Chapitre 2

Marc a posé un plateau sur le lit, avec des croissants et du jus d'orange.

« Tu as l'air pensive, ce matin. Un peu pâle. Tu as mal dormi ? »

Sa voix était pleine d'une inquiétude sincère. Dans ma vie précédente, j'aurais interprété cette sollicitude comme une preuve de son amour. Aujourd'hui, je la voyais comme une bouée de sauvetage. Je me suis redressée, le souvenir du métal froid de la portière contre ma joue encore vif dans ma mémoire.

Je ne pouvais pas perdre de temps. Chaque seconde comptait. Chloé était comme un prédateur, elle allait bientôt sentir l'odeur du sang.

J'ai attrapé sa main. Mes doigts étaient froids.

« Marc. »

Il a levé les yeux de sa tasse de café, surpris par mon ton sérieux.

« Oui, Alice ? Qu'est-ce qui se passe ? »

« Épouse-moi. »

Il a failli s'étouffer avec son croissant. Il a toussé un peu, les yeux ronds.

« Mais... on est fiancés. C'est le but. C'est ce qu'on va annoncer aujourd'hui. »

« Non, » ai-je insisté. « Je veux dire maintenant. Tout de suite. Allons à la mairie et marions-nous. »

Il m'a regardée comme si j'avais perdu la tête. Et peut-être que c'était le cas. J'étais folle, mais pas de la même manière que Chloé. J'étais folle de protéger ce qui m'appartenait.

« Maintenant ? Comme... dans l'heure qui vient ? Alice, tu es sûre que ça va ? On n'a prévenu personne, on n'a rien préparé... Et nos parents ? »

« On leur annoncera qu'on est mariés au lieu de leur annoncer qu'on est fiancés. Ça ne change pas grand-chose pour eux, mais pour moi, ça change tout. S'il te plaît, Marc. Fais-moi confiance. C'est la chose la plus importante que je t'aie jamais demandée. »

Il a scruté mon visage, cherchant une explication à mon urgence. Il n'en a trouvé aucune, seulement une détermination d'acier. Il a vu la peur dans mes yeux, une peur qu'il ne pouvait pas comprendre, mais qu'il a acceptée. C'était ça, Marc. Loyal et confiant. Sa plus grande qualité, et sa plus grande faiblesse, que Chloé avait exploitée.

Il a soupiré, puis un petit sourire s'est dessiné sur ses lèvres.

« D'accord. D'accord, ma folle. Si c'est ce que tu veux. Allons nous marier. Mais tu me devras une explication. »

« Je te promets, » ai-je dit, le cœur rempli d'un immense soulagement.

Une heure plus tard, nous étions devant un adjoint au maire un peu endormi, dans une salle sans faste de la mairie du 16ème arrondissement. Nous n'avions pas d'alliances, pas d'invités, juste deux témoins pris au hasard parmi le personnel municipal. J'ai signé le registre d'une main ferme. Marc a fait de même, son regard ne quittant pas le mien, un mélange d'amusement et de tendresse.

Quand l'adjoint au maire a prononcé les mots « Je vous déclare unis par les liens du mariage », une vague de paix m'a envahie. C'était fait. J'avais un document. Une preuve légale. Une arme.

En sortant, j'ai pris mon téléphone. J'ai pris une photo de nos mains entrelacées, avec le livret de famille bien en évidence. Je l'ai postée sur tous mes réseaux sociaux avec une simple légende : « Madame Dubois-Lambert. Pour la vie. »

À peine avais-je rangé mon téléphone dans mon sac qu'il s'est mis à vibrer.

Le nom qui s'affichait sur l'écran a glacé mon sang, malgré le soleil qui brillait.

Chloé Moreau.

Elle n'avait pas perdu de temps. Le prédateur avait senti sa proie lui échapper.

J'ai pris une grande inspiration et j'ai décroché. La voix de Marc à côté de moi était lointaine.

« Tu réponds ? C'est Chloé, non ? Dis-lui bonjour de ma part. »

Oh, je comptais bien lui dire bonjour.

Dans ma tête, je revoyais sa silhouette se découpant devant le vide, le vent agitant ses cheveux tandis que ma voiture tombait. La haine était une braise ardente dans ma poitrine.

« Allô ? » ai-je dit, ma voix parfaitement calme.

Le combat ne faisait que commencer.