La dernière chose que j'ai vue, c'était le visage de Chloé Moreau.
Pas celui de la meilleure amie que je connaissais depuis l'enfance, mais le visage d'une tortionnaire, déformé par une joie cruelle.
La voiture plongeait dans le vide, le bruit du métal qui se déchire était assourdissant.
« Alice, tu sais pourquoi tu meurs ? » m'avait-elle crié juste avant, sa voix couvrant à peine le crissement des pneus. « Parce que tu as toujours tout eu. Et Marc... il aurait dû être à moi ! »
Ses mots étaient un poison qui avait déjà infecté ma vie. Dans cette vie antérieure, j'avais cru à ses mensonges. Chloé m'avait montré des photos, des messages, des preuves fabriquées de toutes pièces montrant Marc, mon fiancé, dans les bras d'une autre femme. Elle m'avait convaincue que Marc me trompait, qu'il était un séducteur sans scrupules.
J'étais jeune, naïve. Je l'ai crue. J'ai cru ma meilleure amie.
J'ai rompu mes fiançailles avec Marc. Je l'ai insulté, je l'ai repoussé, le cœur brisé, sans lui laisser la moindre chance de s'expliquer. Je le revois encore, le regard anéanti, ne comprenant pas la violence de ma réaction.
Mais Chloé n'avait pas réussi son coup. Marc, dégoûté par cette situation, n'avait jamais cédé à ses avances. Frustrée, folle de rage de ne pas pouvoir obtenir l'homme qu'elle convoitait, elle avait décidé que si elle ne pouvait pas l'avoir, personne ne l'aurait.
Elle a saboté les freins de ma voiture. Et quand ça n'a pas suffi, elle a pris le volant elle-même, m'emmenant pour une soi-disant « discussion » au bord d'une falaise.
La voiture a basculé.
La douleur a été brève, mais la trahison, elle, a été éternelle.
J'ai fermé les yeux sur son sourire triomphant.
Et puis... je les ai rouverts.
Une lumière douce filtrait à travers des rideaux que je connaissais bien. L'odeur du café flottait dans l'air.
Une voix, chaude et familière, a murmuré à mon oreille.
« Debout, ma belle endormie. On a une grande nouvelle à annoncer à nos parents aujourd'hui. »
Je me suis retournée lentement, le cœur battant à tout rompre.
C'était Marc.
Marc Lambert. Vivant. Souriant. Il était là, à côté de moi, dans notre lit. Il portait ce pyjama ridicule à motifs de canards que je lui avais offert pour son anniversaire. Il était si beau, si réel. La cicatrice de ma vie antérieure, la douleur de sa perte, tout semblait s'effacer devant son simple regard.
J'ai regardé la date sur le réveil numérique.
C'était le jour de l'annonce de nos fiançailles.
Le jour où tout avait basculé.
Le jour où Chloé avait commencé à tisser sa toile.
Je suis revenue. J'ai eu une seconde chance.
Et cette fois, personne ne me prendrait mon bonheur. Surtout pas elle.