Le Serment Brisé d'une Âme Perdue
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Chapitre 1

La douleur s'est estompée.

C'était la première chose que j'ai sentie.

Pendant une éternité, mon âme avait été emprisonnée dans les limbes, un vide sans fin où la torture de mes souvenirs tournait en boucle. Marc, mon petit frère, le visage tordu par une haine que je ne comprenais pas. Ses mains, autrefois destinées à manier la lumière pour protéger le royaume, brisant mes os sacrés, un par un. Le rire glacial de Lilas, même après sa mort, résonant dans le néant.

Et puis, plus rien.

Le silence.

J'ai ouvert les yeux.

La lumière du soleil filtrait à travers les rideaux de ma chambre, dessinant des formes familières sur le sol en bois. L'air sentait la cire d'abeille et les vieux livres. C'était ma chambre, dans le quartier des Chevaliers de la Lumière. La chambre que j'avais perdue il y a si longtemps.

Je me suis assise lentement, mon corps ne protestant pas. Pas de douleur. Pas d'os brisés. J'ai regardé mes mains. Elles étaient lisses, fortes, sans les cicatrices de la torture. J'ai touché mon visage, ma poitrine. Intacte.

Tout était intact.

Un sentiment de soulagement si intense m'a submergée que j'ai failli suffoquer. C'était un rêve ? Une illusion créée par les limbes pour me tourmenter davantage ?

J'ai balayé la pièce du regard, cherchant un indice. Mes yeux se sont posés sur le petit calendrier posé sur mon bureau. La date était encerclée en rouge. C'était le jour du Festival de la Lumière.

Le jour où j'avais découvert la liaison de Marc.

Mon souffle s'est coupé. Ce n'était pas une illusion. C'était réel. J'étais revenue. Revenue au jour qui avait tout déclenché.

Les souvenirs de ma vie passée ont déferlé sur moi comme une vague glaciale. Mon admiration pour Marc, le prodige de notre confrérie, né avec une âme si pure qu'il était destiné à devenir un Saint Protecteur. Mon amour fraternel, si féroce que je ne pouvais supporter de le voir souillé.

J'ai vu son visage dans mes souvenirs, illuminé par un amour interdit pour Lilas, l'enchanteresse. Ils étaient dans le jardin secret de la confrérie, un lieu sacré. Il était sur le point de rompre ses vœux de pureté, de tout jeter pour elle.

Et moi, dans ma droiture aveugle, je n'ai pas pu l'accepter.

J'ai couru voir notre Maître. Je lui ai tout dit, le cœur brisé mais convaincue de faire ce qui était juste. Pour sauver mon frère. Pour sauver la confrérie.

Le Maître est intervenu. La confrontation a été terrible. Et Lilas, acculée, s'est sacrifiée sous nos yeux, un dernier acte de défi qui a scellé le destin de Marc.

Il est devenu un Saint Protecteur, oui. Mais un Saint Protecteur dont l'âme avait été empoisonnée par le chagrin et la haine. Une haine dirigée entièrement contre moi.

Puis le massacre. Il a tué tout le monde. Le Maître, nos frères et sœurs d'armes, même les plus jeunes apprentis qui le regardaient avec des yeux pleins d'admiration. Il a anéanti la confrérie des Chevaliers de la Lumière.

Et il m'a gardée pour la fin.

Un frisson a parcouru mon corps, si violent que j'ai dû m'agripper au bord du lit. Je pouvais encore sentir la pression de ses doigts sur mes os, le son sinistre de leur rupture.

"Je te hais, Adèle. Tu as tout détruit."

Sa voix résonnait encore dans ma tête.

Mais cette fois, les choses seraient différentes.

Un bruit étouffé provenant de l'extérieur a attiré mon attention. Des rires. Les rires de Marc. Et la voix douce et mélodieuse de Lilas.

Ils étaient là. Dans le jardin secret. En ce moment même.

Mon premier instinct, un réflexe gravé dans mon âme, a été de me lever d'un bond, de courir les arrêter. De crier. D'empêcher la catastrophe.

Je me suis figée, la main sur la poignée de la porte.

Non.

Pas cette fois.

Dans ma vie passée, j'ai tout sacrifié pour sa pureté, pour son destin. Et pour quoi ? Pour qu'il devienne un monstre et détruise tout ce que nous chérissions.

Cette fois, je n'empêcherai rien du tout. S'il veut rompre ses vœux, qu'il les rompe. S'il veut se damner pour une femme, que ce soit son choix.

Mon seul objectif, désormais, est de survivre. Et de protéger l'héritage de notre confrérie. Pas son héritage à lui. Le nôtre.

Un sourire froid s'est dessiné sur mes lèvres. Une idée a germé dans mon esprit. Une idée pragmatique, cruelle peut-être, mais nécessaire.

J'ai fouillé dans un tiroir et en ai sorti une petite pierre de mémoire, un artefact simple que les apprentis utilisaient pour enregistrer des leçons. Je l'ai activée d'une simple pression du pouce et me suis approchée doucement de la fenêtre qui donnait sur le jardin.

Je me suis cachée derrière les lourds rideaux, laissant juste une petite fissure pour voir.

La scène était exactement comme dans mes souvenirs. Marc, mon stupide et brillant frère, tenait Lilas dans ses bras. Son visage rayonnait d'un bonheur si intense qu'il en était presque douloureux à regarder. Lilas, elle, passait ses doigts dans ses cheveux, le regardant avec une adoration qui semblait sincère. Mais je savais maintenant ce qui se cachait derrière ces yeux violets. Une ambition sans limites.

Leurs mots étaient des murmures passionnés, des promesses d'un avenir ensemble, loin de la confrérie, loin de ses devoirs.

"Rien ne nous séparera, mon amour," disait Marc.

J'ai levé la pierre de mémoire, m'assurant qu'elle enregistrait chaque mot, chaque geste. Cette petite pierre serait mon assurance. Une preuve à utiliser au bon moment. Pas pour le "sauver", mais pour me protéger moi.

Une fois que j'ai eu assez d'images et de sons, j'ai désactivé la pierre et l'ai glissée dans une poche cachée de ma tunique.

Puis, je me suis retournée et j'ai quitté ma chambre. Mais au lieu de me diriger vers les quartiers du Maître, j'ai pris un autre chemin. Un chemin qui menait à la salle d'entraînement et, plus important encore, à l'apothicairerie personnelle de Marc.

Je savais qu'il était distrait. Complètement absorbé par sa romance secrète. Il avait laissé sa chambre sans surveillance.

À l'intérieur, tout était parfaitement rangé. Sauf une petite boîte laquée sur son bureau. Elle contenait les Pilules de Condensation Spirituelle, un trésor que le Maître lui avait donné pour l'aider à percer lors de sa prochaine méditation. Des pilules qui, dans ma vie passée, avaient nourri sa puissance devenue monstrueuse.

Sans une once d'hésitation, j'ai pris la boîte et l'ai vidée dans ma propre sacoche. J'ai ensuite remis la boîte vide à sa place.

Il ne s'en rendrait compte que bien plus tard. Et à ce moment-là, il serait trop occupé par d'autres problèmes.

En sortant de sa chambre, un sentiment de satisfaction froide m'a envahie. Ce n'était pas de la vengeance. C'était de la survie.

Cette fois, Adèle ne serait pas une martyre. Elle serait une survivante.

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