L'Héritier Trahi de Bordeaux
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Chapitre 2

Mon corps a réagi avant mon esprit. Une vague de froid m'a parcouru, mes mains se sont mises à trembler. Sophie est rentrée quelques heures plus tard, son visage affichant une inquiétude feinte.

"Pierre, mon chéri, tu es si pâle. Est-ce que ça va ? Je me suis tellement inquiétée."

Elle s'est approchée pour me toucher, mais j'ai reculé instinctivement. Le contact de sa peau m'aurait brûlé.

"Je suis juste fatigué," ai-je réussi à articuler, ma voix sonnant étrangement creuse à mes propres oreilles. "L'échec du contrat..."

"Oh, ne t'en fais pas pour ça," a-t-elle dit en posant sa main sur son ventre. "Nous avons des choses bien plus importantes à célébrer."

Son sourire était le même que dans la vidéo. Un masque parfait. Je me sentais nauséeux rien qu'en la regardant. Mon impuissance était totale. Je savais tout, mais je ne pouvais rien dire, pas encore.

J'ai passé la nuit à consulter en ligne les statuts de la société familiale. L'horreur de ma situation m'est apparue dans toute sa clarté juridique. Ma mère, en tant que gérante majoritaire après la mort de mon père, avait modifié les clauses. Mon mariage avec Sophie m'avait lié encore plus étroitement à une structure où je n'étais qu'un employé de luxe. Mes actions, mon héritage, tout était verrouillé dans des trusts et des sociétés écrans qu'elle contrôlait avec Antoine. Si je demandais le divorce maintenant, sans preuves irréfutables de leur complot, je perdrais tout. J'étais prisonnier de mon propre nom, de ma propre fortune. Le piège s'était refermé sur moi il y a des années, sans que je m'en aperçoive.

Le lendemain, Monique est venue déjeuner, jouant son rôle de matriarche aimante à la perfection.

"Mon fils, tu ne devrais pas te laisser abattre par un simple contrat," a-t-elle dit en me servant une part de quiche. "L'important, c'est la famille. Sophie et ce petit qui va arriver, c'est ça ta vraie richesse."

Elle et Sophie échangeaient des regards complices au-dessus de mon assiette. Elles me traitaient comme un enfant fragile qu'il fallait consoler. Leur condescendance était presque plus difficile à supporter que la trahison elle-même. Je suis resté silencieux, mangeant machinalement, chaque bouchée ayant un goût de cendre. Je les observais, mémorisant chaque faux sourire, chaque geste hypocrite. Le silence était ma seule arme pour le moment.

Pendant qu'elles discutaient de la future chambre du bébé, j'ai agi. J'ai sorti un dossier de mon bureau.

"Sophie, avant que j'oublie," ai-je dit d'un ton neutre, "notre notaire m'a envoyé ces documents. C'est pour créer un fonds fiduciaire pour... l'enfant. Pour garantir son avenir, quoi qu'il arrive. Il faut ta signature."

C'était un bluff. Le document était en réalité un acte de cession qui déconnectait une partie de mes biens personnels, ceux hérités directement de mon grand-père, de la société principale. Un petit pécule que j'avais réussi à garder à l'écart. Sophie, trop confiante, a à peine jeté un œil au jargon juridique et a signé avec un sourire radieux.

"Oh, Pierre, c'est tellement prévenant de ta part."

J'ai senti une petite victoire froide. J'avais planté la première graine de ma vengeance.

Elles sont parties peu de temps après, pressées de retrouver Antoine, j'imagine. En partant, Sophie a oublié son écharpe en cachemire sur le canapé, celle que je lui avais offerte pour notre premier anniversaire de mariage. Un simple oubli, mais pour moi, c'était un symbole puissant. Le symbole de leur négligence, de leur certitude absolue que j'étais un pion sans importance. J'ai pris l'écharpe, je l'ai serrée dans mon poing jusqu'à ce que mes jointures blanchissent. La décision était prise. Je n'allais pas me laisser détruire. J'allais les détruire.

À peine leur voiture avait-elle quitté l'allée que mon téléphone était à mon oreille.

"Maître Renaud ? C'est Pierre Dubois. Je veux que vous lanciez la procédure de succession pour le testament de mon père. L'original. Celui d'avant les modifications de ma mère. Et je veux que vous geliez immédiatement toutes les lignes de crédit de la société Dubois vers les projets personnels de Sophie Leclerc. Oui, immédiatement."

J'ai raccroché, le cœur battant, mais cette fois, c'était l'adrénaline du combat, pas la terreur de la victime. J'étais enfin passé à l'action. Le jeu avait changé.

Assis dans le silence de mon bureau, les souvenirs ont afflué, mais ils étaient différents. Teintés par la vérité. Je me suis souvenu de toutes les fois où Monique m'avait découragé de m'impliquer dans les finances profondes du domaine, disant que c'était "trop complexe" pour moi, que je devais me concentrer sur le vin. Je me suis souvenu des "voyages d'affaires" fréquents de Sophie, qui coïncidaient étrangement avec ceux d'Antoine. J'ai ouvert un vieil album photo. Une photo de groupe lors d'une fête. Sophie, Antoine et ma mère, debout, légèrement à l'écart, un sourire complice sur leurs visages. À l'époque, je n'y avais vu qu'une amitié. Maintenant, je voyais un complot. La preuve avait toujours été là, sous mes yeux. Et j'avais été trop aveugle pour la voir. La colère contre eux se mêlait à la rage contre ma propre stupidité.

            
            

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