Je suis devenue ses yeux et ses oreilles. J'ai utilisé mes temps libres pour suivre discrètement Marc lorsqu'il quittait la confrérie sous de faux prétextes. Il rejoignait Lilas dans une petite maison en ville, un nid d'amour secret où ils vivaient leur idylle. Je n'intervenais jamais. Je me contentais d'observer, de noter les allées et venues, les visiteurs occasionnels de Lilas - des personnages louches qui ne ressemblaient pas à des habitants locaux.
Pendant ce temps, j'ai mis à profit ma connaissance du futur. Je me souvenais des emplacements de plusieurs herbes spirituelles rares qui n'avaient été découvertes que des années plus tard dans ma vie passée. J'ai organisé de petites "expéditions de collecte" personnelles, revenant chaque fois avec des trésors qui accéléraient ma propre cultivation à une vitesse vertigineuse. Je partageais une partie de mes trouvailles avec le Maître, renforçant encore notre alliance secrète.
Un jour, le Maître a convoqué une réunion d'urgence avec les anciens les plus fiables de la confrérie. Je n'étais pas invitée, mon rang étant trop bas, mais il m'a tout raconté plus tard.
Il leur a montré la pierre de mémoire.
Le choc a été immense. La colère, la trahison. Mais le Maître a calmé leurs esprits enflammés. Il leur a expliqué l'anomalie de l'état de Marc, la menace inconnue que représentait Lilas. Ils ne faisaient pas face à une simple histoire d'amour interdite, mais à une conspiration potentielle.
Des décisions ont été prises. Les défenses de la confrérie ont été discrètement renforcées. Les programmes d'entraînement pour les jeunes disciples ont été intensifiés, avec un accent particulier mis sur la détection des illusions et des corruptions mentales. Des ressources qui auraient normalement été allouées à Marc ont été redirigées vers d'autres chevaliers prometteurs. La confrérie se préparait à une tempête, sans que la plupart de ses membres ne sachent même qu'un nuage se formait à l'horizon.
Le Maître, grâce aux pilules que je lui avais données et à sa propre détermination, est entré en méditation profonde. Le but : atteindre le prochain royaume de puissance, un niveau que personne dans la confrérie n'avait atteint depuis des siècles. C'était notre meilleure police d'assurance.
On m'a accordé l'accès au "Cœur de Lumière", la chambre secrète de cultivation de la confrérie, un privilège normalement réservé aux futurs Saints Protecteurs.
En m'asseyant au centre de la pièce baignée d'une énergie pure, j'ai fermé les yeux et j'ai laissé la puissance accumulée en moi se déchaîner. Les barrières de mon niveau de cultivation actuel se sont brisées comme du verre. L'énergie a inondé mes méridiens, les renforçant, les élargissant. En quelques heures seulement, j'ai franchi deux niveaux d'un coup. Une progression qui aurait dû me prendre des décennies.
Quand je suis sortie du Cœur de Lumière, chancelante mais vibrante d'une nouvelle force, j'ai senti une onde de choc spirituelle traverser toute la confrérie.
Ce n'était pas moi.
Je me suis précipitée vers la cour principale, rejoignant les autres chevaliers qui regardaient tous dans la même direction : le sommet de la montagne où se trouvait la grotte de retraite de Luc.
Luc, notre frère aîné, un homme bon et juste, respecté de tous. Il était connu pour sa stabilité et sa force, mais il était bloqué au dernier stade du royaume des Chevaliers depuis des années.
Au-dessus de la grotte, des nuages noirs s'amoncelaient, zébrés d'éclairs violets. La Tribulation Céleste. Luc tentait de percer pour atteindre le royaume des Maîtres.
Nous avons regardé, le souffle coupé, pendant que les éclairs s'abattaient sur la montagne. Chaque coup faisait trembler la terre sous nos pieds. C'était un test terrifiant que peu de gens survivaient.
Puis, après un dernier éclair aveuglant qui a illuminé le ciel tout entier, le silence est retombé. Les nuages se sont dissipés.
Une silhouette est apparue à l'entrée de la grotte. C'était Luc. Ses vêtements étaient en lambeaux, son corps couvert de suie, mais il se tenait droit, et une aura de puissance palpable et sereine émanait de lui.
Il avait réussi.
La confrérie a éclaté en acclamations. Pour la première fois depuis des années, il y avait un nouvel espoir. Un nouveau Maître potentiel.
Je souriais avec les autres, mais mon cœur était serré.
Je me souvenais de Luc dans ma vie passée. Il avait été l'un des premiers à tomber sous les coups de Marc. Il s'était interposé pour protéger les jeunes apprentis, et Marc l'avait transpercé sans hésitation. Sa mort avait été un coup terrible pour le moral des survivants.
"Cette fois, Luc," ai-je murmuré pour moi-même, "les choses seront différentes. Nous nous battrons côte à côte. Et nous survivrons."
La réussite de Luc était un signe. La roue du destin tournait, mais cette fois, je n'étais plus une simple spectatrice. J'étais l'une des mains qui la poussaient dans une nouvelle direction.
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