Naturellement, la Confrérie des Chevaliers de la Lumière était invitée. Le Maître étant en retraite, c'est Luc, fraîchement promu, qui a mené notre délégation. À la surprise générale, il m'a incluse dans le groupe, ainsi que plusieurs autres jeunes chevaliers prometteurs.
Et bien sûr, Marc en faisait partie. C'était inévitable. Son statut de prodige, même terni en secret, exigeait sa présence.
Nous sommes arrivés à la Cité des Nuages, une métropole magnifique construite sur des îles flottantes. On nous a assigné un pavillon luxueux avec une vue imprenable sur les cascades qui tombaient dans le vide.
Le premier soir, alors que je déballais mes affaires, on a frappé à ma porte. Je l'ai ouverte pour trouver Marc, un sourire légèrement forcé sur le visage.
"Adèle. Je peux entrer ?"
Avant que je ne puisse répondre, une autre personne est apparue derrière lui.
Lilas.
Elle était vêtue d'une robe de soie lavande qui mettait en valeur sa silhouette parfaite. Son visage était un chef-d'œuvre, ses yeux violets brillant d'une lumière enchanteresse. Elle m'a offert un sourire doux, presque timide.
"Bonsoir, Adèle. Marc m'a tellement parlé de vous. Je suis Lilas."
Mon sang s'est glacé. L'audace. L'amener ici, au milieu de toutes les grandes puissances du royaume.
"Qu'est-ce qu'elle fait là, Marc ?" ai-je demandé d'une voix plate, ignorant complètement Lilas.
"Elle est avec moi," a répondu Marc, un ton de défi dans la voix. "Je voulais vous la présenter correctement. Nous..."
"Je sais ce que vous êtes," l'ai-je coupé.
Le sourire de Lilas s'est légèrement figé. Marc a froncé les sourcils, surpris par ma froideur.
À ce moment-là, Luc est arrivé dans le couloir, attiré par nos voix. Son regard est passé de moi à Marc, puis s'est posé sur Lilas. Il a immédiatement senti que quelque chose n'allait pas.
"Marc. Qui est cette personne ? Tu sais que les étrangers ne sont pas autorisés dans nos quartiers sans permission."
La simple présence de Lilas semblait déranger. J'ai remarqué que d'autres chevaliers qui passaient dans le couloir ralentissaient, leurs regards attirés par elle comme des papillons par une flamme. Son charme n'était pas naturel. C'était une aura, une sorte de sortilège passif qui captait l'attention et la bienveillance des hommes.
"C'est mon invitée, Frère aîné Luc," a répondu Marc, clairement irrité. "Elle ne cause aucun problème."
"Ta présence même ici est un problème," a tonné la voix d'un des anciens qui accompagnait Luc. "Tu es le prodige des Chevaliers de la Lumière, un futur Saint Protecteur. Te pavaner avec une femme d'origine inconnue lors d'un événement aussi important est une insulte à notre confrérie !"
La tension est montée d'un cran. Plusieurs autres anciens sont sortis de leurs chambres, leurs visages durs et désapprobateurs. Marc était sur le point d'exploser, son orgueil blessé.
C'est alors que Luc a pris une décision inattendue.
"Assez," a-t-il dit d'une voix calme mais ferme. Il s'est tourné vers moi. "Adèle. Puisque cette femme est l'invitée de ton frère, il est de ta responsabilité de t'assurer qu'elle se comporte bien. Emmène-la. Fais-lui visiter les environs. Assure-toi qu'elle ne s'approche pas des zones restreintes."
J'ai failli protester. Moi ? Forcée de jouer les chaperons pour la femme qui avait détruit ma vie passée et corrompu mon frère ? C'était une torture.
Mais j'ai compris la stratégie de Luc. Il me faisait confiance. Il voulait que j'observe Lilas de près, que je la sonde, que je découvre ses secrets. C'était une mission déguisée en corvée.
"Bien, Frère aîné Luc," ai-je répondu en serrant les dents.
Je me suis tournée vers Lilas, qui me regardait avec une curiosité amusée.
"Suivez-moi."
Nous avons marché en silence à travers les jardins suspendus de la Cité des Nuages. L'air était rempli du parfum des fleurs exotiques, mais tout ce que je sentais, c'était l'odeur du danger émanant d'elle.
Finalement, elle a brisé le silence.
"Tu ne m'aimes pas, n'est-ce pas ?" sa voix était douce, presque innocente.
"Je n'ai aucune opinion sur vous," ai-je menti.
Elle a ri, un son cristallin qui aurait dû être agréable, mais qui m'a fait frissonner.
"Oh, je crois que si. Tu penses que je ne suis pas assez bien pour lui. Que je le détourne de son 'grand destin'. C'est si prévisible."
Elle s'est arrêtée près d'une balustrade et a regardé le vide en dessous.
"Tu ne sais rien de l'amour, Adèle. Tu ne sais rien de ce que Marc et moi partageons. C'est quelque chose de bien plus grand que tes vœux stupides et tes règles rigides."
Son ton était devenu condescendant, méprisant. La façade douce et timide s'était évaporée, révélant la vraie personnalité en dessous : arrogante, narcissique et pleine d'un sentiment de supériorité.
"L'amour ne devrait pas exiger de tout abandonner," ai-je rétorqué froidement.
"C'est là que tu te trompes," a-t-elle dit en se tournant vers moi, un sourire carnassier sur les lèvres. "Le véritable amour consume tout. Et Marc est prêt à tout brûler pour moi."
En la regardant dans les yeux, j'ai compris. Elle ne l'aimait pas. Elle le possédait. Il n'était pas son partenaire, il était sa chose. Et elle s'amusait de la destruction qu'elle causait, comme un enfant qui arrache les ailes d'un insecte.
Ma mission venait de devenir beaucoup plus personnelle.
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