraction de seconde. Ses yeux ont paniqué avant qu'il ne reprenne le contrôle.
[Merde ! Merde ! Merde ! Comment je me sors de ça ? Vite, une excuse. N'importe quoi.]
« Ah... oui, c'est vrai, » a-t-il bafouillé, essayant de paraître naturel. « Mais tu sais, Chloé... elle est tellement... fière. Elle ne voulait pas te donner l'impression de profiter de la situation. Elle est allée aider une amie sur un petit projet. Tu la connais, elle ne tient pas en place. »
Il a ri, un rire forcé qui sonnait faux à mes oreilles.
Il a tenté de me prendre la main, mais je l'ai retirée.
« Marc, arrête de mentir. »
Le silence est tombé dans la chambre, lourd et pesant. Son visage s'est décomposé. Il a abandonné le sourire et a opté pour une autre tactique : la pitié.
« Maman, comment peux-tu dire ça ? Après tout ce que je fais pour toi ? Je suis là, à ton chevet, je m'inquiète à en mourir, et tu m'accuses de mentir ? C'est l'accident qui te fait parler comme ça, ce n'est pas toi. »
Il a joué la carte de la victime, de l'enfant blessé. C'était une technique qu'il avait perfectionnée depuis l'enfance. Avant, ça marchait toujours. Je finissais par me sentir coupable, par m'excuser.
Mais plus maintenant. J'entendais le calcul froid derrière ses paroles larmoyantes.
[Accroche-toi, fais-la culpabiliser. C'est la meilleure défense. Elle est faible, elle va céder comme d'habitude. Il faut qu'elle arrête de poser des questions sur Chloé.]
« Ne me parle pas de l'accident, Marc. » Ma voix était tranchante. « Parlons plutôt de Chloé. Pourquoi tu ne veux pas qu'elle vienne ? Qu'est-ce que tu lui as dit ? »
Il a secoué la tête, l'air profondément peiné.
« Je ne comprends pas ton obsession pour elle tout d'un coup. Je pensais que tu ne l'aimais pas. Je lui ai juste dit que tu avais besoin de calme, que tu devais te reposer. C'est tout. Je voulais te protéger. »
[Protéger mes mensonges, oui. Si Chloé vient, elle va finir par parler de la dot, et la vieille va comprendre que je lui ai menti sur le montant. Il faut absolument les garder séparées.]
La vérité, ou du moins une partie, m'est apparue clairement. Il avait peur qu'elles parlent. Que Chloé, dans son innocence, révèle une information qui le trahirait.
J'ai décidé de pousser mon avantage, de tendre un piège.
« Tu as raison, mon fils. Je suis fatiguée, je dis n'importe quoi. Pardonne-moi. » J'ai adouci ma voix, j'ai feint la faiblesse qu'il attendait de moi. « C'est juste que... je pensais à la dot. Avec cet accident, les frais d'hôpital... Je me fais du souci pour l'argent. »
Je l'ai regardé, jouant la mère inquiète et vulnérable.
Il a mordu à l'hameçon. Son visage s'est éclairé, pensant que j'étais revenue à la raison.
[Parfait. Elle revient sur le sujet de l'argent. C'est le moment de la rassurer et de m'assurer qu'elle va bien me donner la somme. Je suis si proche du but.]
« Maman, ne t'inquiète pas pour ça, » a-t-il dit d'un ton apaisant. « L'important, c'est ta santé. Pour la dot, Chloé peut attendre un peu. Elle comprendra. »
Il mentait. Je le savais. Et son regard fuyant, le léger tic de sa mâchoire, tout en lui le trahissait. Il n'avait aucune intention que Chloé attende. Il voulait cet argent, et vite.
J'ai vu la panique dans ses yeux quand j'ai prononcé le mot "dot". Il était sur ses gardes. Il était sur le point de se trahir.
Le combat ne faisait que commencer.