Chapitre 3

« Alice ? Mais qu'est-ce que c'est que cette photo ? C'est une blague ? »

La voix de Chloé était stridente, paniquée. Elle avait vu mon post. Bien sûr qu'elle l'avait vu. Elle devait me surveiller comme un faucon.

J'ai gardé un ton neutre, presque ennuyé.

« De quelle photo tu parles, Chloé ? »

« Ne joue pas à ça avec moi ! La photo sur Instagram ! Le livret de famille ! C'est quoi ce délire ? Vous ne deviez pas juste annoncer vos fiançailles aujourd'hui ? »

« On a changé d'avis, » ai-je répondu simplement.

Un silence. Je pouvais presque l'entendre grincer des dents à l'autre bout du fil. Marc me regardait, l'air de plus en plus perplexe. Il ne comprenait pas la tension dans l'air.

« Changé d'avis ? Comme ça ? Sans me le dire ? Je suis ta meilleure amie, Alice ! »

Meilleure amie. Le mot m'a donné la nausée.

« C'était une décision spontanée, » ai-je dit, savourant chaque mot. « Très romantique. »

« Romantique ? » a-t-elle presque hurlé. « Tu te fiches de moi ? Et Marc ? Il est d'accord avec cette folie ? Passe-le-moi ! Je veux lui parler ! »

C'était le moment que j'attendais. J'ai appuyé sur l'icône du haut-parleur. La voix hystérique de Chloé a empli l'habitacle de la voiture. Marc a sursauté.

« Marc n'est pas disponible pour le moment, Chloé. Il conduit, » ai-je menti avec un calme olympien.

« Non mais tu te prends pour qui ? Tu sais très bien qu'il ne veut pas de toi ! Il me l'a dit ! Il m'a dit qu'il était avec toi par pitié, parce que tu es fragile ! Il m'a dit qu'il m'aimait, moi ! Hier soir encore, il était avec moi ! »

Marc, à côté de moi, est devenu blanc. Ses mains se sont crispées sur le volant. Il a ouvert la bouche pour protester, mais je lui ai fait un signe discret de se taire. Il fallait que j'entende tout. Il fallait qu'il entende tout.

« Ah oui ? » ai-je demandé, d'une voix faussement intéressée. « Il était avec toi, dis-tu ? C'est étrange, parce qu'il a dormi à la maison. Je l'avais dans mes bras toute la nuit. »

« Menteuse ! » a-t-elle crié, sa voix se brisant. « Tu es une manipulatrice ! Tu l'as forcé à faire ça ! Tu l'as piégé ! Tu vas le regretter, Alice. Je vais dire à tout le monde qui tu es vraiment. Une briseuse de ménage qui a volé l'homme d'une autre ! »

La même rhétorique. Les mêmes accusations que dans ma vie passée. Sauf que cette fois, je n'étais plus la spectatrice crédule de son mélodrame. J'étais l'auteure de la nouvelle pièce qui se jouait.

« Tu peux essayer, Chloé, » ai-je dit, ma voix soudainement glaciale. « Mais je te préviens, cette fois, je ne me laisserai pas faire. Maintenant, si tu veux bien nous excuser, mon mari et moi avons une lune de miel à préparer. »

Sans lui laisser le temps de répondre, j'ai raccroché.

Le silence dans la voiture était total, seulement brisé par la respiration lourde de Marc.

Il s'est tourné vers moi, le visage décomposé.

« Alice... qu'est-ce que c'était que ça ? Elle est complètement folle. "Hier soir" ? J'étais avec toi. Je ne l'ai pas vue depuis des semaines. Je la connais à peine ! »

Son incrédulité était si sincère qu'elle m'a fait mal au cœur. Il était si innocent, si inconscient du venin que cette femme pouvait cracher.

J'ai posé ma main sur la sienne, qui tremblait légèrement.

« Je sais, Marc. Je sais que tu n'as rien fait. C'est pour ça que je voulais que tu entendes. Pour que tu comprennes. »

« Comprendre quoi ? Qu'elle est obsédée par moi ? C'est terrifiant. »

« Oui, » ai-je dit doucement. « C'est terrifiant. Et ce n'est que le début. »

Il m'a regardée, et pour la première fois, il a semblé comprendre que mon empressement à nous marier n'était pas un caprice. C'était un acte de guerre.